« Sex Criminals » T.1 – Matt Fraction et Chip Zdarsky

Ca vient, ça vient, ça vie… Oups. Pour Suzie et Jon, jouir n’est pas forcément simple, et ça n’a rien à voir avec leur façon de faire, non non, le problème c’est ce qui vient après. S’ils l’appellent différemment, « Grand Calme » pour elle, « Foutoir » pour lui, ils partagent le même secret: lorsqu’ils jouissent, le temps s’arrête.

Pendant toute son adolescence, Suzie s’est joyeusement livrée au plaisir du fap. Dans la baignoire, sous la couette… Mais elle a surtout découvert un truc incroyable. Quand elle jouit, le temps s’arrête. Sauf que pour elle, ça n’est pas une jolie formule pour exprimer la plénitude que peut faire ressentir un très bon orgasme, non non : le temps s’arrête. Littéralement. Elle découvre que ça marche aussi quand elle couche avec quelqu’un. Elle prend des notes, pour essayer de comprendre, mais rien n’y fait. Et puis un jour, dans une soirée, elle rencontre Jon’.  De fil en aiguille, ça flirte, ça se drague, et ça se termine (littéralement) dans une chambre à l’étage. Sauf que là, surprise.

Jon aussi arrête le temps lorsqu’il jouit. Résultat, ils se retrouvent ensemble dans cette faille spatio-temporelle du cul. Forcément, ça crée des liens.

Suzie et Jon’ se racontent ce qu’ils ont pu faire de ce pouvoir séparément. Pour Suzie, pas grand-chose, son but à elle, c’est de trouver le calme, pour Jon, ça a été l’occasion de pousser les portes des sex-shop et cinéma porno qui le faisaient déjà rêver. Le truc, c’est qu’ensemble, les possibilités sont démultipliées. Ils savent très bien comment ça marche : la faille dure un temps donné, pour y mettre fin, il faut que l’un des deux ait envie de remettre le couvert.

Et puis un jour, ils ont des dettes à régler. Suzie veut sauver la bibliothèque dans laquelle elle travaille, et pour ça, il faut de la thune. Alors nos deux supers héros du cul décident de profiter de leurs orgasmes magiques pour faire un braquage. Le problème, c’est que ça ne se déroulera pas exactement comme prévu, et qu’ils vont se retrouver traquer par la police du sexe. (Vous inquiétez pas, elle ne viendra pas pour vous, promis on ne leur dira rien !)

LE GRAND CALME

On va commencer par l’idée de base. Il faut avouer qu’elle est absolument géniale. Le fait de prendre au pied de la lettre l’idée selon laquelle la jouissance à cette capacité à distordre la perception, le temps et à plonger les fapeurs dans un état de calme absolu qui semble là pour mettre la vie, les emmerdes, les engueulades, ou les pensées sur pause, c’est extrêmement bien pensé. Au-delà du concept de base, c’est aussi extrêmement bien amené. On pourrait trouver l’idée un peu grotesque, et surtout, se demander pourquoi ces deux là sont des espèces d’élus du cul. Sur ce second point, le premier tome ne nous apportera pas la réponse, mais en même temps, on ne va pas en vouloir à Matt Fraction et Chip Zdarsky de ne pas tout nous dire du premier coup. Personnellement, j’ai très hâte de lire la suite et de comprendre pourquoi Jon et Suzie peuvent mettre la vie sur pause quand ils viennent, alors que la plupart des mortels finissent en ayant envie de dormir, de manger, ou juste de retourner travailler, et surtout, j’ai vraiment très envie de comprendre qui est cette police du cul, qui semble bien décidée à se débarrasser de nos Bonnie & Clyde de la branlette. En soit, si vous êtes fan de comics, vous trouverez votre compte au-delà même du propos. On a vraiment affaire ici à une histoire de super-héros, qui vont devoir affronter des super-vilains. C’est juste que tout ça se fera à coup de levrette, de menottes en cuir et de baise sauvage dans les toilettes.

LE FOUTOIR

Le truc qu’on peut parfois reprocher aux livres qui parlent de cul et qui ne sont pas édités dans une collection qui y est dédiée, c’est qu’on a tendance à parler du cul en édulcorant le tout. Faut que ça soit joli, plein d’image, et on va parfois jusqu’à y mettre des petites fleurs partout. Ici, ça n’est pas le cas. Suzie et Jon sont des gens normaux (ou presque) qui bossent dans une bibliothèque et dans une entreprise. Quand ils baisent, ils le disent comme ça, tels que c’est, quand ils vont au sex-shop, certains trucs les font marrer, quand ils parlent de porn, ils le font de façon légère, sans gravité. Suzie et Jon’ sont super attachants, et ils donnent envie de les suivre dans leurs ébats parce qu’ils ne font pas du sexe un truc sacré, ni même un truc sérieux. Ils rient, ils se vannent, et en même temps, quand on a une bite qui brille comme un vers luisant au moment de l’orgasme, forcément, ça aide à se prendre moins au sérieux. On rit avec eux, et force est de constater que c’est agréable.

DEUX SALLES, DEUX AMBIANCES

Qui dit comics et bande dessinée dit, évidemment, illustration et identité graphique. Je ne suis pas une très très grande lectrice de comics, bien que j’apprécie globalement le genre, et que je le trouve souvent vraiment marquant sur le plan visuel. Sex Criminals s’inscrit dans cette veine, et je dois avouer que le style des dessins m’a vraiment énormément plu.

Pour les puristes des comics, on retrouve les codes du genre, les silhouettes très angulaires, quasi géométriques dans leur globalité, mais aussi le choix des couleurs, les contrastes entre des couleurs très vives, parfois même néons, et des couleurs plus douces, un vrai travail sur les ombrages et la lumière aussi. Cette esthétique comics se retrouve d’ailleurs dans les nombreux art-works qui nous sont ajoutés en bonus à la fin du tome 1.

En revanche, la spécificité des illustrations, c’est qu’on a une vraie différence nette sur le plan visuelle lorsque la narration change de temporalité.

Petite leçon de cul pour Young Suzie

Ainsi, si le temps réel est plutôt net, réalisé dans des couleurs plus neutres, le temps de l’orgasme est représenté dans des tons extrêmement colorés, et avec quelque chose d’un peu plus trouble. C’est une temporalité plus lumineuse, plus colorée, plus joyeuse aussi. On ressent vraiment à travers ça que l’espace temps dans lequel les deux comparses sont plongés quand ils baisent est un espace qui les éloigne de leurs emmerdes, mais aussi, qui est profondément empowerant. Lorsqu’ils sont dans cette faille, Suzie et Jon’ sont tout puissants, et ils se sentent capables de pures folies qu’ils n’auraient jamais osé réaliser dans leur vie « normale ».  

Premier orgasme partagé

La différence entre les deux espaces n’est donc pas seulement indiquée par la narration, mais aussi par les dessins, ce qui est très pertinent pour un comics.

En bref, si vous aimez les histoires originales, l’esthétique comics, le sexe joyeux et les histoires de super-héros, je ne peux que vous recommander la lecture de Sex Criminals! Personnellement, j’ai déjà commandé le tome 2!

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