Il n’y a pas de rapport sexuel — Raphaël Siboni

HPG a laissé tourner une seconde caméra sur ses tournages de films X pendant plus de 10 ans. Les milliers d’heures de making-of ont été utilisées par Raphaël Siboni, un artiste d’art contemporain, pour en tirer le documentaire sorti en 2011, « Il n’y a pas de rapport sexuel ». Siboni a eu accès libre aux archives avec deux uniques contraintes : demander aux acteurs si ça ne les dérange pas d’apparaître dans le film et ne pas parler d’argent.

J’étais plutôt enchantée à l’idée de regarder un docu qui parle de porn français, même s’il était vieux de trois ans. Police carrée blanche sur fond noir en guise d’introduction, on enchaîne vite sur une scène de triolisme avec une MILF et deux jeunes. Présentation et explication sur fond sonore de jouissance provenant de la précédente scène puis le documentaire commence enfin. Les premières minutes me plongent dans un profond malaise, je me cache les yeux en hurlant « lalala » comme devant ces candidats qui chantent faux dans les émissions de télé-réalité avec cette envie de m’arracher les tripes pour mettre fin à la douleur. Je passe donc dix minutes à m’habituer au climat du film et à comprendre ce que Raphaël Siboni nous propose ici.

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C’est la vérité crue qu’il nous montre. Des lumières blafardes exposent des acteurs et des actrices blasés, une succession de clichés du porn, allant de l’infirmière à gros boobs à la MILF venue faire chier son mari en se tapant un jeune, défilent devant nos yeux de spectateurs-voyeurs. Pas de filtre Amaro pour adoucir les scènes et arrondir les angles. Les discours deviennent surréalistes. L’ensemble, en fait, parait complètement surréaliste tellement la réalité qui est présentée est brute, puissante, sans concessions.

On est dans l’envers du décor ou plutôt un pas en arrière, pour y voir plus large. Ces salles de bain trop petites et décrépies dans ces studios en carton où les cris traversent le placo, ces films de cul hétéro projetés sur un écran pour exciter des acteurs qui tournent une scène gay, les bouteilles de vodka à moitié vide qui traînent dans un coin et les effets spéciaux improbables pour des éjaculations minables. Mais il y a aussi de la tendresse et de l’attention, des moments complices entre les acteurs qui surgissent de l’ennui ambiant.


Extrait 1 IL N’Y A PAS DE RAPPORT SEXUEL de… par capriccifilms

La plupart des acteurs ressemblent à des petits moineaux fragiles, avec un air dépressif. Cette vérité transperce et vous assène un coup sur la tête, les corps sont mous malgré les seins siliconés. Le désir des acteurs s’est barré depuis belle lurette dans un endroit moins froid et moins marketé, un endroit où l’on n’interrompt pas brutalement les acteurs en plein milieu de leur scène pour leur asséner des indications. Mais dans ce marasme, la polyvalence des acteurs demeure impressionnante, il faut tourner en un minimum de temps du soft porn, des scènes hard pour internet et prendre des photos. Le soft porn, c’est ce truc chiant où le mec bande mou et claque le cul d’une nana le long de sa bite en faisant croire que c’est une levrette passionnée — en effet il n’y a pas de rapport sexuel.

Ici on a une parfaite dichotomie entre le HPG business man qui pense sur le moment à ce qui va se vendre ou pas et entre les acteurs qui cherchent à créer une chimie entre eux pour faire du bon boulot.

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HPG est un mégalo qui met en abyme le porn qu’il réalise à travers ce documentaire, une caméra qui filme HPG lui aussi en train de filmer, diriger. HPG ne s’embarrasse pas de manières pour dire ce qu’il pense, le bonhomme est tout le temps à poil même s’il ne tourne pas, ses idées de scénarios sont grotesques, ses explications incohérentes. Par contre, le montage de Siboni est d’une étonnante sincérité. Il montre HPG sous toutes ses coutures : du grand frère qui donne des conseils à un jeune homme qui veut percer dans le porno pour séduire les filles, au séducteur qui se tape une actrice hors caméra pour finir sur une magnifique scène où le tournage est interrompu parce que les acteurs et HPG sont trop défoncés et se mettent à pioncer. Au final, le docu montre des gens comme vous, comme moi, ou comme la boulangère, des gens qui nourrissent des espoirs et remettent un peu de leurs destins dans les mains d’un mec. C’est de la sincérité pure dans un monde d’apparence.

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Le temps n’a pas d’emprise sur les bonnes choses. Passionnant comme un long épisode de Strip-tease, Il n’y a pas de rapport sexuel de Raphaël Siboni est une oeuvre à (re)voir.

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