Ava Courcelles : « Je revendique ma sexualité, mon corps et ma liberté »

Ava Courcelles n’est pas une débutante comme les autres. Ayant dépassé la trentaine, elle aurait pu être cantonnée à la soccer mom en chien ou à la prof d’arts plastiques salasse mais sa détermination, son port altier et un cul comme il n’y en a qu’un par génération, lui ont permis de faire très rapidement sa place dans le X français. Nous la rencontrons à l’aube de sa carrière, dans les bureaux cossus de la Maison Dorcel dont elle est l’une des recrues de choix.

Tu as commencé en étant hôtesse sur des salons érotiques. Comment ça se passe aujourd’hui ce genre d’évènement ? Ça paraît un peu désuet…
Ça l’est. C’est pour ça que j’ai refusé de participer à la tournée 2014-2015, hormis le salon de Paris. Je le fais pour rencontrer mes fans mais je trouve effectivement que c’est de plus en plus kitsch, les choses sont toujours à peu près les mêmes, les gens ne veulent pas évoluer. Je faisais des shows sur la scène, on avait monté un spectacle avec Allan Théo, mon beau frère, vraiment très sensuel, qui a beaucoup plu au niveau du salon. On a eu d’excellents retours mais pas vraiment au niveau des organisateurs. Eux veulent du spectaculaire. Le feu partout, c’est bien au cirque, mais pas dans un salon érotique. Les cabines ne sont pas vraiment mises en valeur. Quand on voit ce qui se fait aux États-Unis, on a plus l’air de filles de Pigalle que de stars qui en jettent. L’organisation est à refaire, la présentation, le décor et l’ambiance aussi. Il faut réactualiser, notamment en faisant des strip-teases beaucoup plus actuels. Il y a plein de choses à faire et malheureusement on ne se met pas du tout à la page. Le problème français, c’est qu’en général on a cinq à dix ans de retard.

Et le public des salons, ça donne quoi ?
C’est un public de tout âge, différent sur chaque salon. Le problème c’est qu’ils ont très vite trop bu, donc ils deviennent insupportables. Nous, on est obligé de se mettre sur la défensive, ce qui n’est pas agréable. Après ça se passe mieux dans certains endroits. Ce qui est bien, c’est de rencontrer ses fans, on échange, on les rend heureux et ça nous fait plaisir. L’année dernière, j’avais l’avantage de gérer ma propre cabine, je faisais un peu ce que je voulais, des shows différents. Le public va suivre en fonction de ce qu’on leur donne, plus on leur donne de la qualité, plus le public sera à l’avenant.

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Tu as des anecdotes particulières ? Pour en avoir discuté avec d’autres actrices, c’est parfois plus agréable de communiquer par les réseaux parce que tu n’as pas de contact physique, ce qui permet d’écrémer un peu…
Le plus classique c’est le “On couche ensemble ?”. Quand tu fais un show à 80 euros on te répond “Pour 80 euros tu peux bien me faire une pipe”… Des choses très basiques en fait. Je les regarde en rigolant et je leur dis “Excusez-moi, vous n’êtes pas au bois de Boulogne, mais dans un salon. “ À chacun son métier. J’essaie toujours de gérer les choses de manière plutôt cool et avec un peu d’ironie. Ça ne sert à rien de s’énerver, si tu as affaire à un crétin, tu ne changeras pas sa manière penser. S’il pense que tu es une “pute”, il ne va pas changer d’avis. J’ai toujours dit “Pensez ce que vous voulez, moi doucement je souris derrière et je sais qui je suis”. Je vois aussi des propositions d’escort qui tombent tous les jours avec des tarifs démentiels.

Tu étais là quand les Femen avaient débarqué ?
Oui, je les ai vues se faire chasser de la scène. J’ai du mal avec les féministes anti-sexe. À vouloir trop se “masculiniser”, vouloir être des femmes-hommes, on en perd sa propre féminité. Elles vont très souvent critiquer les femmes qui font du porno. Or c’est un choix et non une chose qu’on nous impose. Je me sens profondément libre de pouvoir faire ce métier. Je l’ai choisi parce que je me sens libre de pouvoir en faire ce que je veux. Ce n’est pas du tout montrer une image négative de la femme. Pourquoi je ne pourrais pas utiliser mon corps comme bon me semble d’ailleurs ? On a cette chance nous les femmes d’avoir ce petit plus qui fait qu’on est toujours dans la séduction. On peut même être de grandes manipulatrices, obtenir ce qu’on veut d’un homme si on sait bien s’y prendre. On a pleins de facultés en tant que femmes que les hommes n’ont pas, autant s’en servir. Maintenant ce n’est absolument pas dégradant. Je suis très fière d’être une femme et je n’ai pas l’intention de me trimballer en survêtement, tout ça pour ne pas me prendre des remarques désagréables de certaines personnes qui n’assument pas le fait que nous sommes des femmes et qui n’acceptent pas la féminité. Pourquoi devrait-on se cacher ? Je revendique ma sexualité, mon corps et ma liberté. Avant j’étais hôtesse d’accueil et je ne me sentais absolument pas libre. Avoir un patron sur le dos qui te dit ce que tu dois faire, ou faire un métier d’homme je ne vois pas l’intérêt, ça ne me passionne pas. Faire un métier dans le X où tu peux gérer ton image et ton emploi du temps comme tu le veux, décliner une offre ou la prendre, choisir avec qui tu vas travailler, t’entourer de bonnes personnes, finalement être ta propre chef d’entreprise, je trouve ça génial.

