Le tag Bi, amour et haine de ma vie

J’ai la même relation avec le tag bi qu’avec les mecs cis : la plupart des vidéos qu’il englobe sont cringy as fuck, mais je continue à y fourrer mon nez pour les quelques rescapées qui me font grimper au rideau. Je sais, on en a déjà maintes et maintes fois parlé, mais j’avais besoin d’ouvrir à nouveau le sujet, en tant que personne bi et adepte de ce tag. Il me brise le coeur et me le reconstruit dans la foulée. Pourquoi ? Ah, ça…

Je m’y reconnais pas

C’est pas faute d’avoir entendu la même ritournelle de la part de mes ex masculins, mais non : être bi ne signifie pas « faire des plan à trois ». Désolée de vous décevoir (non), mais le plan à trois, ou threesome, c’est un autre tag. De fait, faudra m’expliquer pourquoi une majorité de vidéos hébergées, encore en 2020, sous le tag bi peuvent être résumées comme suit : meuf chaude 1 passe la soirée avec meuf chaude 2, « ouhlala je t’ai effleurée » allez on se tripote et « OH NON DIS DONC », un mec nous observe/surprend ! Que faire ? Un plan à trois avec un parfait inconnu, pardi !

Si vous vivez votre bisexualité comme ça, aucun problème. Tout ce que je dis, c’est que nous sommes une majorité de meufs bi à ne pas nous reconnaitre dans cette représentation, omniprésente dans le porn. Et je parle même pas des mecs bi, qui sont absents de ce magma de vidéos et films fantasmés par des mecs cis-hétéros. C’est pas tant le fait qu’il y ait un plan à trois qui me dérange, mais plutôt le fait que ceux-ci font quasi systématiquement appel à un imaginaire qui, IRL, porte préjudice aux femmes bisexuelles. Non, nous ne sommes pas là pour pimenter ton couple, ni pour charmer beau-papa et finir dans le pieu avec maman (sérieux, wtf ?), et pas là non plus pour s’incruster dans la vie sexuelle de notre meilleure pote.

« Mais si tu tapes ‘féministe bi’, tu devrais t’y retrouver, non ? » Qu’on soit bien clair, c’est précisément ce point là qui m’échappe : pourquoi devrais-je atteindre Bac+12 en recherche de porn pour pouvoir tomber sur une représentation un tant soit peu adéquate de ma sexualité ? Et pour info, si vous tapez « feminist bi » sur PornHub, vous tomberez en premier lieu sur une vidéo élégamment intitulée : « FEMINIST BITCH GETS A MOUTH FULL OF COCK ». Où est le fucking rapport avec la choucroute ?

Ma concurrence à moi

Qu’on se le dise, le porno dit « bi » mainstream étant très (TRÈS) largement sujet au male gaze (ndlr : la vision d’homme cisgenre hétérosexuel dans une œuvre artistique), son visionnage à l’aube de ma sexualité et sans outil pédagogique pour l’appréhender n’a pas eu que des effets positifs. À voir des heures de meufs qui performent un maximum dans l’art de hurler à chaque contact, tenant des heures et enchainant les orgasmes, j’ai fini par me croire aux olympiades de la gymnabaise. Et c’est terrible, mais aujourd’hui encore, même avec le recul et l’expérience, je me sens poussée à la concurrence lorsque je visionne ce genre de pornos, pour plusieurs raisons.

Déjà, physiquement, et ça dépasse le cadre tag bi : les meufs sont archi normées. Minces, blanches, des seins qui défient la gravité… On en a déjà parlé, mais quand on nous oppose « il en faut pour tous les goûts ! », j’ai quand même l’impression que certains goûts sont plus privilégiés que d’autres. C’est soûlant, mais c’est pas vraiment ça qui me dérange le plus, et ce n’est pas le sujet du jour.

Ensuite, pour la faire courte, mes premières relations, je les ai eues avec des meufs. À l’époque, je n’avais AUCUNE autre représentation de la bisexualité que celle donnée dans le porn. Je ne savais pas moi-même poser un mot sur ma sexualité, donc vas-y pour trouver quelque chose qui s’en approche ailleurs que sur des sites de cul. Je me voyais mal me pointer au Furet du Nord (ndlr : la Fnac des Ch’tis, histoire d’être un peu chauvine), arriver au comptoir et claquer : « Bonjour, excusez-moi, auriez vous des recueils de témoignages ou toute autre ouvrage se rapportant à la sexualité d’une femme qui aime à la fois relationner avec des hommes et des femmes, s’il vous plaît ? » Avec des parents cathos tradis c’était mission impossible. Sans autre moyen d’explorer, je me suis rabattue sur le porn.

Et si vous me faisiez un massage pendant que je ne fais rien ?

Comme évoqué plus haut, j’y ai découvert des meufs qui tiennent des heures, gémissent fort, et prennent du plaisir à se taper une autre meuf avec en bonus le voisin/beau-père/beau-frère/petit ami de celle-ci. Cliché à mourir. Mais ça à l’époque, je ne pouvais pas le savoir, alors je n’ai pas pu m’empêcher de m’y comparer, et de me sentir un peu nulle face à ces meufs. Sans dévoiler mes goûts et habitudes en matière de sexualité avec des meufs, disons que ce que je voyais à l’écran se trouvait extrêmement loin de mes préférences. Si loin que j’en suis venue à questionner ma légitimité à me dire bi.

