La dernière séance avec John Waters sur Playboy TV

Depuis 2010, Playboy TV se la joue History Channel de l’érotico-porno, le triangle doré remplaçant la pyramide.  Jusqu’alors vectrice de télé-réalité coquine (7 lives exposed avec Devinn Lane, Foursome, Brooklyn kinda love) et autres programmes sexy garantis sans-éjaculation-à-l’écran, l’excroissance télévisuelle de la célèbre revue – contrôlée par MindGeek depuis 2011 – avait en effet assurée la diffusion de plusieurs monuments du genre signés Russ Meyer, tels que Beneath the valley of the Ultra-Vixens ou Cherry, Harry and Raquel! (première apparition émouvante de Charles Napier à l’écran).

Rebelote, décision est prise de commencer comme il se doit l’an nouveau en poursuivant ce voyage éducatif à travers les chemins de la sexploitation. Au programme ? Quelques bandes cultes du genre, bien connues des cinéphiles hédonistes. Deep Throat, Debbie does Dallas,  The Devil in Miss Jones, Candy Stripers, Tell them Johnny Wadd was here… autant de films vous rappelant que la fellation peut être perçue comme un acte de contestation politique, ainsi que le démontrait l’édifiant do-cul Inside Deep Throat en 2005. Une ambition culturelle somme toute attendue me direz-vous, si ce n’est que le commentateur appuyant avec enthousiasme l’importance de ces perles ne sera autre que John Waters, pape du trash et amateur de grosses poitrines, de travelos felliniens et de langage salé.

tell-them-johnny-wadd-is-here

Pour Waters, le cinéma porno n’est pas seulement une exubérance de plus, mais un langage à l’aune de sa découverte de l’expression de soi par l’image. Le détournement des conventions et le goût de la blague grivoise propres au cinéma du gay-luron peuvent se concevoir comme des hommages délibérés au meilleur porn des seventies, où jambes et l’air et moustaches rimaient avec dérision et libération. Nulle doute que Waters saura s’épancher sur les points capitaux inhérents à ces fondamentaux de la séance-VHS pour coquins curieux. Tout comme la culture punk qu’affectionne tant Waters, le sexe filmique, de choc initial et initiatique, est depuis devenu une industrie et une marque déposée, traversée de fulgurances amateurs essentielles. Punk et porn renvoient également aux rêves de jeunesse, qu’ils soient furieux ou humides.

Tout aussi important que le premier plaisir solitaire, demeure aux yeux du cinéaste le souvenir de ce plaisir. Et, pour le réalisateur de Hairspray, la madeleine de Proust a pour nom John Holmes ou Linda Lovelace. Groundbreakers promet ainsi d’être un programme d’érudit, de la part d’un voyou qui, à l’instar de Russ Meyer, a compris la dimension subversive de l’obscénité joyeuse.

Crédit photo © Kathy Willens

Aucun commentaire. Laisser un commentaire

Laisser un commentaire