Strap-on : I have a dream

En 1995, mes camarades de classe m’ont élue Présidente de la République à l’unanimité (ma maîtresse de CE1 était divorcée et accro à l’actualité). Comment mon programme truffé de fausses promesses (cadeaux et bonbecs à gogo…) avait-il pu convaincre ? Comment avais-je battu quatre candidats, quatre garçons dont celui qui me déposait de légers bisous dans le cou sous le grand platane de la cours de récré ? J’hésite encore à mentionner ce fulgurant mandat dans mon CV.

LES PUTSCHS SEXUELS SONT LES MEILLEURS

Ceci dit, les femmes de pouvoir m’ont toujours fascinée. Leur port de tête gracieux, audacieux, leur façon de s’imposer en un battement de cils espiègle, leur fierté non dissimulée de réussir dans un univers masculin… En bonne lesbienne théorique que je suis, coucher avec une Jackie Kennedy ou une Wonder Woman m’a déjà titillé l’esprit. Les putschs sexuels ne sont-ils pas les meilleurs ?

2012 approchant, je devrais avoir du mal à me contenir. Mais en France, les femmes d’État manquent de chien. Fagotées fade ou BCBG, elles ont à peine plus de sex-appeal que les avocates, les gendarmettes et les fanatiques de Simone Veil (qui, au passage, me flanquent une trouille inouïe). Ô rage ! Ô désespoir ! Seules les chefs d’entreprise imbuvables en tailleur Chanel parviennent encore à émouvoir ma petite culotte, lorsqu’elles courent dans les rues de Paris à la recherche d’un taxi, talons aux pieds et cheveux au vent…

Bref, parler domination sur un site dédié à la culture porn, c’est en quelque sorte parler égalité des salaires sur un blog féministe : le débat existe depuis la nuit des temps et bascule souvent dans le barbant… Alors brasser du vent autour des ressassés #bondage, #SM et #fetish ? Ou bien se paumer dans les méandres des « donjons » ? Non.

N-O-N : TROIS LETTRES DE NOBLESSE POUR LES AMATRICES DE #STRAPON

Toi la fille revancharde : tu n’as jamais eu envie de malmener ton amour despotique ? Toi la libertine : tu n’as jamais eu envie de prendre un mec par derrière pendant qu’une autre le suçait ? Et toi l’androgyne : tu n’as jamais eu envie de te glisser dans la peau d’un homme ? Moi oui.

O-U-I : TROIS LETTRES DE NOBLESSE POUR LES AMATEURS DE #STRAPON

Toi le gars curieux : tu n’as jamais eu envie de dire coucou à ton point G ? Toi le mégalo : tu n’as jamais eu envie d’avoir deux pénis pour le prix d’un ? Et toi l’homo refoulé : tu n’as jamais eu envie d’assouvir certains fantasmes hypocrites ?

Au final, la raison qui pousse un homme ou une femme à sodomiser ou à être sodomisé(e), chaque dimanche matin ou une fois dans sa vie : OSEF. Les explications intello-intellectuelles, je les laisse aux psy franco-français. De toute façon, on sait que les groupies d’Œdipe auront le dernier mot.

Strapon femdom

Le rêve américain, au minimum

BANDE D’ENCULEUSES

D’autant plus que le principe du strap-on est malicieusement paradoxal. Cette pratique underground permet à tous les sexes et les sexualités de fricoter. Amorale et anarchique aux yeux de la majorité bienséante, elle repose cependant sur l’autorité et des règles qui fluctuent d’une expérience à l’autre. Il y a tant de possibilités que Wikipédia a réussi à nous pondre un article très détaillé, que dis-je, un véritable mode d’emploi ; en bonus : un joli couplet historique dont quelques lignes inspirées sur la décadence de la Grèce Antique. Elle a par ailleurs nourri le projet artistique Strap-On Dildos, initié par des lesbiennes déjantées et anti-pensée unique, adeptes d’un porno #diy et libéré.

