Les potacheries foodporn de Jacques la Merde

“What would René Redzepi say ?”

Jacques La Merde est sur Instagram depuis à peine plus d’un mois. Pourtant son succès est indéniable. Nombre de followers raffolent de ses bêtises. À l’instar d’un Duchamp, ce grand chef factice détonne par sa dérision et son irrévérence. En réponse aux défis saugrenus multipliés à travers moult émissions de concours de cuistots et autres idées fantaisistes des plus exubérants chefs, Jacquot se fait toqué satirique et expérimente à bloc.

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Monsieur Merde s’empare de la haute cuisine et la pastiche abondamment, en reproduisant d’une main de maître l’esthétique chic gastronomique… Mais, en lieu et place des homards, de foie gras ou de pâtisserie aux mille senteurs, le farfelu s’amuse à associer les mets les moins gracieux possible. Raviolis en conserve mâtinés de chantilly, donuts, Snickers, nouilles Bob L’Eponge, crackers, Mentos, tout y passe. Belle satire culinaire que les œuvres du cuistot : présentées comme des tableaux, ces compositions judicieuses de bouffe au micro-ondes, de bonbecs à deux sous et autres casse-dales de supérettes font figures de blagues potaches d’ado à l’alimentation douteuse. Et pour cause, le bougre assume son statut de troll épique en gueulant avec forces lettres capitales et points d’exclamation les intitulés de ses créations avant-gardistes. L’art du mecton hystérique est la cuisine minimaliste et son idiome est le mème débile, comme le démontre cette entrevue. La vanne évidente en moins et on tenait là un vrai Ed Wood du genre, capable de te concocter avec une passion dévorante les pires aberrations qu’un être humain puisse ingurgiter. Là, on est plus dans le registre de la gaudriole façon parodie XXX, taillée sur-mesure pour changer son point de vue sur les ailerons de poulet de KFC. Finalement, face à ces détournements que n’aurait pas renié Dalí, on ne sait plus trop ce qui est parodié : Top Chef ? Le phénomène du foodporn ? Ou la cuisine en général ? Cette vaste pitrerie a au moins le mérite de railler son principal public : les foodporners du monde entier.

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Il n’empêche que grâce à ce fou, les fonds de placard et de frigo acquièrent leurs lettres de noblesse. La bouffe la plus populaire se voit sacrée reine d’un soir en autant de clichés chic indissociables de cette culture de la bectance 2.0. La Merde du Nord a des reflets d’argent : il te prend n’importe quelle bouffe en plastique et t’en fais une oeuvre d’art. Par le pouvoir de l’image (qui fait tout dans une société où le plat, comme le chef, est sur-looké, sur-médiatisé, excessivement fashion), Jacques La Merde transfigure la junk food en tenue de soirée. Un seul mot d’ordre : peu importe le flacon, pourvu que cela soit so soigné. Donne-lui des Monster Munch, du pesto et des nuggets McDonalds, et il te vendra le tout comme si c’était un Rembrandt.

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La moquerie hilare se confond vite avec la fascination. Et si tout cela était d’une réelle qualité gustative ? Et si ces hot dogs rudimentaires, bouffes en tube et autres repas de plateaux télé étaient de réelles réussites ?  Et si le degré zéro de la boustifaille pouvait, via la magie alchimique, se faire repas quatre étoiles ? Ce genre de questions existentielles, seul Monseigneur La Merde peut y répondre. Cela étant dit, pas certain que Gordon Ramsay soit sensible à l’usage du Powerade ou des Handi-Snacks pour combler les papilles. Mais si Homer Simpson a pu être critique culinaire, pourquoi Mister Merde ne deviendrait-il pas le futur Robuchon ?

Vivement que Jacques ait sa propre émission, histoire que la food tv ressemble un peu plus à un happening comique…et moins à un gros truc pétaradant.

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