CAM #104 – Squirt, orgasme et quête de vérité

Il est 22h30, je suis en ligne depuis une petite demi-heure, et je vois s’afficher dans mon chat, pour la 3e fois de la soirée : « Tu squirt ?« , lancé par un viewer. 

Je ne sais pas si vous l’aviez remarqué, mais c’est une demande très fréquente dans le monde des shows webcam. Personnellement, avant de commencer à en faire, je n’avais même jamais entendu ce mot… vous non plus ? Pas d’inquiétude, je vais tout vous expliquer. « Squirter » vient en fait du verbe anglais « to squirt« , francisé pour l’occasion. C’est, si vous n’êtes pas anglophone, l’action de « gicler » ou la fameuse éjaculation féminine. J’ai essayé de comprendre l’engouement pour cette pratique dans le monde de la webcam. 

Squirt VS orgasme 

Tout d’abord, il faut se rappeler la très large marjorité des modèles webcam sont des femmes cis seules en cam. La finalité d’un show cam est souvent l’orgasme, et un orgasme féminin, ce n’est pas aussi “visuel” qu’un orgasme masculin. Quelques contractions de périnée, des tremblements de cuisses, des gémissements, et c’est plié, merci bonsoir. Alors, même si c’est bien sûr particulièrement agréable à voir, ce n’est pas aussi impressionnant qu’un cumshot qui en met partout ! On rappelle au passage que le moment de l’orgasme masculin dans un porno est appelé le « money shot« , le plan qui rapporte. Celui sans lequel la plupart des spectateurs auront l’impression que le film n’est pas fini, ou qu’ils ont été un peu floués quelque part. Du coup, on peut supposer qu’une belle éjac féminine remplace élégamment le cumshot manquant. 

L’amour du squirt en est à un tel point dans ce monde que, au gré de conversation avec des amies modèles, il nous arrive de nous donner des conseils pour arriver à squirter, comme si c’était un Saint-Graal à atteindre ! Moi-même d’ailleurs, en découvrant la demande autour de cette pratique – pour certains, c’est même un passage obligé, sans squirt, adios les tokens – je me suis renseignée et me suis entraînée telle une athlète du cul pour y arriver. Cela me semblait faire partie de starter kit de la camgirl, et j’avais l’impression qu’il manquait quelque chose à ma vie ! Rien que ça. 

L’autre aspect qui fait la demande de cette pratique, à mon avis, tourne autour d’une autre thématique : la recherche de vérité. En effet, une des choses que les viewers me rapportent aimer dans les shows webcam, c’est le côté amateur et « vrai » (par opposition aux actrices qui tournent pour des prod). En effet, comme la camgirl décide elle-même de ce qu’elle fait ou pas, on peut s’attendre à ce qu’elle prenne du plaisir à ce qu’elle fait ! Et c’est d’ailleurs tout l’intérêt du principe : une plus grosse proximité, ou sincérité. C’est aussi pour ça que sur les sites de tubes, la catégorie « amateur » est particulièrement appréciée : en s’affranchissant de côté « professionnel », on suppose que les gens prennent vraiment du plaisir.

Pour en revenir au squirt, contrairement à un orgasme sans éjaculation, celui-ci ne semble pas possible à simuler ! On peut donc être assez convaincu que la camgirl a réellement eu un orgasme grâce à vos tokens. Et c’est probablement vrai ! Mais malheureusement, si un orgasme « normal » est relativement facile à simuler, eh bien… un squirt aussi, en fait. Je vous laisse imaginer comment, je suis sûre que vous avez votre petite idée. Désolée de détruire vos espoirs de la sorte, mais j’aimerai aussi rajouter que… un squirt ne veut pas forcément dire orgasme. Quand je squirt, c’est parce que j’ai suivi le mode d’emploi, que je connais maintenant, et même si c’est agréable, ça ne ressemble en rien à un orgasme ! Cela dépend des modèles bien sûr, mais n’allez pas vous imaginer nécessairement un plaisir inouï et incontrôlable. En plus après il faut changer les draps, et il y a toujours la hantise d’asperger le clavier ou la webcam… 