La complexité de ce sujet #reverse m’incite à choisir un camp : celui des femmes hétéros qui baisent leurs mecs, facilité oblige. Ces enculeuses détiennent des pouvoirs décuplés, limite surnaturels (Wonder Woman, ne t’inquiète pas, tu habites mon cœur). Avec leur bite en silicone continuellement érigée, tantôt une arme, tantôt un jouet, et leur silhouette troublante et provocante de trans, elles font peur, rire, bander. Elles sont punk. Ces chahuteuses d’ordre établi établissent leur propre ordre et contribuent à renouveler le quotidien, la pornographie et ses formes (N. B. : le POV, un terrain à conquérir). N’en déplaise aux réacs, aux prudes et aux vrais machos ! Ceux-là qui tolèrent (quoique) la rencontre affectueuse d’un doigt avec leur prostate, mais qui déjà serrent les fesses au doux son d’« anulingus ».

Carnage Anal Strapon

Carnage anal en perspective

JE SUIS VIERGE

Joan Baise a pourtant été claire : la femme est un homme comme les autres. Après, chacun son truc, on est d’accord. Mais à quoi servent des corps si ce n’est à se prendre, s’apprendre, s’inventer ?

Pour ma part, je suis vierge et intriguée : je n’ai point endossé le rôle de dictatrice-dildo, et je m’interroge sur la publication d’une annonce dans le Parisien. « Lula, bientôt 24 ans, Bellevilloise cinéphile et candide, cherche homme entre 20 et 30 ans, ouvert et aimant l’humour, pour expérimenter le strap-on. » ? Voilà, j’imagine les réponses transpirantes de vieux libidineux en mal de jeunesse…

Je ne me décourage pas, hein. L’idée de pénétrer un homme me plaît trop. Pas seulement parce qu’elle tranche avec ma douceur et ma timidité apparentes. Ou parce qu’elle propose un contrôle (absolu) et une inversion des codes. Elle me plaît trop parce qu’elle sous-tend un double plaisir… S’introduire dans un orifice tout en connaissant l’effet procuré par une pénétration, ça doit être dingue. Agir tout en se souvenant de ses propres sensations, se mouvoir et faire jouir comme l’on aime qu’un partenaire se meuve et nous fasse jouir, ça doit être dingue. Et schizo. Narcissique. Délicieux. Violent. What else ?

Peut-être qu’à mon anniversaire une copine m’offrira une ceinture multi-godes fluorescente. Le type de cadeau que l’on fait à une nana qui avoisine le quart de siècle. Pour l’instant, je me contente du monde merveilleux des Internets. Je sais, me caresser derrière mon écran n’a rien d’intrépide à première vue. Mais détrompez- vous, les tubes sont semés d’embûches. En effet, quand un site se surnomme le roi « du carnage anal », comment ne pas gerber ou pleurer sa mère ?

Femdom Strapon

Le 3e œil

Enfin, il faut que je descende de mon nuage : on n’a pas affaire à un tag de romantique. Sur XVideos et Youporn, le #strapon se planque dans l’étagère du haut, entre #bob (bend over boyfriend) et #anal, et son meilleur pote s’appelle #pegging. Là encore, il vaut mieux aller fouiner du côté de l’#amat (qui donne à voir des saynètes réalistes et rigolotes), parce que l’institutionnalisation du genre va de pair avec des calembours débiles et des discours bourrins. On en revient toujours au même problème. Moi j’idéalise, j’attends un film étrange et excitant où (exemple) une orgie sadienne débuterait dans un cabinet de curiosités, impulsée par une brunette aux seins menus munie d’un strap-on dildo en cuir. Je veux m’identifier, lorgner mon fantasme de près. Au lieu de quoi, on me vend des hardeuses de cinquante ans aux sourcils trop épilés, des uniformes achetés dans le farces et attrapes du coin, des salles de torture improvisées au dernier étage d’un hôtel post Trente Glorieuses !

Ce point d’exclamation fringuant trahirait-il mes velléités politiques ? Un feu jamais éteint que le fantôme de Jacky Kennedy aurait entretenu de ses délicates mains ? Qu’importe ! D’ébat à débat, il n’y a qu’un pas. Mais j’ai manifestement choisi mon champ de bataille… Le Tag Parfait.

Illustration en une par François Saintamon

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  • Je ne suis pas du tout tentée par le strapon, c’est peut-être trop cérébral pour moi, je préfère me servir de mes doigts. Mais je suis tentée par le share.

  • J’ai du mal à imaginer la pratique du strap-on entre une lesbienne et un mec…

    Pourquoi vouloir pénétrer un garçon si l’on ne désire pas un minimum son corps ? s’il ne vous excite pas un peu avant, sans cette mise-en-scène ?

