HPG : « Le porno, une belle bande de losers qui essayent d’être heureux »

Dans le cadre de la sortie de Fils de, son nouveau long-métrage dont nous vous invitons à lire la chronique publiée récemment, nous sommes allés à la rencontre de l’inamovible HPG, figure de proue du X français naviguant depuis quelques années entre le cinéma traditionnel et le porno. Il nous a reçus chez lui, un environnement qu’il n’a pas hésité à mettre en scène dans le cadre de son film, autofiction à fleur de peau sur un père de famille qui jongle entre son métier d’acteur porno et sa vie de famille. Nous avons également eu la chance de pouvoir nous entretenir avec Gwenaëlle Baïd, sa femme, dans le film comme à la ville.

Avec Fils de, tu poses un grand nombre de questions, de la problématique du couple au rôle de père quand on bosse dans le porno … Est-ce que ce film t’a permis d’y répondre ?

HPG : Dans la mesure où j’ai une part d’intimité, je n’ai pas besoin d’avoir une caméra et une dizaine de personnes autour de moi pour répondre à des questions d’ordre personnel sur tout ce qui concerne ma famille. Sinon ça ferait comme une sorte de télé-réalité ou d’émission à la Mireille Dumas qui te pose des questions et puis le mec avoue, gêné, qu’il a plein de fantasmes inavoués. Le film est une autofiction. Un des buts est que l’on ne sache pas quelle est la part de réalité ou de fiction. Les questions que je me pose sont-elles vraies ou fausses ? S’agit-il de questions appartenant à d’autres et que je me serais appropriées pour mon propre personnage ? Si vous avez accès à des questions que je me pose en général, c’est que je ne contrôle pas tout ou parce que, comme un dingue qui n’a pas conscience de sa folie, j’expose des trucs par mégarde. Je n’ai pas l’impudeur de me servir d’une caméra pour répondre aux questions que je me pose vis-à-vis de mes enfants et de ma femme. Par contre, j’aime bien que la caméra aille regarder du côté des problèmes personnels des autres : ce que je n’aime pas faire à moi-même, j’aime bien l’appliquer aux autres. J’aime déclencher chez les autres des révélations de leur part, destinées à eux-mêmes ou pour les autres.

Dans la mesure où on rentre vraiment dans l’intime – le film se passe en grande partie chez toi, avec ta propre femme et tes enfants – on pouvait quand même se poser la question de la part de réel dans cette fiction…

HPG : Ce n’était pas chez moi, c’était des décors reconstruits ! Non, je plaisante. Certes ma femme et mes enfants sont dans le film mais ça fait 25 ans que je fais du porno, donc je n’ai pas forcément la même pudeur que d’autres vis-à-vis du corps par exemple, puisque j’ai grandi là-dedans. Quand je travaille, je bosse sur mes faiblesses, donc je ne suis pas là pour maîtriser ce que les scènes vont véhiculer comme émotions auprès des autres, ça je m’en fous. Je bosse sur la sincérité et forcément, il y a plein de choses qui m’échappent mais je ne me sers sûrement pas de la caméra comme d’une thérapie ou pour découvrir de nouvelles choses sur moi. Ça serait vraiment déplacé de ma part d’avoir besoin d’un tel système. Je ne vais même pas chez un psy, j’ai déjà essayé et ça m’emmerdait. J’ai toujours l’impression que le mec est plus dingue que moi. Parfois les gens me posent des questions comme « est-ce que ça va avec Gwen ou pas ? ». Mais qu’est-ce que ça peut leur faire ? Ils ne font pas la part des choses entre fiction et réalité. C’est de ma faute car on a exposé notre couple tel qu’il est mais ce qu’on voit est faux, il y a d’autres versions de nous. Vu que je ne tiens pas à dire ce qui est de la fiction ou de la réalité, on ne sait plus où on en est. J’aime bien ce mélange, je m’y perds moi-même, sauf vis-à-vis de mes enfants et de ma femme.

Gwenaëlle : Je ne suis pas d’accord avec ce que dit Hervé. Pour moi ce film est une forme de thérapie, puisque Hervé, dans son subconscient, exprime des choses à travers son cinéma depuis des années. La vraie question pour Fils de est « Comment vais-je faire en tant que père en faisant ce métier ? ». Il a retranscrit ses questions et en a fait un film. Pour revenir à ta question, la chose qui m’est retombée dessus consciemment c’est que dans pas longtemps, je vais être confrontée, en tant que mère, à devoir expliquer à mes enfants ce qu’est le porno. On ne va pas stigmatiser ce milieu ni le papa, mais il va falloir les préparer psychologiquement parce que ça reste quand même un métier atypique. Tout le monde n’a pas un père dont la nudité est exposée dans le monde entier.

