Entretien avec Judy Minx

Je suis Judy Minx, j’ai 22 ans, je suis actrice porno depuis que j’ai 18 ans et militante.

Être militante semble être au coeur de ta vie.
Je me définis comme militante avant toute chose. Dans tout ce que je fais, il y a cette dimension, et donc aussi dans le travail.

Combien de films ou scènes as-tu tournés ?
Je ne peux pas compter comme ça, mais il doit y avoir une quinzaine de scènes chez John B. Root, trois films porno français, puis toutes les choses que j’ai faites dans un cadre plus militant, porno féministe, queer et compagnie : pour Emilie Jouvet, Todd Verow, Courtney Trouble (Roulette Toronto et Roulette Berlin) ou QueerPornTV et NoFauxxx par exemple. Et plein d’autres choses.

On peut vivre du porno en France ?
J’ai jamais pu en vivre. C’est possible, mais justement en faisant beaucoup plus de porno de merde. Si t’as décidé d’avoir un minimum d’exigence, de ne pas juste être là pour le fric – en gros, si tu veux éviter les Fabien Lafait, Coppula et cie -, il n’y a pas grand-chose à faire. La plupart des actrices françaises qui veulent faire carrière se tournent vers Budapest.

D’ailleurs c’est quelque chose qui te tente ou pas du tout ?
Je me suis pas mal posé la question, mais je ne veux pas tourner sans capote. Et puis, c’est assez intense physiquement. Quand tu vas à Budapest, t’es obligée de tourner énormément pour amortir l’investissement, entre le transport et l’hébergement. Je le ferais si j’avais des amis dans ce milieu, des meufs avec qui y aller… Et puis je le ferais si j’avais que ça à foutre de ma vie. Mais pour l’instant j’en ai pas besoin, pas tout de suite en tout cas.

Et sinon, tu étudies ?
Plus maintenant. J’ai une licence d’anglais et j’ai quelques projets de traductions. Pour l’instant, je n’ai fait que bosser dans les métiers du sexe : téléphone rose, domination professionnelle, escorting, services fétichistes, et le porno. Il me reste à faire du strip-tease ou du peep-show… J’ai vraiment envie d’explorer le travail du sexe sous toutes ses formes.

Ça t’évoque quoi, la “culture porn” ?
Ce qui est intéressant, c’est que c’est une sous-culture qu’on partage BEAUCOUP mais dont on ne parle JAMAIS. Ce n’est pas seulement une histoire de tabou. C’est aussi que socio-culturellement parlant, ça n’est pas un sujet de discussion. Alors que je suis sûre qu’il y a plein de gens comme moi, qui sont obsédés par ça…

Je te le confirme…
Ce que j’aime vraiment dans les articles du Tag Parfait, c’est cette espèce de subjectivité qui nous met dans la tête de l’auteur. Ça crée une connivence entre les lecteurs et l’auteur. Comme on ne parle jamais de ça, on croit qu’on est les seuls à les vivre… Mais, on se rend compte qu’en réalité, on est tous pareils devant un porno.

Et puis cette histoire de tags, c’est quand même assez marrant. T’es obligé d’y passer quand tu cherches du porno sur Internet, particulièrement sur les tubes. C’est quasiment leur seul inconvénient, que, PUTAIN, faut chercher, et savoir chercher. Ça t’oblige à t’interroger sur ce qui t’excite vraiment en particulier, alors qu’on n’est jamais excité par un seul truc.

Un autre point intéressant dans cette culture ; on constate qu’il y a des thèmes et des scènes qui nous ont tous marqués. Il y a vraiment des classiques dans le porno : le poirier de Gauge ; cette scène au bord de la piscine avec Rocco ; ce film avec les boules dans le cul, un TRUC DE OUF…

On assiste peut-être à l’avènement d’une vraie culture porno, qui va au-delà de la sexualité, du porno pour le porno.
Je pense qu’au-delà de la culture, c’est vraiment une question de perversion. Tu partages des fantasmes ou des trucs inexplicables, incompréhensibles. “Pourquoi c’est excitant ? Je ne sais pas.” Ce sont des angles de caméra qui deviennent excitants, des images, pas les pratiques. Je remarque que dans le porno américain, il y a énormément de scènes qui dépassent la pornographie de base. Ça devient purement visuel, ce sont juste les images qui fonctionnent.