À 34 ans, tu es relativement « âgée » pour une débutante. Comment tu te sens par rapport à ça ?
Je me sens chanceuse d’avoir été prise parce que je suis “âgée”. Après 25 ans, c’est très difficile de rentrer dans le milieu du porno. D’autant plus que j’ai démarché directement Dorcel, puisque j’avais décidé de ne faire que du “beau porno”. L’image que je voulais donner pour débuter, c’était celle de Dorcel. Quelqu’un sur Facebook se faisait passer comme quelqu’un de chez eux et m’envoyait des messages vulgaires. J’ai appelé Dorcel pour leur demander si cette personne travaillait chez eux – ce qui n’était évidemment pas le cas – et c’est à ce moment-là que je leur ai demandé comment faire pour rentrer chez eux. Dans la journée, j’avais rendez-vous avec Hervé Bodilis et il m’a engagée. Il connaissait mon âge, j’avais 32 ans à ce moment-là. Il m’avait prévenu, en me disant “Sache que ça va être dur pour certains films, comme tu fais femme, on ne pourra pas te donner certains rôles parce que ça va faire ridicule”. J’étais prête à m’adapter, je savais ce que je voulais faire ou non et ce qui correspond à ma personnalité. Être plus âgée permet aussi de ne pas faire n’importe quoi. Tu as déjà une tête un peu construite, tu as passé la phase de la vingtaine où tu ne sais pas trop où tu dois aller, où tu fais du porno peut-être par envie de rébellion, peut-être aussi parce que tu as eu des soucis plus jeune. Moi j’avais réglé tous mes problèmes, je savais exactement qui j’étais, et je savais aussi que j’étais atypique. Je ne savais pas du tout ce qu’était le milieu du porno, je n’en regardais pas spécialement, mais je suis rentrée là-dedans, et je ne me suis pas dit “Il faut que je fasse comme une-telle, que je fasse comme ci”. On m’avait donné pleins de conseil quand j’ai commencé à faire du porno.

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Quel genre de conseils ?
Faire de l’amat’… Je me suis dit « Même pas en rêve ». Quand tu entends des choses pareilles, ça te décourage. Vu l’âge que j’ai, je me disais que je n’allais jamais y arriver. Mais j’y suis allée sur un coup de folie, j’ai pris mon téléphone et ça s’est passé. On me demande souvent comment faire pour entrer dans le porno. Je ne peux pas donner de conseils, je l’ai fait comme ça. Tout le monde rentre différemment dans le porno avec des attentes et des objectifs différents. Justement, mon conseil, c’est d’avoir un objectif. Pas seulement de faire du porno mais de réfléchir à l’après, prendre conscience que le porno c’est aussi mal vu. On peut se prendre des critiques dans la figure. Il faut assumer tout ça et être sûr qu’on va dans une direction qui est la sienne. Tant que tu es dans un travail en adéquation avec ta personnalité, les attaques ne te feront ni chaud ni froid. Par contre si tu vas quelque part où tu sens que ce n’est pas forcément fait pour toi, là ça peut être très dangereux et très destructeur.

Toi tu te sens bien là-dedans ?
Parfaitement, j’ai commencé dans le strip-tease, je me sentais très bien, d’autant plus que j’adore danser et séduire donc c’était mon élément. Après j’en ai eu marre d’être la petite strip-teaseuse, donc je voulais monter et avoir un statut plus glam’. Mes premières scènes se sont super bien passées, je me suis étonnée moi-même en fait. Pas de stress, que du bonheur, du plaisir. C’était là où je devais être. Enfin j’avais trouvé ma voie. Je me suis lancée dans le porno et ma seule idée en tête était de créer une jolie image et de montrer aux femmes qu’on pouvait faire des choses considérées comme malsaine de manière saine. Comme je l’explique souvent à mes fans ou à d’autres actrices, ma vie de tous les jours est la plus simple qui soit, une vie totalement normale.

