Lucie, entre dans la ronde

La dernière fois que j’ai vu Lucie, elle pleurait à chaudes larmes l’obtention de son brevet. Libérée d’un poids. Non. Pas le sien. #BBW marqué au fer rouge des après-midi au McDo, enchainant les Big Mac pour étouffer sa haine contre nous, les idiots, les vanneurs, dans un estomac jamais rassasié. Ironique même l’estomac : Il absorbait toutes nos conneries de gamins et les replaçait dans les jambes, le cul et le visage bouffi de notre victime, ouvrant de nouvelles perspectives à nos blagues. Lucie est vengée aujourd’hui, je me masturbe sur sa dernière vidéo.

#BBW en France, c’est pour les spécialistes. Les branleurs de l’extrême. Big Beautiful Women, l’expression est mieux intégrée dans la culture U.S., bouffeuses de bucket KFC – les renois ont le droit à leur tag perso #bbbw – et avaleuses de grosse teub dans un shorty taille 12 ans qui compresse les cuisses. Je ne parle pas ici des « rondes » mignonnes de la pub Nivéa, Madame tout le monde, cible marketing de la presse féminine : « Votre régime pour être belle en maillot cet été« . Je ne parle pas de toi qui dans les yeux de ton mec cherches le soutien que le miroir balaiera demain. Toutes les femmes sont grosses, si on se met à les écouter, mais quand il faut se branler, très peu deviennent #BBW. La grosse, c’est assez particulier chez nous. La française jouit d’une aura hallucinante de la presse américaine (entre autres) qui les place sur un piédestal dégueulasse : les reines de la minceur et de l’élégance. La française utilise les fat-clubbeuses de Brighton comme faire-valoir et se marre bien des jupes ras la fouffe qui ne vont à personne sauf à elle, et encore elle ne les porte plus depuis 2002.

BBW sexy

Héhéhéhéhéhéhéhéhéhé je suis bloquééééé

Quand on y réfléchit trop, on a même l’impression qu’il n’existe pas de grosses chez nous.

La faute, d’abord, à un tag qui ne fait pas autorité. Certains sites préfèrent le très politiquement correct « rondes », d’autres y vont sans détour avec « grosses », « grasses » ou précisent carrément « gros cul gros seins » dans un même tag qui mélange vieilles, milfs, renois et jamais de la fat bien ciblée. Le terme, hautement franchouillard et sympa, « dodue » pourrait s’imposer mais il ne fait pas le poids (!) à côté de l’efficace et pointu #BBW.

La faute surtout à l’ingratitude des spécialistes français de la grosse qui refusent de prendre en main le sujet. « Putain j’suis rabate. Je sais plus où j’me trouve. C’est la loge, les chiottes, la cour ou la douche ? Des cheveux longs, des cheveux courts. J’accoste ou je cours. Elle est grosse, Oh my god. Pas moyen de lui faire la cour. » Gims, de Sexion d’Assaut, essaye de nous la faire à l’envers dans son tube Wati By Night, genre il se tape des mannequins comme son ex-Anna. Mais il ne faut pas oublier que l’univers de la grosse en France, c’est avant tout les clubs de coupé-décalé – avec un palmier dans le logo – où on retrouve les renois scarla qui n’ont pas fini leur œdipe et les pas de kuduru appris plus vite qu’on remplit une carte de fidélité au Kébab. Gims ajoute plus tard, comme pour se foutre ouvertement de notre gueule, J’fais du real Hip Hop comme les mecs en Amérique. Mecton, viens même pas parler, rien que d’oublier le classique « Baby Got Back » de Sir-Mix-A-Lot, tu mérites pas d’évoquer le hip hop dans tes textes. Rends plutôt hommage à tes copines, les grosses, celles qui t’ont dépucelé et qui n’ont jamais pu se nourrir de ton égoïsme pourri.

Des héroïnes grosses, j’aime bien Devyn Devine. Elle est l’icône anti-hardeuse avec ses rondeurs et ses branlettes espagnoles au sein 100% naturel. Au début, je la trouvais sous Devyn Divine, une erreur typographique qui me rappelait que la grosse est, dans notre inconscient, liée aux divinités. Ces « bons vivants » intouchables qui se saoulent la gueule et se marrent de nous, pauvres humains à la beauté éphémère. Chez Devyn, il y a un peu de King Kong Théorie de Despentes : « Exclues du marché de la bonne meuf« , elles sont, et Virginie ne pouvait pas foncièrement le deviner, en bonne place dans le marché de la bonne branlette. La grosse fait paire avec l’idolâtrie, hybride esthétique, elle fascine le branleur comme un pré-Homme devant la vénus de Willendorf, chef d’oeuvre paléolithique et symbole du « difforme » bien avant que les programmes de nutrition santé n’essayent de l’éradiquer. La grosse n’est pas une parenthèse malade de notre histoire, elle est notre histoire, notre inspiration, notre créativité. Manger Bouger, diktat nazillard, ennemi à ma branlette quotidienne, je refuse qu’un Etat remoule mes grosses, les comprime et je rajoute toujours de l’huile dans mes crêpes. Devyn Devine est aussi un ersatz de Lady Sovereign, b-girl qui n’a pas la langue dans sa poche. Paradoxalement, derrière ses vidéos où elle est fucked hard, il n’y a pas meilleur porte parole pour la banderole « FAM » (Fat acceptance movement) qui se bat depuis longtemps pour arrêter les discriminations, les blagues quotidiennes, adressées aux gros. La fin de la discrimination passe par une baise universelle, la grosse n’est plus cette pute sympa de la roulote en bord de forêt, elle est aussi une bonnasse qui s’affiche sur les jaquettes.

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J’tape la pose à l’américaine

Je me souviens, Lucie collectionnait frénétiquement les totoches Dauphin comme accrochée à sa petite enfance, une époque bénie où elle était encore jolie pour tout le monde. Toujours la dernière en E.P.S, on se demandait s’il n’y avait pas une loi physique, une sélection naturelle, qui obligeait chaque classe à avoir sa grosse. Jamais dispensée de cours contrairement aux bonnasses qui remplissaient la classe, la grosse n’assumait pas toutes ses formes mais était là, omniprésente, la joue et l’autre joue tendues vers nous, notre méchanceté. Finalement, elle ne le savait pas, on parlait plus d’elle que des bonnasses. Quand on disait vouloir baiser quelqu’un ce n’était qu’elle, notre grosse. « Mais pour combien tu le ferais avec Lucie ? » Les sommes n’étaient pas bien hautes. On voulait tous le faire avec Lucie.

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