Le #gape, par exemple : encore un TRUC DE OUF. Ça pourrait presque marcher si c’était pas un cul et une bite. Pareil pour la gorge profonde : le but n’est même pas que le mec prenne du plaisir, mais juste de faire saliver la meuf un maximum…

A ce propos : dans le road-movie Too Much Pussy (en salle le 6 juillet), tu évoques ton fétichisme sur la bave et le crachat…
Grave. Tout ce qui a rapport avec la bouche. J’ai une grosse “oral fixation”, comme avec le #gagging par exemple.

Un autre truc qui marche super bien sur moi, c’est les filles qui se versent de l’huile sur le cul… Je suis complètement une “buttwoman” : je regarde que des pornos avec de l’anal et des culs. Des gros culs.

Et tu trouves de quoi te faire plaisir avec le porno ? Tu vas chercher où ?
Je suis plutôt PornTube, SpankWire, PornHub. Il y a aussi WANKDB, une base de donnée de tubes…

Parfois c’est compliqué, tout le système de tags et de niches est encore hyper simpliste. C’est assez dur pour moi de trouver ce que je veux vraiment. Souvent, ça va être un passage d’UNE seconde. Tout ce qui est claques sur le visage, par exemple, si je cherche face slapping je ne trouverai pas ce qui m’excite.

Du coup j’ai plus tendance à chercher des acteurs et des actrices dont le STYLE DE BAISE m’excite. Nacho Vidal ou Manuel Ferrara… une domination un peu sensible. Une scène de Nacho m’a énormément marquée : dans Back 2 Evil, la scène avec Katja Kassin, vraiment un truc de ouf. Et dans Fashionistas, la scène avec Mélissa Lauren, Katsuni, Rocco et Nacho. C’est un TRUC DE TARÉ. C’est quelque chose de très psychologique. Nacho baise Mélissa pendant super longtemps et elle se pisse dessus, et il la force à lécher sa pisse. C’est super beau.

Parle-moi un peu de dirty talk.
Je KIFFE quand c’est le mec qui parle, mais la meuf ça me saoule. Ce que j’aime ? Un flot continu de paroles avec des trucs hyper répétitifs. Comme Manuel Ferrara, ou Rocco qui dit “Nasty nasty nasty”, ou Nacho qui dit “Right there, right there baby”.

Qu’est ce qui t’excite en ce moment ?
J’ai envie de nouveaux trucs. J’ai envie de trouver la vidéo pépite, plutôt que de regarder les anciennes que j’ai vues 3 000 fois. Je me lasse vachement vite, mais quand je veux me branler de manière efficace, je retourne vers mes classiques. Une scène qui marche bien avec moi : Carmella Bing, une fille avec des grooooos nichons, alors que d’habitude j’aime pas trop les gros seins. C’est un gang-bang bien hardcore…

Tu n’aimes pas les gros seins, mais au niveau des grosses tout court ?
Dans la vraie vie, j’ai un gros fétichisme pour les meufs #chubby. Dans le porno, j’aime pas les meufs hyper maigres. Mais de toute façon j’ai un peu de mal à comprendre le principe de la niche, de chercher une blonde ou une grosse. Moi je cherche des pratiques, des façons de baiser, des actrices en particulier.

T’as jamais cherché du côté des tags “exotiques”, comme #arab ou #indian ?
Non… Le tag #arab ça me choque trop, parce qu’il y a une islamophobie un peu intense en ce moment, et ça me concerne assez vues mes origines. J’avais regardé Beurettes Rebelles et ça m’avait super choqué. Je peux pas m’identifier à un blanc islamophobe. J’ai vraiment du mal avec le trip de la meuf qui enlève son voile en criant Allahu Akbar !