HPG : Dans le monde entier ? Tu y vas fort !

Gwenaëlle : Les scènes voyagent aujourd’hui grâce à Internet. Heureusement que je ne fais pas ce métier parce qu’en tant que femme – et la séquence avec Nina Roberts le montre – quand ton gamin te dit à douze ans qu’il regarde des films pornos, tu as de quoi flipper qu’il tombe sur ta sexualité. C’est quelque chose de complètement malsain. Je me suis pris une grosse claque car ce film m’a montré un sablier en me disant « Gwenaëlle, tu vas bientôt être confrontée à cette réalité : ton conjoint fait du porno et il va falloir l’expliquer à tes gamins. » Et en même temps ce film m’a touchée parce qu’il est plein d’amour et de gens sincères (en dehors de Hervé et moi), qui sont dans des révélations vraiment profondes, dont on se fiche qu’elles soient vraies ou pas. Il y a vraiment pour chaque personne qui viendra voir ce film une identification possible.

HPG : Le film répond aussi à d’autres questions : « Est-ce que je voulais être acteur porno égocentrique ou est-ce que je veux être père de famille ? » C’est un choix. Ce n’est pas que le métier, c’est le choix d’un homme. Certaines personnes s’évertuent à se dire que je dois mal aller, que mon mode de vie est un dysfonctionnement. Je vais très bien. C’est justement parce que je suis sûr de moi que je m’expose à ce point. Je n’ai pas grand chose à cacher, pas de problème particulier ou de traumatisme.

HPG par Florian Delhomme

Je vous ai croisés au 35 ans de Dorcel, au beau milieu d’un parterre de pornstars. Je voulais connaître ton regard sur le porno français actuel.

HPG : Je trouve que l’accès à la masturbation gratuite est très bien pour les jeunes. D’ailleurs, je l’avoue, je ne devrais pas mais je vais dans la gratuité quand je suis sur internet. La musique et le cinéma sont aussi touchés par ces pratiques. Je ne peux pas en vouloir à quelqu’un de pirater des contenus X, surtout s’il est jeune. Tant mieux pour lui, il fait ce qu’il veut. Par contre ça réduit pas mal mon business. Si je veux pouvoir garder mon appartement dans les deux ans, je vais devoir trouver la solution. Sinon, rien n’a changé, sauf la technologie qui nous permet l’accès aux médias et de tourner plus facilement des films. Les actrices sont toujours prises pour des moins que rien parce que la situation des femmes en France veut ça. Les mecs sont un petit peu glorifiés. Il était même de bon ton, fut un temps, d’avoir un ou deux hardeurs à table. Rien n’a changé, on est toujours aussi con ou aussi intelligent. Je n’arrête pas de voir des nouvelles nanas qui ne me connaissent pas et ça m’énerve parce que ça fait 25 ans que je suis là. Je reste ici et les gens tournent puis vont dans des directions que je ne connais pas, c’est un flux que j’aime bien. Je fais partie des mecs en France devant lesquels les gens passent et avec qui ils tournent.

Comment sont tes rapports avec les gens du milieu porno ?

HPG : J’en ai de très bons vu que je ne les fréquente pas. Ce sont mes collègues avec lesquels je travaille déjà bien assez comme ça. Ils se reproduisent souvent entre eux, du coup certains pensent que Gwen est actrice X alors qu’elle n’en a jamais fait. Ça les étonne qu’un hardeur puisse fréquenter quelqu’un d’autre qu’une actrice X. Je trouve que les gens du porno sont touchants, je le sais d’autant plus que je manipule pas mal de gens. À 48 ans, je tourne avec des nanas de 20 ans, donc je n’ai pas à la ramener sur mon élégance. Je dis souvent qu’il ne faut pas être un mec bien pour faire ce boulot. Là, je te fais marrer, mais si je faisais bosser ta sœur, ta mère ou ton père, ça serait tout de suite moins rigolo, c’est une réalité. C’est un milieu assez dur et si l’on n’est pas une bonne pourriture, on ne reste pas longtemps.

Une pourriture ?

HPG : Le terme est peut-être un peu fort mais que dire de quelqu’un qui, à mon âge, fait bosser une petite nana de 20 ans ? C’est quand même pas brillant. Quand tu as 20 ans, mieux vaut ne pas fréquenter le porno. Je ne veux pas que mes enfants fassent de porno quand ils seront grands. Rares sont les gens qui ont survécu dans le porno. Surtout quand on est acteur/actrice et qu’on est soumis au désir des autres, au choix d’embauche par exemple. Une actrice, si elle est caissière et qu’on la reconnaît, elle se fait virer au bout d’une semaine ou elle peut même se faire chasser de sa cité simplement à cause de ragots.

