Interracial : Arnold, Willy, et l’industrie porno

Cher fappeur, tu t’es certainement déjà retrouvé sur les tubes à taguer interracial (IR) ou ebony voire BigBlackCock pour contempler quelques fragments d’un « ailleurs » élaboré par le porn, non dénué de clichés ou de stéréotypes.

La plupart du temps, l’interracial et ses schémas du genre « la petite college girl bourgeoise toute fragile se fait vandaliser par le gros calibre turgescent de Shaft » n’est pas sans évoquer la pensée véhiculée par l’orientalisme : avec ses passages obligés persistants, il est une sorte de fenêtre déformante (et réductrice) sur la culture d’autrui et sur un inconscient collectif quasiment primaire, divertissement basique brossé à gros traits paraissant tout miser sur l’imaginaire fantasmagorique du bon petit spectateur blanc comme un cachet d’aspirine. Et si cette phrase est trop longue, c’est parce qu’on parle de BBC, cohérence totale de rédacteur.

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Mais qu’est-ce que tu me raconte là, McLovin ?

C’est bien rigolo tout ça, mais…qu’en est-il concrètement de ce critère au sein-même de l’industrie porno ?

Men in Black

Sans pour autant sombrer dans un politiquement correct excessif, les faits sont bel et bien là. L’enquête commence avec le coup de gueule de James Deen, le beau mecton étant du genre à tout déballer sur la table. Pour le Business Insider, l’acteur/cinéaste avoue que les quatre dernières fois où il a proposé à une actrice de faire de l’interracial, celle-ci a refusé. Au mieux, l’actrice accepte mais exige une augmentation de 500 dollars. Rien de plus frustrant pour un gars qui a envie de proposer du neuf, de l’inédit, de frapper dans la fourmilière d’un grand coup de teub : « À l’heure actuelle, il est vraiment difficile de faire des scènes intéressantes ou d’avoir un groupe diversifié de performers, car ce qui arrive fatalement c’est que chaque séquence se termine sur un groupe uniquement composé de personnes blanches…et ça, c’est très frustrant. ».

Et quand il s’agit de la jouer façon Nadine Morano (« je ne suis pas raciste »), l’actrice fait la candide en mode « je n’ai pas encore fait d’interracial car je ne suis dans le game que depuis cinq mois ». De quoi faire des acteurs blacks la gale du métier puisque dans la plupart des cas, une actrice perçoit l’IR comme un « dernier ressort », privilégiant plus volontiers la DP ou le gangbang ! Bref, le porno sera blanc ou ne sera pas, même si les blancs ne savent pas sauter.

Mickey Mod

Mickey Mod

L’afro-américain Mickey Mod a clairement ressenti l’appréhension d’un bon nombre d’actrices goûtant peu au mélange des couleurs (l’IR désignant spécifiquement la personne noire, jamais les asiatiques)…sans parler des scénarios rocambolesques faisant la part belle à une stigmatisation ethnique assumée, le black personnifiant la plupart du temps les diverses formes de criminalité, comme dealer de la drogue ou user du flingue. Ainsi les vidéastes proposent-t-ils souvent à Mickey ce genre de synopsis grotesque : « Voici la situation : la fille est chez elle, elle vient juste de rentrer de cours, et tu entres par effraction dans la maison. ».

Une ambiance contre-productive au possible parasitant l’industrie, car comme l’affirme Mod : « Je sais que certains acteurs ne font pas de scènes d’interracial à cause de la façon dont celles-ci sont écrites, ou ne bossent qu’avec certaines compagnies car ils n’ont juste pas envie de renforcer des stéréotypes qu’ils pensent dommageables ». Du cinéaste à l’acteur, c’est un vrai handicap pour la production de produits pornographiques. Et le pire, c’est que c’est l’industrie elle-même qui se flingue le pied, en conformant la communauté black à des types de personnages pré-écrits et en alimentant les préjugés des actrices.

Effectivement, au-delà des stéréotypes causant la réticence de beaucoup d’acteurs afro-américains, l’interracial semble condamné à rester en bas de l’échelle du porn. Comme l’affirme le site Vocativ : « En terme d’argent, les agents, acteurs et producteurs avancent que le simple fait de tourner avec un personne de couleur est à 43 % plus difficile – et plus tabou ! – pour l’actrice…que la double-pénétration ».

