SAS n°104 – Manip à Zagreb

Vendredi dernier, on m’a annoncé de but en blanc la mort de Gérard de Villiers. Comme ça, juste : “Ah t’as vu, le mec qui écrit les SAS il est mort.” Et moi, blanche : “Quoi ? oh non, oh merde, oh non, oh mince.” Ma réaction a dû sembler disproportionnée, et étrange, quand on connaît l’homme. Mais j’avais limite la larme à l’oeil. Car voilà, pour moi SAS, c’est le commencement. Le début de mon amour pour la littérature érotique, et sans doute pour le sexe en général. Le point de départ de ma route vers le point G.

Nous sommes dans les années 90, c’est l’été. Je ne suis pas bien vieille. Je traîne dans la chambre des parents, car c’est là qu’on a installé le câble, et je regarde tous les jours Marcus sur Game One et Le laboratoire de Dexter sur Disney Channel. C’est la pub, je m’ennuie. Je regarde sur la table de chevet de mes parents et là, je ne comprends pas trop pourquoi, il y a un livre de poche avec en couverture une fille qui joue dans Salut les Musclés, tous nichons dehors, arme à feu imposante à la main. Alors, curiosité oblige, j’ouvre et je lis.

Manip_a_Zagreb

Je suis bien tombée, le premier chapitre de ce qui est en fait SAS n°104 – Manip à Zagreb attaque assez directement. Je m’en souviens comme si c’était hier : une histoire de fille peu farouche draguée sur la plage, la pluie qui se met à tomber, et moi qui comprends peu à peu ce que je suis en train de lire.

Je vous l’avoue tout de suite, je crois que je n’ai jamais lu un SAS en entier. J’étais bien trop choquée par les scènes d’action, de guerre et de mutilation. Cependant, j’avais bien compris qu’en général une scène de sexe venait juste après, parce que le héros avait besoin de “reconnecter avec la vie”, alors je reconnectais avec lui.

Au total, j’ai dû lire des milliers de pages. En diagonale, à l’endroit, à l’envers, sous la couette, dans la salle de bain. Et j’ai tellement appris ! Je vous passe les allées et venues dans le Petit Robert 1994 pour comprendre des mots aussi magiques que “olisbos”, “hampe” ou encore “callypige”. Grâce à Malko et à ses copines aux noms exotiques, j’ai compris ce qu’était la position de l’amazone, j’ai appris que la sodomie ça faisait mal, mais c’était sympa quand même, et que apparemment, on pouvait faire une pipe avec des glaçons dans la bouche ou arrosée au champagne.

“Maureen Kieffer fit glisser son peignoir et se rapprocha de Malko, se frottant doucement à lui. Le contact de sa peau tiède eut un effet immédiat, déclenchant une érection dont la jeune femme s’empara aussitôt. Lorsqu’elle le jugea assez dur, elle le poussa vers le canapé et alla chercher la bouteille de champagne.

La secouant de nouveau vigoureusement, elle la dirigea vers le ventre de Malko, écartant son pouce du goulot. Un flot de champagne jaillit, inondant le ventre et le sexe dressé.

Satisfaite, la Sud-Africaine posa la bouteille, s’agenouilla sur le tapis et commença par lécher le champagne répandu sur le ventre de Malko. Ensuite, elle s’attaqua au sexe dressé, le nettoyant à petits coups de langue, comme un chat, pour finir par l’engouler brusquement.

Ensuite, elle se leva et continua à le lécher, soupirant :

– J’adore deux choses, dit-elle, le très bon champagne et sucer un homme qui bande.“

* SAS N°198 Sauve qui peut à Kaboul, Tome 1.

Bien sûr, on pourrait critiquer la position des femmes dans SAS. Souvent elles sont soumises, utilisées, parfois prises plus ou moins contre leur gré. Mais certaines sont fatales, sexy, puissantes, conscientes de leur pouvoir immense sur le mâle, et je rêvais de leur ressembler.

“Lorsqu’il eut raccroché, Malko alla trouver Alexandra, en train de préparer, avec Ilse, la cuisinière, un dîner pour la fin de la semaine.

– Nous avons une visite, annonça Malko : mon ami Jim, de l’ambassade.

Alexandra eut un mauvais sourire. Moulée dans un pull noir, la croupe enserrée dans un pantalon de cheval encore plus excitant qu’une jupe, elle était l’incarnation sexy de la gentle-woman farmer.

– Tu veux que je me change ? demanda-t-elle. Que je le rende vraiment fou ? La dernière fois, il a posé un regard ignoble sur moi. Je pense qu’il m’aurait bien violée.

– Moi aussi, parfois, j’ai envie de te violer, assura Malko.

Alexandra le toisa ironiquement.

– Tu n’es pas le seul.

Plus salope, tu meurs.“

*SAS n°192, Igla S.

Finalement, mon éducation sexuelle, elle s’est faite dans les collections de de Villiers. C’est sans doute pour cela que je mate les belles femmes dans les aéroports, et que j’apprécie une couture de bas bien droite ou un sein dont la pointe se dessine parfaitement sous un chemisier blanc. Et comme je suis à “double tranchant”, j’ai aussi gardé les souvenirs troublants de levrettes et de membres impressionnants qui avaient l’air de faire jouir efficacement et facilement.

Aujourd’hui encore, je lis tous les SAS qui me tombent sous la main. Dans les brocantes, à la plage, ou bien chez Tonton. Et ça me fait toujours cet effet chaud dans le bas du ventre.

Cher Gérard, tu m’as élevée en homme macho, bourgeois, exigeant, assoiffé de sexe, et parallèlement en femme, tour à tour salope, allumeuse, amoureuse ou soumise qu’on plie sans ménagement sur une table. Merci.

 

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