Pourquoi avoir choisi Nina Roberts pour la scène de « tyrolienne » (une scène de tournage X) alors qu’elle a arrêté le porno depuis longtemps ?

HPG : Elle joue bien, elle est belle à filmer, elle a beaucoup d’humanité et elle est très sympa. Ces quatre choses réunies font que j’aime beaucoup travailler avec elle. Je la trouve magnifique mentalement et physiquement.

Gwenaëlle : Elle a un côté Béatrice Dalle qui nous plaît.

Est-ce que les carnets dans lesquels HPG liste ses conquêtes existent vraiment ? La scène dans laquelle ils interviennent est probablement l’une des plus marquantes du film…

Gwenaëlle : C’est la seule scène que j’ai suggérée à Hervé et qui n’était pas dans le script .

HPG : Elle n’était pas prévue dans le film mais quand Gwen m’a soumis cette idée, j’ai réuni une équipe technique et j’étais le spectateur de ce que Gwen allait faire.

Gwenaëlle : Il y a plusieurs choses qu’Hervé n’aime pas montrer face à la caméra, des photos de lui enfant par exemple. Cette liste qu’il tient, c’est quelque chose d’intime et que font d’autres hommes tout au long de leur vie sexuelle. Karina Testa, qui est une vraie comédienne de cinéma et de théâtre, était d’accord pour faire de l’impro mais il lui fallait un fil conducteur. Comme on partait de la trame narrative d‘un acteur porno qui est partagé entre ces deux mondes, je me suis dit que l’on pouvait évoquer ses conquêtes.

HPG : C’est pas seulement des conquêtes, c’est surtout des collègues de travail.

Gwenaëlle : Oui enfin si un jour je l’imprime et que je la montre au grand public, on verra bien qu’il n’y a pas que des collègues de travail.

HPG : Cette liste pourrait même intéresser la DST.

Gwen : Les premiers commentaires des années 80’s/90’s sont vraiment intéressants, ils sont accompagnés d’une description physique de la partenaire, de la façon dont ça s’est passé, si l’éjac a été ratée ou pas. Je trouve que c’est purement cinématographique. On ne pouvait pas passer à côté de ça. Le lire pour une fille qui est comédienne et qui n’a pas l’habitude de ce genre de texte permettait de faire ressortir des choses très cocasses et même gênantes pour Hervé. Je trouve génial de pouvoir montrer ça à l’écran, de pouvoir exposer quelque chose qu’Hervé garde secrètement sur ses disques durs externes et qu’il actualise à chaque fois qu’il a une relation sexuelle avec une partenaire de film porno ; parfois il prépare à l’avance au cas où il oublierait. Je me disais que ce passage-là allait plaire au public. J’ai même des potes qui ne me croyaient pas quand ils ont vu la scène. On a respecté les partenaires puisqu’il n’y a que des prénoms et on ne dira jamais le nom de famille de la fille de cette liste. Je suis bien le numéro 1228, ça c’est vrai de vrai.

HPG : Non ce n’est peut-être pas vrai… Je dis ça parce que je trouve que ce n’est pas assez élevé comme nombre.

Quel est le but de cette liste exactement ? C’est une collection, un trophée ?

HPG : Ce sont des petites habitudes de vieux garçon, une comptabilité purement masculine, c’est tout. Il n’y a pas de nombrilisme, je ne vois pas plus loin que ça. J’ai pris ça comme un jeu. Je ne tiens pas à tout dévoiler, mais si je ne l’avais pas assumé, je l’aurais coupé au montage. Tout le monde dans mon entourage est plus ou moins au courant de l’existence de cette liste, je ne m’en cache pas.

Fils de évoque le porno, c’est d’ailleurs une constante dans tes films traditionnels que le cul prenne une certaine place. Est-ce que tu envisages de verser dans quelque chose où ce sujet ne serait pas du tout abordé ?

HPG : Oui, la sexualité n’est pas du tout abordée dans mon prochain long métrage. C’est une autre histoire avec d’autres personnages qui ne sont absolument pas issus de ce milieu-là, ni de près ni de loin. La pornographie n’est même pas évoquée. C’est toujours dans la veine tragi-comique. Je ne suis qu’au début de l’écriture du scénario, mais si tout va bien je vais le tourner dans un an.

Cela vient d’une forme de lassitude, d’une volonté de sortir du porno ?

HPG : Avec Fils de, j’ai fait le tour de ce que j’avais à dire. J’en ai parlé dans mes courts-métrages. Dans Il n’y a pas de rapport sexuel, j’ai laissé quelqu’un parler à ma place. J’ai évoqué le sujet de près, de loin, et en périphérie. Je suis tout le temps dedans mais je dois savoir évoluer et parler d’autre chose, sinon je vais finir par lasser les autres et moi aussi.

