Bella Thorne, l’épine dans le pied des utilisateur·ices d’Onlyfans

En s’inscrivant sur OnlyFans pour arnaquer ses innocents abonnés, Bella Thorne a causé bien des problèmes aux travailleuses et travailleurs du sexe qui utilisaient la plateforme pour proposer du contenu explicite payant. Et après le passage remarqué de l’ancienne égérie Disney sur le site, les choses ne seront plus jamais comme avant.

À moins de vivre au fond d’une grotte, vous avez forcément entendu parler d’OnlyFans. La plateforme propose à tout type de créateurs de contenus de publier des photos, des textes, des vidéos, et aux visiteurs d’y accéder grâce à un service d’abonnement. Très vite, grâce à ses conditions d’utilisation qui autorisent les contenus à caractère sexuel – contrairement à Patreon, Tipee ou tout simplement Facebook et Instagram – le site est devenu le point de ralliement des acteur·rice·s porno et autres travailleur·euse·s du sexe. Pour eux, cette plateforme était l’endroit idéal pour vendre des photos, des vidéos à caractère érotique ou pornographique, et reprendre le contrôle sur leur diffusion, sans avoir à passer par PayPal ou par les tubes.

Présente depuis quelques années déjà, la plateforme a gagné en visibilité massivement pendant le confinement. En effet, l’industrie du porn a été touchée de plein fouet de la crise sanitaire, et l’annulation de tous les tournages a fait d’OnlyFans une solution inespérée pour proposer du contenu amateur, fait maison, à une large audience. Bref, le site est en quelque sorte devenu le MySpace du cul.

OnlyFans, ce n’est pas que du cul

Face à l’affluence de créateur·ice·s de contenu explicite inscrit·e·s sur la plateforme, OnlyFans a lancé un axe de communication différent pour essayer de « déporniser » son image. L’objectif : rappeler que tous les créateur·rice·s de contenu sont les bienvenu·e·s sur le site et peuvent s’y faire de l’argent si leur audience est au rendez-vous. Et pour ce faire, quoi de mieux que d’inviter des stars de tous les univers ? Des drag queens telles que Shay Coulée – popularisée par RuPaul’s Drag Race –, la rappeuse Cardi B… Plusieurs célébrités ont saisi l’opportunité. Et parmi elles, Bella Thorne. Le début du drame.

Pourtant, son arrivée sur OnlyFans n’a pas surpris grand monde. Ancienne égérie Disney, Bella Thorne avait déjà fait parlé d’elle en donnant un virage sulfureux à sa carrière à grands coups de photos dénudées sur les réseaux sociaux. En 2019, elle avait fait une première plongée dans le domaine de la pornographie, en réalisant Her & Him, un court-métrage qui a reçu le prix Vision lors des PornHub Awards. À l’époque, la jeune femme de 22 ans hésitait encore sur la suite à donner à sa carrière : continuer en tant qu’actrice ou poursuivre son exploration des sexualités à travers la pornographie ? Elle refusait de se fermer des portes.

D’ailleurs, sa volonté de « faire des recherches » lui a servi d’excuse pour justifier son inscription sur le site. Sa priorité n’était pas de se faire de l’argent, mais de se documenter, en prévision d’un long-métrage sous la direction de Sean Baker. L’argent que pourrait potentiellement lui rapporter son compte OnlyFans devait quant à lui servir à financer sa boîte de production, et à subventionner des œuvres de charité. Pourquoi pas, après tout ? Et, sans surprise, en quelques heures à peine, la jeune actrice avait attiré des milliers d’abonnés… Et empoché la rondelette somme d’un million de dollars en moins de 24 heures, alors qu’on estime le revenu moyen mensuel sur la plateforme à 180$, déclenchant un sentiment d’injustice parmi les utilisatreur·ice·s régulier·e·s de la plateforme.

Pire : Bella Thorne a abusé de la confiance de ses nouveaux abonnés, joué sur leurs fantasmes. La starlette avait promis d’envoyer une photo « entièrement dénudée » d’elle-même à toutes les personnes qui lui offriraient un pourboire de 200 dollars en DM. Une offre alléchante qui lui a permis de faire grimper sa cagnotte à plus de 2 millions en moins d’une semaine. Mais les internautes ont déchanté en découvrant le cliché. Loin d’être un « full nude » comme promis, il s’agissait d’une photo en lingerie. Sexy, certes, mais bien loin de ce qui était attendu.

En colère, les acheteurs se sont rebellés en masse et ont demandé le remboursement de cette arnaque.

Un changement dans la politique d’OnlyFans

Sur OnlyFans comme sur tous les sites commerciaux, il est évidemment possible de demander un remboursement pour un service non honoré : un problème connu de l’industrie du porno, le « cashback » (quand le client demande l’annulation d’une transaction). Mais le cas Bella Thorne est inédit. Des milliers de personnes ont été brimées, et demandent donc un remboursement à la plateforme la même semaine. Pas question pour OF de se laisser avoir une seconde fois : le site décide donc de faire plusieurs changements qui vont fortement compliquer la vie des travailleur·se·s du sexe.

