Bruschetta, la subtilité de l’amuse-bouche

La bruschetta est la Madonna du #foodporn. Un concept aussi simple qu’efficace, variation nécessaire autour de la trop connue pizza (on y utilise, grosso modo, la même garniture). Prenez du pain. Du bon gros pain bien rustique, épais et tendre à la fois, style Pain de Campagne, Pain Toscan, Pugliese. Faites-le griller comme si cette imposante tranche de casse-dalle était un toast. Après quoi, frottez allégrement une gousse d’ail sur le mastodonte. Ce principe de pain à l’ail n’est pas sans rappeler l’allemand Knoblauchbrot, le vendéen préfou ou l’anglais garlic bread, autant de bectances beurrées inoubliables. Caressez la bête avec du sel, du basilic et du poivre, aspergez-la d’huile d’olive dégoulinante, avant d’ajouter divers mets selon vos envies les plus perverses. Aubergines écrasées, petits morceaux de tomates juteuses (le jus doit s’imprégner pour que le tout glisse plus aisément dans votre gosier), un peu de menthe pour le parfum, et bien sûr un éventail infini de fromages fondus ou dépiécés : mozzarella, brebis, parmesan râpé, emmental tranché,  Saint-nectaire, raclette ou reblochon… Pour que ces goûteux ingrédients ne se sentent pas trop seuls, recouvrez-les de fines couvertures de jambon cru ou de bacon et d’une généreuse couche de pesto bien salé comme il faut. Vous pouvez évidemment opter pour du pesto rosso, qui à fortes doses remplacera aisément les sempiternels piments.

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La bruschetta est une célébration délicieuse de l’Italie. On y gicle de l’huile de Sicile extra-vierge, on y marie les produits frais qui sentent bon la Toscane, on y balance moult poivrons, on vide ses doses de Lacté qui respirent la nature, c’est un plat généreux et coloré qui n’est pas sans évoquer les énormes assiettes de pâtes noyées de sauce tomate et d’herbes qu’on sert au pays et ces parts moelleuses de pizzas aromatisées pour tortues ninjas. Pourtant, le matériau de base, donnant tout son sens au délire, fait partie intégrante de notre culture nationale. C’est le pain qui se fait Roi. Ce pain, sans lequel le vin rouge aurait moins bon goût. Le pain dont nous autres raffolons, cliché immortel et presque encombrant plaqué sur l’imaginaire français, précieuse valeur de notre beau pays. Ce pain-là, ce n’est pas la baguette du citadin. La baguette, subtile mais trop maigrelette, dont on se délecte mais qui, trop cuite, prend en traître. Non, on parle ici d’un pain qui a su échapper à la grisaille urbaine, à la déprime grisâtre et à la pollution des villes, ce pain qui ne se laisse pas becter d’une seule bouchée, cette offrande résistante servie par tous les grands-parents qui ont connu la guerre et nourri le cochon. Adios, pain de mie et autres coquines trop fines. La bruschetta est une gironde forte en chair, on l’attaque à coups de dents comme l’on ferait l’assaut sur une forteresse. Encore une fois, du pain des campagnes françaises à celui des terres italiennes, la bouffe, comme le sexe, est le langage qui permet de communiquer sa passion, de mélanger les cultures, de briser les frontières et de jouir à l’unisson. L’intérêt central de la bruschetta c’est que la simplicité de sa préparation n’a d’égale que la diversité de ses senteurs. Une concision qui est celle d’une partie de jambes en l’air élaborée avec tact, inventivité et douceur.

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Conçue comme une réécriture du traditionnel apéritif, cette orgie peut se concevoir comme un subtil hors-d’œuvre, traditionnellement divisé en une multitude de toasts mis en forme avec doigté façon cuisine gastro. Le tout n’en est que plus audacieux: finies les propositions culinaires monogames et un peu tristes, uniquement composées de tapenade ou de tomates séchées…ici, on partouze librement en mélangeant les saveurs et en variant les plaisirs. A moins que vous ne préfériez faire la part belle à de plus grosses tranches, transformant l’amuse-bouche en plat de résistance. On a alors affaire à une grosse tartine (cmb), à un monstre aberrant, à une maternelle obèse qui se prend à deux mains pour mieux se faire dévorer les lamelles. Mais n’oubliez jamais qu’au sein de l’univers culinaire…ce n’est pas la taille qui compte. Mais l’abondance. Et la bandance.

Photos : Food Porn Daily

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