Est-ce que dans le milieu porno que tu fréquentes, tu penses qu’il y a des gens qui gagneraient à toucher au cinéma traditionnel ? Des gens chez qui tu as décelé un vrai talent dramatique ?

HPG : Je ne fais pas de distinction fondamentale entre les acteurs/actrices X et traditionnels. Il y a autant de nuls et de bons. Dans le porno, on n’a pas pris de cours. Ce que j’aime bien dans le porno, c’est qu’on a une belle bande de losers qui essayent d’être heureux, parfois d’une manière maladroite, contrairement au mec du cours Florent qui va s’attacher à un radiateur pour savoir ce que c’est que la souffrance. Je préfère encore fréquenter des cons qui n’en ont pas forcément conscience que des gens qui travaillent à plein de sentiments et qui sont dans la retenue. Plein de gens sont talentueux, sans en avoir conscience, et s’en foutent. Dans le porno il y a Nina Roberts, et plein de jeunes nanas et jeunes mecs qui pourraient être bons. Mais ce n’est pas un milieu qui leur est ouvert et ils ne font pas ce qu’il faut pour être acteur traditionnel. Tout acteur, actrice, ou réalisateur de films pornos rêve de faire du cinéma traditionnel.

Gwenaëlle : Moi si je devais suggérer une fille ce serait Nikita Bellucci, parce que je trouve qu’elle a une sacrée personnalité. Elle est charismatique, elle serait intéressante dans le cinéma.

Y a-t-il une clé pour y arriver ?

HPG : Il faut en vouloir plus que les autres, comme quand on bosse ou qu’on fait du sport. Plus d’enthousiasme et de volonté face au « non » que t’opposent les autres. Pour moi c’est la base même de la réussite d’un projet.

HPG par Florian Delhomme

Une autre scène forte du film met en scène deux mecs bis et des grannies avec toi qui les filme pour un porno. C’était improvisé également ?

HPG : Ce qu’elles disent était écrit. Dans ce genre de scène, je relie dans un espace clos des gens pleins d’énergie. Je les lance sur une direction qui suit la trame de mon film et après je recadre s’il le faut. On filme 5 ou 6 heures et on n’en garde que 5 minutes. Dans cette scène je décris une réalité de mon métier : on se fait la bise, on tourne la scène et puis on se refait la bise. Les gens du porno se livrent assez facilement, pas parce qu’ils sont nus mais parce qu’ils sont à fleur de peau. Ce n’est pas parce qu’ils viennent de coucher ensemble qu’il y a de l’amitié. Ce n’est pas qu’ils n’ont rien à perdre mais ils ont déjà fait tellement devant la caméra qu’ils ne sont pas vraiment soucieux de leur image, sinon ils ne feraient pas certaines scènes. Ils n’ont pas de plan de carrière, ils s’en foutent, ils sont dans un autre truc. Le plus difficile c’est de passer d’une scène avec des adultes, et qui ne doit concerner que les adultes, à une scène avec ma femme et mes enfants sans que ce soit indécent pour ces êtres innocents, pour ensuite basculer sur une autre scène où l’on est dans un univers d’adultes et où les enfants doivent être proscrits. Les deux univers sont à la fois hermétiques et étanches et c’est le travail de montage qui le montre vraiment.

Comment t’es-tu débrouillé pour la scène avec Christophe, qui signe d’ailleurs la musique du film ?

HPG : Je ne savais pas trop vers quoi je voulais aller avec lui. Quand Christophe compose au piano – et j’ai eu la chance de l’écouter travailler sur la musique de mes deux derniers films – il cherche, il tâtonne et parfois il trouve. Dans ce cas-là, c’était pareil, c’était un tâtonnement. La scène avait un sens, le personnage principal n’arrivait pas à se coucher et je savais que cette scène-là devait clôturer une longue journée pour lui et qu’il devait aller voir un ami, le seul ami du film, qui trouverait les mots pour le réconforter. Avec Christophe on est assez libres et si j’avais proposé quelque chose de trop cloisonné, je doute que ça lui aurait plu. On s’est fait confiance.

Est-ce que tu penses à une reconversion ?

HPG : Aujourd’hui je suis plus producteur qu’acteur, je fais un film porno de temps en temps. Mais je ne vois pas pourquoi je changerais de domaine. À 70 ans, je serai peut-être dans une série qui s’appellera «Papy HPG » et ça va cartonner. Il n’y a pas d’âge limite.

Gwenaëlle : Il faut savoir déléguer. À un moment, peut-être que tu devrais penser à une reconversion, comme Cantona avec le football.

HPG : Je vais me mettre au foot tiens.

FilsDe

Fils de – sortie en salle le 29 octobre 2014.

Propos recueillis par GrosMikko et Florian Delhomme. Photos par Florian Delhomme.

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