    Du coup, ce fantasme me semble un peu théorique et/ou purement narcissique (comme beaucoup de fantasmes, je sais…).

  • Pourquoi payer pour passer dans le Parisien quand on dispose de l’Internet entier via le Tag Parfait ? Je vous le demande.

    Comme évoqué par Gonzo hier, j’ai l’impression que le strapon passe toujours mal à l’écran. En tout cas du côté masculin, ça demande à la fois d’apprécier le physique de la nana portant l’engin et de pouvoir s’identifier au mec, ce qui est loin d’être une chose évidente (oui, l’espèce de chauve rougeaud qu’on retrouve partout sur pornhub, tu peux te sentir visé). Cette pratique est donc belle et généreuse, puisqu’elle permet même aux hommes de partager ces moments wtf que les femmes regardant du porno doivent vivre quotidiennement. Enfin, sérieusement. Mettez lui du fond de teint, changez les éclairages, je sais pas moi, faites quelque chose.

    Le site qui m’a le plus intrigué concernant ce tag est (je ne sais pas trop quelle est la politique de la maison concernant les liens sortants, au pire mon message sera édité et je ne le ferai plus) strapondreamer.com, aux trailers bien foutus et bien montés. Le contenu étant payant je ne sais pas ce qui se cache derrière, mais la seule vidéo version longue que j’ai pu voir était finalement assez fade sans la musique rythmée des teasers. S’il y a des retours, je suis preneur.

    • Pourquoi faut-il toujours que dans le strap-on le mec soit humilié et soumis, on peut pas faire ça à la cool comme sur http://bendoverboyfriend.tumblr.com/ (pour les liens sortants, si y’en a plus de 3 ça passe en spam). Mais y’a des vidéos qui ont l’air cool ceci dit.

      • déjà que sur des sujets « classiques » ça manque de créativité, alors sur ce genre de pratiques, faut pas s’attendre à des miracles …

      • dans le porno c’est toujours un peu théatral. Dans la vie, il n’y a pas de soumission du tout dans cette pratique. Il ne faut pas le voir comme ça en tous cas. Faite l’essai avec une femme que vous aimez et vous verrez.

      • parce que l’humiliation et la soumission (quand elles sont mesurées et non outrancières) sont l’exercice de transgressions, d’une complicité profonde entre le soumis et la dominante, qu’elles font bouillonner l’imagination et l’intellect de chacun des partenaires ; tout ceci fait plus que décupler votre excitation sexuelle

  • Wahh, l’ inversion des codes, des valeurs, ca fait presque rever.
    Ce ca que je trouve vraiment pas mal sur le tag parfait, depuis env 6 mois que je parcours votre site, C’ est le potentiel de réappropriation du porno et du cul en général, j’ entrevois un aspect profondément subversif voire meme militant, tout en surfant sur la production de masse et entre les recoins les plus sordides et bizarres.
    Ca brise du tabou comme ca, au coin du bar…
    Ca me botte bien en tout cas, suffisamment pour réagir.
    Merci lula pour ton article et à tout les autres « esthetes » qui contribuent au Tag.
    Sköööl

  • Du haut de mes precoces 19 ans, je me surprend a regarder ma montre ou a compter le nombre de carreaux aux murs quand je suis censé prendre mon pied. Surement pas tombé sur les bons amants mais marre de me voire infligé des dilatations anales sans frisson sans pouvoir rendre l’appareil, avec surement derriere, une petite vengance feministe… De voir MON attribut masculo/feminin faire souffrir un homme dans toute son inferiorité suffirait a me faire mouillé ma Petit Bateau. Malheuresement, l’amour des hommes me rattrape vite, et je me dois d’avouer afin de rassurer vos fragils egos que si je parvenais a vous faire grimper aux rideaux avec uniquement un penis en plastique et ma sensualité, je risquerais fort de me la jouer fontaine magique !
    Soit, un penchant sadique et engagé mais souciante de votre bien-etre messieurs.
    Sans aucun doute un tag parfait Lula.