Il t’arrive d’avoir honte après avoir joui ?
Il y a plein de trucs qui me mettent mal à l’aise dans le porno : tout ce qui est #anal-prolapse, par exemple. En tant qu’actrice, j’arrive pas à gérer le fait qu’il y ait des gens qui soient payés pour porter atteinte à l’intégrité de leur corps. C’est chaud.

Et sinon, tu vois Kelly Wells ? Je fais une request : je VEUX que Le Tag Parfait ponde un article sur elle ! Elle est pas présentée comme jolie, elle est dans le trash et l’humiliation. Elle se fait vraiment malmener. Et elle joue sur un truc pas du tout sexy d’auto-destruction. Elle joue un peu la débile mentale, j’ai l’impression. Elle fait des grimaces, quand elle gueule c’est pas sexy… Y’a vraiment un truc particulier avec elle. Excitant tout en me mettant mal à l’aise.

Mais tu comprends qu’il y ait des gens qui regardent ça, et qui soient excités par ça.
Bien sûr ! Mais c’est un peu ça le problème, l’envie de se branler est plus forte que toute autre considération.

Ça me fait penser à Efukt, qui diffuse des bloopers [des ratés] porno assez crado, et plus généralement à toute la culture Internet de notre génération, élevée aux Rotten puis à 4chan et compagnie.
Je trouve ça triste. Le monde entier a accès à des trucs qui satisfont des plaisirs primaires de voyeurisme hardcore ! J’ai une tendance moraliste (rires) quand je pense à toute cette perte d’innocence…

Au niveau du traitement des actrices justement, l’industrie française est relativement correcte, non ?
Je trouve pas. Après j’ai jamais bossé ailleurs, à part dans le porno queer et féministe qui a des pratiques différentes en termes de conditions de travail. Mais j’ai quand même l’impression qu’en France, on est super mal traitées. Aux USA, on arrive à mettre plus d’attention dans le traitement des performeurs. Ne serait-ce que “t’as froid, t’as chaud ? t’as soif ? tu veux plus de lubrifiant ?” C’est une industrie plus normalisée, donc on se donne les moyens de faire que les gens se sentent bien. Alors que dans le porno en France, il y a des pratiques glauques. C’est pas vraiment qu’on va te forcer à faire des choses, mais tu n’auras pas beaucoup de place pour exprimer ce dont t’as besoin ou envie. Il y a beaucoup de pression sous forme de “celle-là c’est une chieuse”, histoire de te faire comprendre de la fermer. Et vu que c’est un petit milieu, tu sais que quelqu’un d’autre va utiliser ton cas pour faire pression sur une débutante. C’est juste glauque, en fait.

T’as pas l’air de porter le porno français dans ton coeur…
J’en ai un peu marre du porno français en fait. C’est toujours pareil, ce sont des images normées de la société, qui ne plaisent même pas au réalisateur. Il fait ça parce qu’il pense que ça excite le spectateur. Le souci c’est qu’une grande partie du porno français est influencée par Hot Vidéo. Pareil pour les webmasters qui font pas mal tourner l’industrie du porno en France mais ne créent pas de porno. Des gens un peu cons qui pensent à la place du consommateur avec un mépris évident.

Justement, je suis étonné de voir que t’as joué dans des trucs français qui proposent des visions relativement… rétrogrades.
Sur certains tournages il y avait des discours hyper hardcore. A propos de telle actrice : “quelle salope elle baise même en dehors des tournages”, et moi j’étais là : “WTF ?”. On est dans une industrie qu’est censée être plus ouverte en matière de sexe, et t’entends ça… Le porno français est super sex-négatif.

Le blog de Judy Minx

Propos recueillis par Jizzkov. Photos par © Guilhem Malissen

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