Maneskin – I WANNA BE YOUR SLAVE

Chaque année, l’Eurovision est un peu LE rendez-vous chanson de la communauté LGBTQIA : kitsch, robes lumineuses, pantalons moulants, lance-flammes et effets visuels à tout va, le concours historique offre d’ailleurs une indéniable visibilité aux chanteurs·euses queer qui ont pu y participer ces dernières années. Comme chaque année, j’étais donc devant ma télévision le 22 mai 2021, et quel ne fut pas mon bonheur lorsque sont apparus à l’écran les candidats italiens. Des costumes en cuir cuivrés à clou, des torses nus, des corsets, des chockers, des chaussures à talons compensées et des yeux très maquillés : je ne comprenais rien à ce qu’ils racontaient, mais j’étais sous le charme. Autant vous dire qu’après la célébration de leur victoire, j’avais hâte de voir la suite.

Italia, 12 points

Les semaines sont passées, j’ai pu découvrir au passage qu’avant l’Eurovision, nos charmant·e·s Italien·ne·s n’avaient pas chômé puisqu’en 2017, ils avaient déjà terminé deuxièmes de la version italienne d’X Factor. C’est le 15 juillet que mon attente a finalement été récompensée avec la publication du clip d’une chanson au titre aussi kinky que la vidéo qui l’accompagnait : I Wanna be your slave.

POP ART ET VISION NOCTURNE

Dès les premières secondes, le ton est donné. Sur fond bleu, Damiano apparaît dans une lumière jaune qui tranche franchement avec le reste de l’image. Cette esthétique qui rappelle à s’y méprendre l’univers ultra coloré et très color block d’Andy Warhol sature le clip. C’est pop, c’est joli, ça attire l’attention, et ça rompt un peu avec le traditionnel code couleur à base de noir, de rouge et de blanc qu’on peut voir associer à ce style musical. Les plans ultra colorés s’enchaînent, et laissent place ensuite tantôt à des plans classiques, tantôt à des prises de vue filmées en caméra nocturne qui, en plus d’offrir une colorimétrie peu habituelle à base de vert et de blanc très blanc, nous place en position de voyeur, et on ne va pas se mentir : on aime bien ça. 

RÉFÉRENCES BIBLIQUES ET RUPTURE AVEC LES NORMES DE GENRE

Le clip est riche d’images fortes parmi lesquelles on retrouve des références bibliques explicitement exprimées et détournées. Ainsi, lorsque Victoria se la joue Eve kinky qui lèche une pomme dont la couleur évoque plutôt une pomme d’amour trop sucrée que le fruit de la connaissance, le fruit se pare de lames de rasoirs qui viennent entacher la symbolique. D’ailleurs, à darder la langue pour se régaler du fruit, elle n’est pas sans évoquer un certain serpent tentateur, surtout lorsqu’elle nous montre le mot écrit sur sa langue: sin.

Ce n’est pas le seul plan sur lequel le clip se veut explicitement transgressif. En effet, que ce soit au début où le chanteur est présenté comme une poupée que l’on habille et maquille à sa guise, ou par la suite lorsqu’on le voit accompagnée de sa bassiste, l’un portant de la lingerie traditionnellement considérée par la société actuelle comme féminine avec des escarpins, et l’autre un costume trois pièce, symbole classique de la masculinité dans l’univers de la mode.

TEXTE EXPLICITE ET KINKS EN FOLIE

Comme l’indique son titre, la chanson de Maneskin n’est pas vraiment un exemple de subtilité dans le texte. Alors oui, tout est caché sous couvert de métaphores qui m’ont rappelé mes premiers émois sur Cinéma Bizarre alors que j’étais encore une toute jeune adolescente qui découvrait qu’on pouvait parler de cul dans les chansons. Un vocabulaire marqué par le décorum traditionnel du BDSM, et de la subversion, soyons francs, ce n’est pas sur le plan des paroles que Maneskin propose quelque chose de vraiment nouveau ou de franchement original. En revanche, le clip se révèle être le parfait lieu d’exposition d’une jolie gamme de kinks en tout genre, et ça, on aime. Baisers à tout va, hétéro ou homo, combo latex et résille, harnais en cuir, slips blancs, jeu de fluides avec une superbe séquence d’hygrophilie à base de salive ou encore foot fetish : le panel est large et il offre une représentation vaste et diffusée à grande échelle au vue de l’exposition médiatique autour du groupe en ce moment. 


Perso, je suis pas mécontente que les jeux de fluides et les slips soient présents à l’appel, et ils ont clairement contribué à mon envie de vous parler de ce clip.

Coup de com’ surfant sur l’attrait de la société pour le sulfureux – tant qu’il n’est pas considéré comme porno – ou réelle démarche artistique, j’ai l’impression que c’est un savant mélange des deux. On a un groupe avec une image volontairement subversive qui en profite sans doute un peu, mais le résultat est vraiment très réussi. Et la chanson a même attiré l’attention d’Iggy Pop. 

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