  • Ahahah message fantastique de Rose ! Suffit de trouver le bon et sûrement un tout ptit peu plus âgé que 19ans, c’est pas spécialement le bon moment pour essayer le strap-on avec des mecs en quête de virilité ^^

  • merci Lula pour ce sublime frisson, très bandant, que vous nous procurez sous l’effet de votre plume quand elle s’attarde sur un sujet aussi brulant dans un style d’une telle fraicheur ! En plus, l’article est diablement bien écrit (en particulier la fin qui est très bien ciselée).

    J’imagine que vous avez déja eu l’occasion d’assouvir cet exquis fantasme cérébralement raffiné que vous nous avez confessé. Et c’est bien dommage, parce que, moi, c’est l’idée complémentaire de me faire pénétrer par une lesbienne qui me plaît trop, qui m’excite terriblement.

    Je suis totalement subjugué par les lesbiennes dont les relations sexuelles me paraissent se ponctuer de jouissances profondes et terrifiantes, d’orgasmes multiples et effroyablement puissants, d’autant plus mystérieux qu’ils ne sont provoqués parfois que par de simples, douces et si légères « caresses buccales et manuelles » dont elles seules ont le secret… Bref, j’aime me représenter les lesbiennes hypersexuelles.

    Que l’une d’elle m’accorde le privilège, rien qu’une fois, d’une pénétration de ses coups de reins ryhtmés, si divinement féminins, sensuels et brutaux à la fois, qu’elle ne réserve qu’à ses élues, eh bien, ce n’est pas au 7ème ciel qu’elle me transportera à coup de pilons supersexuels, mais plutôt dans l’enfer le plus torride et le plus délicieux de son imagination la plus délicatement pervertie ; et c’est avec ferveur et délectation que j’y descendrai. Non : que j’y dévalerai! oh, oui!

    Le jeune Parisien que je suis vous aurais volontiers prié de passer me dépuceler.

    Si ce rôle de « dictatrice-dildo » vous excite toujours, j’aurai un TRES grand plaisir à vous mettre dans cet état – si jamais j’y parviens! -dingue, schizo, narcissique, délicieux et violent.

    Bien à vous et bonne continuation. En ce qui me concerne, je me replonge de ce pas dans votre dream qui est décidément trop excitant pour être oublié comme ça et tellement bandant pour que je ne saisisse pas l’occasion qui se remanifeste!

  • C’est rigolo, deux hommes parlent de lesbiennes utilisant les strap-on, mais vous savez, les hétéro également ont accès à la technologie chibresque…

    @Lula, sinon, tu as plus simple, plus discret, plus rapide qui permet une meilleure sélection de l’amant (et sur photos s’il vous plait). Le « à la recherche de la nouvelle star du je veux être pris par une femme » c’est la création d’un Facebook ou d’un tumblr dédié à ce penchant. Pourquoi ne pas envisager cela comme l’anti-chambre virtuelle de ton cabinet de curiosités? ( D’ailleurs si tu me retrouves là-bas, je connais quelques candidats potentiellement très ouverts qui seraient ravis de trouver « chaussure à leur pied ». Pas de scrupules, les hommes se refilent bien les 06 dans les bars…)

    De mon côté c’est plus mise en abime, je rêve de faire ça à une femme travestie en homme. Je ne veux pas savoir ce que Freud en penserai 😀

  • Lula je suis entièrement d’accord avec tout ce que tu as écrit 🙂

  • et je réverais d’essyer avec une femme qui a ta sensibilité

  • Merci merci merci pour cet article.

    C’est mon (très) grand fantasme du moment, et tu en parle magnifiquement bien 🙂

  • *soupir* il y a pas mal d’hommes qui fantasment de se faire prendre avec violence et douceur mêlées (dont moi), et pas mal de femmes (je pense) qui rêveraient d’inverser un peu les rôles et culbuter tendrement un mâle sans forcément q’un rapport soumission/domination n’entre en jeu. Malheureusement si c’est difficile dés le premier soir, ça n’est pas plus simple après : les hommes hétéros-strictes considèrent avec horreur le fait de se prendre un chibre même artificiel et manié par leur dulciné. Quant aux femmes, certaines ont du mal à sortir du carcan (auto)imposé de jeune fille sage et soumise. C’est bien dommage, beaucoup de plaisir s’envole et ne prendra jamais corps à cause de ces rôles trop figés. Figés entre autre par le porno mais là c’est vrai que filmer le strapon (n’oubliez pas non plus les « strapless dildos ») n’est pas ce qu’il y de plus sexy

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