On est loin du « sexe, drogue & rock’n’roll »…
Oui, je suis totalement éloignée de tout ça et de ce star system porno.

Tu disais que tu ne regardais pas de porno avant d’en faire ?
Non, une fois seulement, avec Tabatha Cash parce que tout le monde m’en parlait. Elle était avec Rocco, j’avais trouvé ça pas top. Tu m’aurais demandé si je voulais faire du porno il y a cinq ans, je t’aurais répondu « Jamais de la vie ». Je trouvais ça un peu dégueu. Par contre je t’avoue que le « beau porno » auquel je fais référence, je trouve ça très joli mais ça ne me fait pas d’effet. Je mets en avance rapide, quand la fille met une heure à tailler une pipe, moi j’en ai marre.

Quel a été le déclic ?
J’étais hôtesse, j’en avais marre d’être un pot de fleur, d’avoir des patrons sur le dos, j’ai tout arrêté. En 2011, Allan Théo, était la guest-star des salons Éropolis. Strip-teaseuse pouvait être un métier fun. Allan m’a mis en contact avec la personne qui s’occupait des cabines, qui m’avait d’ailleurs déjà repéré. J’ai commencé la tournée Éropolis en octobre. J’avais pris des cours de strip-tease avant pour être à l’aise. Je suis arrivée dans mon premier salon, j’étais toute seule, dans un contexte que je ne connaissais pas du tout, et là je me suis sentie bien. Pas d’angoisse, j’étais à l’aise avec tout le monde. J’ai adoré faire ce travail-là, mais au bout d’un certain moment j’ai commencé à me lasser. Via les salons, j’ai connu beaucoup de filles qui travaillaient dans le X, notamment Claire Castel chez Marc Dorcel. J’ai regardé les scènes qu’elle faisait, je trouvais ça très joli et glamour. J’ai foncé. J’ai mis mon fiancé devant le fait accompli mais il m’a dit d’y aller quand même. J’ai beaucoup de chance, alors qu’il ne fait pas partie de ce milieu. Après je ne dis pas que c’était facile. Surtout au début quand je partais sur les tournages, mais il ne le montrait pas pour que je sois bien. On a beaucoup communiqué, c’est tout un travail aussi pour le rassurer. Au début, il ne voulait pas regarder mes scènes, maintenant il les mate toutes. Bref, tout ça s’est fait progressivement, d’abord pour le strip-tease puis pour les scènes. J’ai continué à travailler pour Dorcel puis j’ai voulu aller à un niveau plus européen. Dernièrement j’ai fait une scène pour Brazzers, en décembre ou janvier, qui a bien marché.

LUXURE AVA COURCELLES

Parlons justement de cette scène où tu fais face à Danny D, le genre de mec qui filerait des complexes à n’importe qui…
Je n’avais jamais vu un engin pareil, je pensais que ça ne rentrerait jamais ! Il est tout maigre, mais il a un de ces pénis ! On devait faire une scène anale mais ce n’est pas passé. On a essayé quand même car c’était prévu au départ. La tête que j’ai fait ! Même Danny a appelé le réalisateur pour lui dire que ce n’était pas possible. Depuis d’ailleurs, j’ai une sorte de mini-déchirure parce qu’il a quand même essayé de la rentrer un peu. Mais j’étais assez contente. En plus je jouais mon propre rôle, celui d’une camgirl.

La cam, c’est venu avant ou après ta première incursion dans le porno ?
Bien après, parce qu’au départ j’avais plus de facilités à faire du porno que de la cam’. Je m’étais inscrite sur Franco Live, je faisais deux heures par semaine, ça me soûlait. J’ai laissé tombé jusqu’à ce que je tombe sur Social Porn, un réseau social avec des webcams. Ils m’ont fait une proposition pour leur site. J’étais d’accord à condition qu’ils me fassent un contrat pour que ça me motive. Ils étaient ok, ils ont lancé le site avec moi. On a fait un échange de bons procédés et j’ai fait rentrer pleins de filles chez eux, Anissa Kate, Cara Saint Germain

Ton rôle ne se limite pas seulement à faire de la cam…
Non, je suis presque leur attachée de presse. Ils m’ont donné un statut un peu spécial et puis ils ont toujours des mots gentils. Ça me motive et me donne envie d’en faire plus pour eux.