De fait, mon problème avec le tag bi, c’est que : de un, il manque de variété et participe donc à véhiculer des clichés biphobes, de deux, je n’ai pas grandi avec d’autres représentations que celle-là. Dieu merci, et c’est d’ailleurs ce qui m’a réconciliée en partie avec ce tag, les représentations et la parole autour de la bisexualité se sont un peu développées ces dernières années, et permettent aux plus jeunes de jouir d’une pédagogie sexuelle bien plus riche que celle qui m’avait alors été présentée à l’époque. Pour une fois, ouais, merci les réseaux sociaux.

@madsteaparty

here’s part two of my song about being #bisexual in honor of pridemonth! 🥴🏳️‍🌈✨ #fyp#foryou#foryoupage#viral#music#songwriter#bi#lgbt#originalsong

♬ boy bi by mad – mad tsai

Un petit goût de reviens-y

« Pourquoi tu critiques ce tag alors que c’est celui dans lequel tu fourres le plus ton doi… NEZ, ton nez ? », tout simplement parce que j’ai le droit, déjà, c’est ma sexualité, et j’estime être suffisamment éduquée sur le sujet et concernée pour savoir ce qui m’influence ou non en matière de sexe, aujourd’hui.

Ceci étant dit, notons également que j’ai le droit, comme toute personne un peu horny, de ne pas avoir envie de passer une heure à chercher LA vidéo dans laquelle il y a ni violences (ni sexuelles, ni physiques en général), ni mec cis qui débarque de nulle part, on sait pas trop pourquoi, et, surtout, où tout ne tourne pas subitement autour dudit mec cis. Alors parfois, je baisse les bras, et je laisse ma libido se faire porter, par une part de biphobie intériorisée peut-être. Je jouis en fronçant les sourcils, clairement.

Aussi, je regarde ce tag parce que je sais que je vais tomber sur un maximum de plan à trois où les meufs font la paire face au mec. Je sais, j’ai dit plus haut que j’aimais pas le fait que ce tag en regorgeait, mais ce n’est pas contradictoire : j’aime les plans à trois, je n’aime pas qu’on associe systématiquement la bisexualité à cette pratique, c’est tout. Donc, je disais, le threesome FFM (deux meufs, un mec) est une pratique que j’aimais jadis, et que je ne compte pas remettre sur la table de sitôt, a priori, donc le porn vient ici répondre visuellement aux rêves érotiques et fantasmes que je peux avoir ponctuellement. Pour la millième fois, c’est du cinéma, et regarder des plans à trois ne veut pas plus dire que je veux en faire un IRL le lendemain, que regarder La La Land ne donne une envie irrépressible de faire des claquettes en pleins bouchons sur l’A1. Ça réveille mes fantasmes, ça me fait du bien, point.

Et on en vient donc à la dernière raison : parce que ça me fait du bien, et que c’est, à la base, la fonction première du porn. Comme pour les réseaux sociaux, je m’aventure du côté des sites de cul uniquement quand je suis dans le mood, et que je sais à la fois ce que j’en attends et ce qu’ils ont à m’offrir. J’ai beaucoup moins de colère et de frustration en moi depuis que je peux constater que les choses changent, et que le tag bi évolue sur certains sites, majoritairement féministes ou queer. C’est lent, parfois je perds espoir ou tombe de haut, mais ça change petit à petit, et c’est tout ce qui m’importe.

Bref, tout ça pour dire : petit tag bi, je t’ai tant détesté pour ton influence pourrie en début de sexualité, j’en suis absolument pas désolée, mais sache que j’apprends désormais à t’aimer, et c’est plutôt chouette. Bisous mouillés, et à très vite !

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  • Je ne le vois pas si souvent que ça, le tag « bi » quand c’est une vidéo mainstream FFM. (Ou alors ça a changé depuis la dernière fois que je me suis fait la remarque.)
    J’avais plutôt l’impression que ce tag était réservé aux vidéos FMM où les deux mecs pratiquaient entre eux. Que quand c’est deux hommes qui se tapent une femme mais limite ne se touchent pas, c’est threesome. Quand c’est deux femmes et un homme, ça va être threesome aussi, mais par défaut les deux femmes se « doivent » de se toucher l’une l’autre.
    Et ça n’est « bi » que quand les deux hommes se touchent l’un l’autre. J’ai toujours trouvé ça dommage 🙁

  • Je vais certainement dire une connerie mais le porno bi est forcément en Threesome sinon on as un porno lesbien ou un porno gay et certaines personnes ne vont jamais sur ses tags car il ne s’identifient pas a une des ces 2 catégories alors que le tag bi sert d’alibi pour regarder 2 personnes du même sexe avoir une relation entre elles. Le porno bi ne représente en rien une réalité, je suis bi et je ne fais pas a chaque fois des plans a trois, ça arrive mais c’est assez rare. Le porno bi doit avoir trois personnes pour bien faire comprendre que c’est bisexuel et non homosexuel (le mot qui effraie ceux qui n’assume pas leurs envies)

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