Ciné Porn #8 – Intimité

Quelques coups donnés à la porte. Un homme ouvre et parle à peine à la femme qui entre chez lui. Il lui propose un café et échangent quelques banalités. Elle garde sur elle son manteau, semble chercher de l’oeil où s’asseoir dans cet intérieur laissé à l’abandon. Et puis elle lui caresse la nuque. Le geste, d’une grande tendresse, déclenche une tempête. Ils se jettent l’un sur l’autre entre les cartons sur la moquette sale. 

C’est un arrangement tacite entre eux : chaque mercredi entre 2h et 4h de l’après-midi, ils font l’amour. Ils ne connaissent pas le prénom de l’autre, ne se sont jamais demandé ce qu’ils faisaient dans la vie ni même si ils étaient célibataires. Une seule fois, il lui a demandé de venir chez lui. Et puis depuis, elle revient à la même heure. Il l’accueille, ils font l’amour et puis elle se rhabille et repart. 

C’est une rencontre silencieuse dont le rythme semble être toujours le même. Quand leurs corps se retrouvent c’est dans la violence. On imagine les dents qui s’entrechoquent, les mains qui empoignent, les soupirs rauques de soulagement. Et puis ils se déshabillent en silence chacun à un coin de la pièce. C’est dans la lenteur qu’ils se donnent du plaisir. Leurs gestes ne sont pas automatisés par le quotidien ni alourdis par la peur de la performance. Parfois, il jouit vite et s’en excuse, et elle balaye d’un regard ce « sorry » qui ne veut rien dire. Parfois, ils s’endorment l’un contre l’autre. 

Lui, est un homme solitaire. Il a quitté sa femme et ses enfants un an auparavant et vit depuis dans une maison qu’il n’a jamais aménagé, rythmant son quotidien sur son travail de barman. C’est à elle qu’il en veut quand il commence à s’attacher. Un ami le recadre : « Pourquoi elle serait plus désespérée que toi ? Tu lui as rien demandé et elle non plus. Pourtant tu ouvres la porte et voilà. Où est le désespoir ? On tombe rarement sur quelqu’un qui veut les mêmes choses. Tu lui apportes peut-être beaucoup sans le savoir ? ». 

Il commence à la suivre. Dans la rue, au beau milieu d’un marché de la banlieue de Londres, il la perd. Un autre jour, il a plus de chance et la découvre comédienne, qui interprète La ménagerie de verre de Tennessee Williams dans un pub où la porte qui mène à la salle de spectacle conduit aussi aux toilettes. Il rencontre son mari et son fils. Il cherche à comprendre, se sent trahit qu’elle ait des raisons de le voir différentes des siennes. Sans le savoir et même sans le vouloir, elle le ramène à la vie. Il n’est question entre eux que de se sentir vivant. C’est ce qui rend ces longues minutes de sexe dans Intimité aussi hypnotiques. Une fellation de Kerry Fox sur Mark Rylance n’est pas simulée. L’instinct de vie pur n’est pas simulé. On n’oublie jamais ces héros du sexe anonyme qui portent chacun au quotidien leurs fardeaux mais s’en délaissent un temps pour se retrouver, nus, sur la moquette, parfois dans l’encadrement d’une porte, là et quand l’urgence s’exprime. 

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