Retour sur le SNAP ! Tour à Paris

Le SNAP! Festival est revenu en 2019 pour une tournée dans toute la France. Après une première édition en novembre de l’année dernière à Paris, ce joyeux festival dédié aux travailleur·euses du sexe a décidé de poser ses valises dans plusieurs grandes villes françaises : Lille, Lyon, Marseille, Bordeaux et à nouveau Paris (ils ont même fait un stop à Bruxelles !). J’ai assisté à l’édition parisienne, et si vous n’avez pas pu vous y rendre, voici un petit rattrapage !

Le samedi 11 mai, il fallait traîner ses chausses à la Générale, un lieu de création culturelle, artistique, politique et sociale. Gardez un œil sur la programmation, car beaucoup d’événements intéressants s’y déroulent autour du partage et de la transmission de la connaissance et de l’expérience.

La journée du SNAP ! se déroule en deux temps : d’abord les discussions, puis les performances.

Table-ronde « Qu’est-ce qu’être actrice ou acteur porno aujourd’hui ? » Photo Pascal – black-ink.net

Deux conférences étaient au programme. La première « Qu’est-ce qu’être actrice ou acteur porno aujourd’hui ? » donnait la parole à Liza Del Sierra, actrice qu’on ne présente plus, qui a roulé sa bosse à l’internationale, à Alexis Tivoli, performer gay qui officie depuis peu, et à Bertoulle Beaurebec, travailleuse du sexe aux multiples talents (théâtre érotique, escorte, domina et performeuse). La diversité des points de vue de cette table ronde était enrichissante, les sujets abordés ont été la santé, les relations sociales ou encore la rémunération.

Alexis Tivoli expliquait qu’il tournait beaucoup avec de très jeunes acteurs et essayait d’avoir auprès d’eux un rôle éducatif, en les sensibilisant à des problématiques de santé. Liza Del Sierra, quant à elle, évoquait la solitude que ressentent les performeuses, des femmes qui sont plus facilement rejetées pour leur profession, le fait de partir seule en tournage, de ne pas oser évoquer son métier de peur d’être le centre de l’attention d’une soirée entre amis… Loin d’être fataliste, elle rappelait tout de même qu’il faut être fièr·e de ce travail. Pour appuyer cela, Alexis énonçait « un choix assumé est un choix respecté. » Bertoulle, qui a tourné notamment pour des productions inclusives et queer, avançait aussi qu’aujourd’hui « il y a du porno pour tout le monde ».

La place de la femme dans le X a longtemps été discutée : bien qu’objectifiée, elle reste le centre de l’attention, et les productions porno hétéro se concentrent bien plus souvent sur les performeuses, qu’on verra la plupart du temps, que sur les performeurs, qui bien souvent n’apparaissent que via leur « immense sexe » et dont on n’aperçoit que rarement le visage.

Il ressortait de cette table ronde que le porno est en perpétuelle évolution, et avance doucement vers plus de respect, même s’il faut toujours prendre le recul nécessaire quand on en consomme : c’est de la fiction, et si la sexualité représentée est sûrement la sexualité de quelqu’un dans le monde, il s’agit de pure performance. (Si vous souhaitez revoir l’intégralité de cette table ronde, elle est disponible sur notre page Facebook)

La seconde conférence s’axait sur les travailleur·euses du sexe (hors porno) et la législation française. Une grande assemblée était présente : Giovanna Rincon d’Acceptess-T et Juan Florian de Aides et du Strass (Syndicat du Travail du Sexe), Thierry Schaffauser du Strass, Marianne Chargois du bus des femmes et Pesha Shatte du SWAG. La loi du 13 avril 2016 « visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées » a fait l’objet de longue discussion, à propos de la pénalisation du client, des conditions de travail des putes, le rapport de force déséquilibré, la précarisation, le stress constant et le désintérêt des forces de l’ordre. Concernant la santé, on part de l’insistance continuelle des clients qui réclament de coucher sans préservatif pour rappeler aussi que l’épidémie est plus polémique que réelle : elle était déjà là, elle est juste peu prise en charge quand il s’agit des travailleur·euses du sexe.

Table ronde sur les violences faites aux TDS – Photo Marie Rouge pour le SNAP !

Et tout cela menant aussi à des problèmes majeurs de violence, l’autodéfense est nécessaire. C’est pourquoi le SWAG a été monté et offre des cours d’autodéfense par et pour des travailleur·euses du sexe, avec des ateliers courts et flexibles afin que chacun·e puisse y assister. Rappelons que l’été dernier Vanessa Campos travailleuse du sexe, a été assassinée par un client. Il ressortait de tout cela que chaque jour on avance dans l’insécurité aussi bien physique que matérielle.

Les performances étaient le point d’orgue de la journée, questionnant le corps, le rapport aux clients, la place de la femme, son “empouvoirement”. Si toutes les performances étaient touchantes, on a retenu celles de Bertoulle Beaurebec : « Sujet/Objet », une performance entre l’effeuillage et le body art, où elle recouvre son corps de cire fondue et se coud la bouche. On accusait le coup d’une rage face au monde sexiste et hostile aux femmes tel qu’il l’est aujourd’hui. Enfin, « Anatomie d’une pute », par Amar mêlait un discours visant à déconstruire le langage et le langage institutionnel, et à renverser les stéréotypes sur le travail du sexe.

Le SNAP! donnait encore une fois la parole aux concerné·es : les débats étaient riches dans un environnement où se dire pute n’est pas une insulte, juste une vérité pour laquelle il faut se battre, réclamer des droits et outrepasser la peur sociale du statut de TDS.

 

Image en une : Bertoulle Beaurebec par Pascal Photographe – black-ink.net

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