Drooling

Si vous n’êtes pas complètement ignare sexuellement, vous n’êtes pas sans ignorer que l’abondance de fluides est l’un des secrets du sexy time réussi. L’évolution nous a épargné la mitose, autant se montrer reconnaissants et faire les choses bien. Entre liquide séminal et cyprine il faut que ça glisse, c’est inscrit dans nos gènes. La mince frontière entre plaisir et douleur réside là-dedans et sauf cas exceptionnels, la production de ces fluides est un mécanisme automatique. Ceci dit, nous sommes des animaux doués de conscience et du pouce préhenseur, les gagnants ultimes de la grande compétition. Tout ce qu’il faut pour comprendre que le corps recèle bien d’autres fluides susceptibles d’être utiles, dont la salive. Selon Jessie Andrews, être équipée de glandes salivaires efficaces est même l’une des qualités indispensables de toute actrice porno qui se respecte.

Il faut savoir que la sécrétion de salive peut être le fait d’une sensation agréable – dont l’excitation sexuelle. On peut donc se trouver détrempé de la muqueuse buccale devant une verge turgescente comme s’il s’agissait d’un appétissant baba au rhum, c’est normal. Tout cela montre que notre bave bien-aimée a également été prévue à des fins sexuelles. Et ça, les amateurs de drooling l’ont bien compris. Pour ces fétichistes de la salive, plus ça crache, mieux c’est. Les baisers humides qui s’étirent en délicats filets irisées, l’écume visqueuse des gorges profondes : que du bonheur pour les conscrits hétéroclites de la Salivation Army. On y trouve des onanistes consacrés, des sadomasochistes, des couples intrépides… bave en bocal, salivation amoureuse ou crachat dominateur, chacun pratique comme il l’entend ce fétichisme encore très méconnu.

Cet amour des fluides ne s’est emparé que récemment de l’industrie pornographique, comme en témoigne cette discussion datée de 2005 sur le Tilted Forum Project. Les fellations baveuses, les crachats et autres délicatesses sont une nouveauté. Comme le bukkake et, de manière générale, tout ce qui implique une surabondance de fluides : ces modes n’ont pas dix ans. Étrange quand on sait que pendant des centaines d’années, partout dans le monde, on s’est craché au visage en signe d’affection, de bienveillance et même d’attirance. La salive était alors considéré comme extrêmement bénéfique, dotée de propriétés parfois surnaturelles. Cependant, aucune étude clinique ou académique n’a jamais été menée au sujet du crachat dans le cadre sexuel ; de fait, il est difficile de comprendre les origines et le succès sans cesse croissant du drooling. Pourtant, la salive est partout. Les chantres hygiénistes ne la voient qu’en glaviots immondes sur les trottoirs, alors qu’elle est au centre de nos ébats amoureux, de nos baisers. Finalement, la malédiction qui entoure la bave n’est peut-être que de la pudeur. De la honte mal placée vis-à-vis d’un fluide éminement affectif et sexuel, qui renvoie invariablement au sperme et à la cyprine. On aime le drooling comme on aime l’éjaculation faciale ou le squirt – mais d’un amour plus tendre.

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