Tout ce que tu me racontes est vraiment idyllique, c’est assez rare pour le noter. Loin de moi l’idée de faire dans le sensationnalisme, mais il n’y a vraiment aucune ombre au tableau ?
Non, parce que dès qu’il y a quelque chose que je ne sens pas et que je ne veux pas faire, je passe. C’est catégorique.  Je préfère démarcher les gens, comme Harmony. J’avais vu un peu ce qu’ils faisaient, j’ai beaucoup aimé, je leur ai dit que je voulais travailler pour eux. Gazzman m’a dit qu’il avait beaucoup apprécié cette démarche, en plus je lui avais épargné les “kiss kiss”, « xoxo » ou “love love”. À 34 ans tu as une maturité que tu n’as pas à 20, et pourtant tu en apprends tous les jours.

Tu ne rentres pas pour autant dans la case MILF
J’ai de la chance, je n’ai pas encore beaucoup de rides.

Il y a des gens avec lesquels tu aimerais travailler ?
Comme je ne suis pas très bien renseignée sur le porno et beaucoup de productions que je ne connais pas encore, je me renseigne au fur et à mesure. Pour l’instant j’ai fait ce que j’avais en tête fin 2014 : tourner pour Gazzman et MetArt. C’est du girl-girl, c’est pas mal, mais il y a trop de pureté pour moi dans les images.

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Tu préfères quand c’est un peu plus sale ?
Pas plus sale. Mais Metart c’est esthétisé à mort, c’est très pur. C’est joli, mais j’aime moins. En plus j’aime bien les scènes où il y a de la comédie comme pour Brazzers. C’est agréable parce que tu joues un rôle, et tu te sens vraiment dans un personnage. Pour Gazzman par exemple, j’ai joué une femme mariée, puis une femme un peu allumeuse dominatrice, et deux scènes en fitness girl…. Le fait d’avoir de la comédie, je trouve que c’est un petit plus dans le porno, j’aime bien parfois ce côté un peu comique. Ça désacralise le côté porno pur et dur. D’ailleurs j’ai trouvé Danny D excellent acteur dans son rôle avec ses super chaussettes colorées, il est trop fort. Je vais travailler avec Nathan Blake pour  Hustler. Il y a énormément de comédies, ils comptent sur moi là-dessus, c’est un nouveau défi, surtout en anglais parce que je ne suis pas bilingue. Sur le tournage avec Gazzman, il n’y avait aucun français, donc il fallait se débrouiller. J’ai fait mes scènes en anglais. Avec mon accent et mes fautes, ils trouvaient ça super mignon. Je compte m’améliorer, ça aussi ça fait partie des défis auxquels je n’avais peut-être pas pensé initialement.

Tu voudrais aller aux États-Unis ?
Pourquoi pas, mais je ne ferais pas la démarche de partir trois mois comme ont fait certaines et de ne faire que tourner sans arrêt. Je n’aime pas ça, ça fait surconsommation et puis même mon corps en a marre à la fin. Si je dois partir aux États-Unis, ça serait parce que quelqu’un veut travailler avec moi pour une semaine, je fais un tournage et je repars. Mais pas rentrer en agence là-bas. Ça peut rapporter beaucoup là-bas, mais il faut aussi laisser toute sa famille…

Quelles sont tes limites dans le porno ?
Tout ce qui va avoir trait à l’humiliation et ce qui est trop hard, genre le bukkake, le scato/uro. Et l’interracial, si ce n’est pas fait dans le cadre d’une bonne production. Les propositions qu’on m’a faites pour l’instant dans ce domaine ne me correspondaient pas. Ça n’a rien à voir avec des préjugés racistes c’est une question d’attirance et de contexte, l’un de mes premiers mecs était noir et l’expérience n’avait pas été très concluante. (Ndlr : Ava a récemment tourné avec Joss Lescaf pour Hustler, preuve s’il en est que l’interracial ne constitue pas une véritable limite pour l’actrice)

Tu parlais tout à l’heure de fitness, tu postes quasi quotidiennement des selfies en salle de sport. Quelle est ta routine sportive ?
Ma soeur jumelle Sophie est dans le fitness et a été Miss Bikini l’année dernière à Muscle Mania. Je suis son planning à elle. C’est quelque chose qu’on partage ensemble et qu’on adore, c’est une passion commune. Lundi fessiers, mardi épaules / biceps triceps, mercredi repos, jeudi quadriceps rappel fessiers et arrière d’épaule et vendredi repos, samedi rappel épaule et à chaque séance abdos et mollets. Il faut aussi pouvoir s’accorder un shitday de temps en temps !

 

Photos par Metastazis – Studio Falguière

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