Jusqu’à présent, la plateforme n’avait pas de limites pour le prix des contenus, ni pour les pourboires laissés par les abonnés des créateurs et créatrices de contenu. Ce principe est passé aux oubliettes à cause de Bella Thorne : désormais, il est interdit de vendre des contenus et d’envoyer des pourboires de plus de 100 dollars. Un réel manque à gagner pour celles et ceux qui profitaient des tips de leurs généreux contributeurs.

Par ailleurs, il est essentiel de le rappeler : OnlyFans, ce n’est pas de l’argent de poche. Pour pouvoir toucher l’argent obtenu grâce à la plateforme, il faut créer une micro-entreprise, et donc payer des impôts à l’état, en plus du pourcentage (20%) conservé par le site lui-même. Résultat, ainsi que l’a rappelé l’actrice Erika Heidewald sur Twitter, cela signifie que sur les 50 dollars payés pour un contenu, seulement 30 finissent dans la poche de la personne concernée.

Un tarif bien faible, donc, d’autant que de nombreuses créatrices et de nombreux créateurs de contenus proposaient via OnlyFans des vidéos personnalisées, parfois exclusives, mettant en scène certains fétiches… Bref, des contenus qui peuvent parfois difficilement être vendus à plus d’une personne. Des heures de travail pour un résultat vendu pour un prix dérisoire, c’est tout sauf rentable. Et cela signifie que, pour OnlyFans, un contenu créatif, quel qu’il soit, ne pourra jamais valoir plus de 100 dollars.

Moins d’argent à la banque… Et plus de dangers

Un autre changement est survenu en même temps : dans certains pays les créateur·ice·s ne peuvent désormais plus demander de paiement hebdomadaire, ce qui est une méthode pourtant classique dans de nombreuses régions du globe (l’Amérique Latine notamment). Or, ce changement de système a été opéré sans le moindre délai de prévention, ne laissant pas le temps aux utilisateurs de se retourner et les mettant probablement dans une position difficile vis-à-vis de leurs créanciers.

Ajoutez à cela le système bancaire, qui dénigre les personnes évoluant dans le domaine du sexe. L’enquête menée il y a quelques mois par Lowiness, de même que nos mésaventures du Tag pour trouver une banque ne font que confirmer qu’avoir un compte bancaire lorsque l’on est TDS est extrêmement difficile. Or, un paiement OnlyFans mensuel signifie une plus grosse somme qui arrive d’un seul coup, ce qui pourrait amener les banques à poser des questions, voire bloquer le virement ou même à fermer le compte de la personne concernée.

À noter qu’OnlyFans affirme que ces changements ne sont pas liés à l’affaire Bella Thorne, mais uniquement une évolution logique de la plateforme qui a été mise en place à ce moment. Coïncidence, donc.

Des promesses et des mensonges

Face à la situation, Bella Thorne n’a pas eu trop le choix. L’actrice a pris la parole sur Twitter pour expliquer sa démarche dans une série de tweets décousus, dans lesquels elle affirme : « Retirer les stigmas autour du sexe, du travail du sexe, et la négativité autour du mot en lui-même en lui donnant un visage plus mainstream, voilà ce que j’ai voulu faire. (…) Mais en faisant cela, je vous ai fait du mal », regrette-t-elle… Avant de ramener la situation à elle une fois de plus en affirmant : « À plus d’une reprise, j’ai risqué ma carrière pour changer le regard autour du travail du sexe, du porno, et la haine naturelle du public a ressurgi. » Malgré tout, Bella a présenté ses excuses, et affirmé le 30 août dernier avoir pris rendez-vous avec les responsables d’OnlyFans pour mieux comprendre pourquoi ils avaient choisi d’imposer ces nouvelles restrictions. Une affirmation qui n’a pas été confirmée par la plateforme elle-même et, au sujet de laquelle, deux semaines plus tard, personne n’a de nouvelles.

En revanche, Sean Baker, lui, a donné de ces nouvelles. Le réalisateur, qui devait soit disant réaliser un long-métrage mettant en scène Bella Thorne, et lui aurait demandé de mener des recherches sur OnlyFans, est sorti de son silence. Dans un communiqué, il affirme que l’information est inventée de toute pièce : « Je voudrais que ce soit clair : le fait que je prépare un film (documentaire ou fiction) sur OnlyFans en utilisant Bella Thorne pour faire des recherches est faux. Je ne suis pas lié au projet. » Il affirme avoir évoqué avec l’actrice la possibilité d’une collaboration au sujet de son inscription sur la plateforme, mais avoir recommandé à l’équipe de cette dernière de prendre contact avec des TDS en tant que consultant·e·s de façon à ne pas nuire à l’industrie du sexe.

Un mensonge de plus de la part de Bella Thorne, qui n’en aura décidément fait qu’à sa tête dans cette histoire, en dépit de ses belles promesses. En quelques jours à peine, l’actrice déjà richissime (sa fortune s’élèverait entre 5 et 12 millions de dollars) a réussi à compromettre l’une des sources de revenus stable et efficace trouvée par les acteur·ice·s porno pour garder le contrôle sur leur contenu et à s’attirer les foudres de la communauté adulte en ligne.

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