Les dames en noir 

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Ana Foxx

Si on ne se tarie jamais d’anecdotes sur le salaire plus qu’acceptable des actrices pornographiques ou du souci de proposer une alternative du nom de feminist porn, on parle rarement de la catégorie black de cette frange de la porn culture. Bilan ? Si selon The Independent elles sont rémunérées à tout juste 64 % du salaire de leurs partenaires mâles, Mireille-Miller Young du New York Times (auteur de l’essai A Taste for Brown Sugar: Black Women, Sex Work, and Pornography) nous apprend qu’elles le sont à moins de trois-quart de leurs collègues blanches, devenant ainsi les comédiennes les moins payées du milieu aux Etats-Unis ! Et pourtant, c’est peu dire que notre vie de fappeur ne serait pas la même sans Sincerre LeMore, Ana Foxx, Jada Fire, Misty Stone, Marie Luv, Skin Diamond ou encore Anya Ivy.

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Nikki Darling et son BBB : Big Black Booty

Nikki Darling pose le souci en quelques mots : « Dans une certaine mesure à l’intérieur du milieu du porno il y a l’idée récurrente que les femmes black ne sont pas bankable, puisqu’elles ne sont pas aussi innocentes que, disons, une femme blanche et blonde… ». Mais ça ne s’arrête pas là : les producteurs considérant la longévité artistique d’une actrice afro-américaine comme étant bien plus relative que les autres, une actrice noire doit accepter une plus rapide « acceptation graduelle des tabous », comme si elle n’avait pas vraiment le droit de refuser l’anal comme point de départ. Funfact, l’actrice avoue qu’une facette du business comme le BDSM est beaucoup moins propice à la catégorisation. En gros, plus on s’éloigne du mainstream pour filtrer dans les recoins obscurs de l’indie porn, moins l’interracial pose réellement problème. D’où la persévérance de Nikki dans les donjons de Kink…

Fondu en noir

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Avouons en guise d’épilogue qu’insister sur les stéréotypes bétonnés en parlant de culture porn revient à caresser l’eau de son couteau, et méchamment. Car le porn, quand bien même le moindre producteur est dans une quête permanente d’authenticité qui passe par un souci d’immersion totale, ne joue que de cela, et nous en sommes conscients. Le porn, c’est savourer la transgression (le tag incest de prime abord) comme l’on laisserait une flamme lécher notre main sans lui offrir totalement, c’est-à-dire savourer ce qui est primaire, de l’instinct à l’image véhiculée : au fond, peu importe la subtilité.

Chaque stéréotype correspond au même processus, c’est à dire une distanciation certaine du réel qui fait qu’on accepte à peu près tous les critères réducteurs : le noir a une grosse bite (des artistes comme Tarantino le parodieront doucement), la blanche est volontiers une teenage candide, la MILF est une pauvre housewive expérimentée qui saute sur le premier étudiant venu. Chacun a son rôle à jouer et la quête de réalisme, plutôt que dans l’écriture du scénario, se base avant tout sur le degré d’excitation du spectateur permis par la mise en scène.

Mais rappeler au-delà de l’irréel propre à la fiction des faits aussi triviaux permet de prendre conscience de l’un des gros handicaps du business, comme de son paradoxe central. Cette contradiction interne serait celle-ci : tout miser d’un point de vue promotionnel sur les sensations de la néo-technologie et les évolutions du marché…en demeurant, via cette vérité nue ayant trait à l’état de conscience commercial, le plus archaïque possible. L’ironie du sort. Nuff said.

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Et Turk est d’accord avec moi

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  • Il suffit de filtrer les vidéos d’Xhamster par  »top rated » mensuel pour voir que les scènes interracial  »BBC + wife + cuckold » sont systématiquement en première position. Du coup, j’avoue avoir du mal à comprendre que l’interracial soit  »au bas de l’échelle » quand visiblement c’est ce qu’aime le public.

    • C’est tout à fait vrai sur xhamster mais pas forcement vrai sur d’autres tubes. Cela tient à la communauté de xhamster un peu plus « transgressive ». Tu remarqueras qu’il y a également dans le top rated mensuel, pas mal de vidéo trans, bi et de cuckolding.

  • Une enquête pour Agnès Giard

  • J’arrive un peu tard, mais si je puis me permettre, le passage Nadine morano vous étiez pas obligés. Ça fait plusieurs fois que je vois un truc du genre, mais désolé : si j’ai pas envie de troncher une obèse, ça fait pas de moi un grossophobe comme ils disent.

    Je rigolerai bien quand il y aura des quotas dans le porn américain et qu’on aura 50% de scènes en espagnol (un vrai tue l’amour amha)

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