Simuler ou ne pas simuler, telle est la question 

Nous avions déjà parlé du fait de surjouer son plaisir dans notre précédent article sur le Lush. Aujourd’hui, j’ai voulu m’interroger un peu plus sur ce que cherchent exactement les viewers… j’ai lancé un petit sondage sur mon compte Twitter pour demander à mes followers si, quand ils regardaient un show webcam, ils cherchaient : 

– Du vrai plaisir, pas surjoué, quitte à ce que la modèle n’arrive finalement pas à jouir (eh oui ça arrive, c’est très impressionnant et beaucoup de pression, de devoir jouir devant des centaines de personnes, en réalité) 

– Un spectacle, des cris, peu importe si c’est simulé tant que le viewer s’éclate en regardant 

Et bien plus de 90% des répondants qui ont voté pour le « vrai » ! Je ne m’attendais vraiment pas à une réponse aussi tranchée, car il m’arrive souvent d’avoir des tipeurs me demandant de crier plus fort, d’en rajouter, de gigoter plus, bref, d’en faire des tonnes pour montrer mon (ou pas) plaisir. Mais il semble donc qu’ils fassent partie d’une minorité. 

Je comprends tout à fait que l’on cherche du vrai plaisir dans un show webcam. Seulement, même si on a tendance à qualifier les camgirl d' »amateures », on peut s’interroger sur ce terme : peut-on vraiment l’utiliser pour des filles dont c’est le métier ? Qu’y a t il encore d’amateur là dedans ? Certes, durant les shows webcam, les modèles font en général tout pour que vous vous sentiez comme à la maison, cosy, avec une voisine que vous aimeriez bien pécho… N’oubliez pas que tout est codifié. Ces shows restent, à mon sens, un spectacle, une prestation. Quand je suis en show, je suis avant tout là pour VOUS faire passer un bon moment, donc je vais faire de mon mieux pour y arriver. Eh oui ! Par exemple, sucer un gode en théorie ne me fait pas pousser de petits cris de délectation. Pourtant, je le fais, car je sais que vous aimez vous imaginer à la place du bout de plastique ! Et, parfois, je fais certaines choses que je ne pratique pas forcément dans ma vie privée, car je trouve qu’elles rendent bien à l’écran. Cela n’empêche absolument pas que le plaisir ressenti soit réel, attention ! Simplement, le plaisir s’exprime d’un tas de manières, pas forcément toujours très visuelles. Et pour que les viewers se rendent bien compte que l’on prend son pied, on peut être amenée à en rajouter un peu niveau vocalises ou attitude. C’est un peu comme avec un partenaire finalement, même si on est d’un naturel assez peu bavard, on va peut être avoir envie de lui faire comprendre que là, c’est vraiment bon, pour l’exciter et lui montrer notre appréciation. 

Mais du coup, si on me demande de squirter, alors là on perd complètement le côté spontané : je sais qu’il va falloir que je boive un litre d’eau, et utilise un jouet particulier, dans une position particulière, pour que la magie se produise. J’ai plus l’impression de réaliser une prestation que de me faire réellement plaisir, ce qui est un peu contre productif, si on considère que les gens veulent voir un squirt pour ne pas douter de la véracité du plaisir… 

Un show, c’est, pour moi, un savant mélange entre contrôle et lâcher-prise : je sais quelles poses prendre pour me mettre en valeur, comment parler, et quoi faire, comment installer une ambiance chaleureuse. Mais j’adore aussi me laisser porter aux moments ou je prends du plaisir, et un peu moins être dans le côté “spectacle”. C’est pourquoi, je trouve qu’en essayant de codifier le plaisir féminin pour le rendre plus expansif, grâce à des squirts, un cri au bon moment et des litres de cyprine, on perd peut-être un peu l’esprit de la cam : prendre son pied ensemble en faisant ce qu’on aime.

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