Come4, de l’altruisme à l’utopie

Come4 est un projet créé par deux italiens : Riccardo et Marco. Il s’agit d’une plateforme porno de streaming pour soutenir des causes éthiques et des organisations caritatives. Pour cela, ils ont besoin d’argent, et passent par la plateforme de crowfunding Ulule pour financer son développement.

Sur le papier, le principe est assez simple : le porno générait, selon eux, 100 milliards de revenus par an ; alors pourquoi pas en distribuer une partie pour des oeuvres caritatives ? Ça commence assez mal, les revenus du porno en ligne étant plutôt estimés à 3-4 milliards par an, voire 10 milliards au maximum. Le chiffre de 100 milliards vient d’un site un peu étrange qui s’emmêle les pinceaux entre pornographie, marché du sexe et le croisillon hallu. On y apprend aussi que la Chine consommerait pour 25 milliards de porno par an… alors que celui-ci est tout simplement interdit depuis 2002. Mais passons, même si le porn traverse une crise depuis quelques années, on ne va pas non plus les plaindre, l’argent est toujours là.

https://www.youtube.com/watch?v=j5mkjHcaXek#!

Nos deux italiens altruistes ont pour idée de proposer une plateforme de partage (un tube porno, pour faire simple), où chaque vidéo serait associée à une cause. Il y aurait deux façons de récupérer de l’argent (pour après le redistribuer aux associations, dans la plus pure transparence évidemment).

Hébergement de vidéos sponsorisées. C’est-à-dire comme sur les tubes, un système d’affiliation. Pour vous donner un exemple concret, allez sur la chaine de X-Art de Youporn, glissez votre souris sur la bannière située sous les vidéos, vous verrez apparaitre un code d’affilié dans l’url. Si vous cliquez dessus et que vous vous abonnez chez eux, ils réserveront à l’hébergeur (dans notre exemple Youporn-Manwin) un pourcentage des revenus, généralement 50 %. C’est un business très courant dans le porno, qu’on appelle également le CPA : Coût Par Action.

L’achat d’espace publicitaire sur le site. Ici, on parle en CPM : Coût Pour Mille. C’est-à-dire que les revenus se font à l’audience, au nombre de pages vues ou d’impressions (mille = mille pages vues). C’est le système classique de la publicité depuis qu’elle existe : l’achat d’espace, donc de visibilité en rapport avec une audience donnée (ou estimée). Sur Come4, vous pourrez acheter du post-roll (publicité située à la fin de la vidéo) ou des bannières sur le site (achat d’espace classique).

C’est en fait le modèle du Pornhub network et des autres gros tubes, avoir un catalogue de vidéos, et récupérer l’argent par les différents formats plublicitaires disponibles. Si vous voulez  pour en savoir plus, referez-vous à notre article sur Manwin, l’interview d’un des ex-employés et une réflexion sur la publicité classique dans le monde pornographique.

L’analyse du marché est donc pertinente, mais bien trop idéaliste. En effet, pour arriver à une telle audience (souvent plus de dix millions de visiteurs par jour pour les plus gros tubes, ce qui est colossal) et à des revenus conséquents, les tubes jouent depuis le début avec le feu en se reposant sur la loi du copyright : en tant qu’hébergeur, le tube n’est pas responsable des vidéos uploadées par les utilisateurs, mais il a l’obligation de les retirer si elles sont signalées. Un jeu dangereux pour Come4, s’il se basent sur la générosité de ses utilisateurs, les avocats des studios ayant les jeunes tubes dans le viseur. Sans oublier que les associations verraient d’un assez mauvais oeil l’arrivée d’argent aux provenances plus ou moins légales.

Nos deux italiens rêvent au milliard de dollars par an ; dans l’état actuel du marché, extrêmement compétitif et saturé, c’est mission impossible. Pour plusieurs raisons :

– Le taux de clic moyen est d’environ 0,09 %, et le taux de transformation (quand l’internaute qui a cliqué sur la bannière achète véritablement un produit) varie entre 1 et 4 %. Faites le calcul (taux de clic x taux de transformation) : si vous voulez gagnez de l’argent avec ce système, il vous faut une grosse audience et un maximum de bannières. De plus, peu de tubes arrivent à s’associer avec du contenu de qualité : la plupart fait du gonzo vénère ou du pro-am pas franchement ragoûtant.

– A notre connaissance, il n’existe pas de système de pre-roll ou de post-roll dans la vidéo porno. Tout comme le pre-roll n’existe pas sur les vidéos tagguées « sexy » sur Youtube ou Dailymotion, la publicité classique refusant catégoriquement d’être associée à la pornographie.

– Si l’achat d’espace au CPM existe sur les tubes, il reste principalement réservé aux marques de poker en ligne ou de sexcam. Le taux moyen constaté est dix à vingt fois inférieur à celui pratiqué dans la presse en ligne. Là encore, il est nécessaire de générer un trafic plus que conséquent, et surtout convaincre les annonceurs – un défi en soi.

Peu d’associations accepteraient l’argent du porno qui reste, malgré sa consommation astronomique, le vilain petit canard de la production audiovisuelle.

Tout le monde rêve de monter un Youporn-like altruiste, ouvert et innovant – nous les premiers. En réalité, pour y arriver, il faudrait bien plus que les 10 000 euros demandés (bande passante, hébergement, fonctionnement…). C’est un sale business, réservé à quelques filous sans scrupules et à des webmasters qui se moquent sensiblement de la qualité du contenu (allez jetez un oeil sur les tubes alternatifs, français par exemple…). Le marché est saturé, et loin d’être un eldorado pour qui cherche la qualité : pour faire son trou, il faut bien plus qu’une chouette idée.

Dommage pour nos deux Italiens au projet sympathique, mais ils rêvent un peu trop fort. On leur souhaite tout de même de réussir : la presse parle d’eux, ils arriveront rapidement à lever l’argent qu’ils demandent. On suivra ce projet, en espérant qu’ils ouvriront une nouvelle voie, et on chantera Alléluia si c’est le cas. Mais pour le moment, on reste plus que dubitatif.

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  • hi gonzo,
    thanks a lot for your article. We love critics and we love to open a debate about this issues.
    i don’t speak french very well but i (hope) understand most part of your speech.
    There is many things to say.
    the first one.
    we have already a bunch of people willing to accept donations from our porn site. The first one was Asta Philpot, from Leeds. He has a foundations dealing with the relationship with sex and disability.
    Secondly, have a look on MAKELOVENOTPORN recently launched by cindy gallop. We have a different business model, but contents are quite similar.
    Third. 10k is not a huge amount of money, you right. A streming site costs a lot. But come4 is as well a cultural provocation. Is it possibile to mix charity and pornography? So probably our view are excessively utopian, you might be right. But we are moving waters. So we need that money to build a small prototype, and with a customer development and lean startup method we believe we can do well.
    in the end If you have any proposal will be ready to listen.
    come4.org is an open project.
    thanks again and bet a little chip on us on http://ulule.com/come4 you will not be disappointed.
    cheers
    ricky

  • Merci pour l’explication.
    j’avais vu la news, trouvé cela intéressant, mais n’avais pas toutes les données chiffrées pour en tirer les même conclusions que toi.

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