Hommage aux héros discrets du porno

Internet grouille de héros anonymes qui dédient leur existence au partage de leur voyage intérieur. Ils n’ont pas souvent de tête, ils ont surtout des bites, des chattes et des culs. Leur vaisseau est leur corps, leur destinée est la petite mort, les témoins de leur passage sur la toile sont de courtes vidéos qu’ils laissent traîner gratuitement derrière eux. Ces héros forment une communauté hétérogène d’individus éparpillés aux quatre coins du globe, dont le dénominateur commun est d’exhiber au monde leur plaisir solitaire.

Tapis dans l’ombre

Depuis dix ans que je fréquente l’Internet porno en streaming, j’en ai côtoyés des milliers sans vraiment m’attarder sur leur existence. Planqués dans les profondeurs de ces sites, ces créateurs s’adressent à ceux qui ont la curiosité d’aller visiter leurs petites œuvres. Vous ne les retrouverez jamais en page d’accueil des sites, rarement dans les suggestions des algorithmes mais ils sont bien là, nombreux et terriblement discrets. Ils ne demandent pas à être aimés comme ceux qui ont fait du porno un business. Eux travaillent dans l’ombre de leurs pratiques pour leur propre plaisir et celui des fappeurs de passage. Ils sont des explorateurs du cul, des astronautes du fap qui ne reculent devant aucune pratique, aucun orgasme, aucun danger.

Leurs créations sont riches et variées, des fameux tribute aux dilatations extrêmes en passant par toutes les nuances de plaisir que la prostate peut offrir. Ils ont des thématiques récurrentes : le fist anal ou vaginal, l’insertion d’objets plus ou moins importants et des fétichismes qui se pratiquent souvent seuls et dans l’anonymat, sauf quand il s’agit de s’autosucer et de s’envoyer des fluides au visage. Ils décrivent en vidéos la très riche palette des pratiques sexuelles liées à la masturbation.

Les héros discrets d’Internet

J’ai pris conscience que ces utilisateurs étaient des héros quand je me suis penché teub à la main sur le cas de Andre X, un Russe de 34 ans dont les vidéos de massage de prostate à l’aide de son pouce sont parfois vues des centaines de milliers de fois. Loin d’être confinés dans des espaces restreints, ces utilisateurs attirent parfois massivement les visiteurs. Les commentaires sont souvent élogieux et mélangent excitation et remerciement. Cependant n’attendez pas de lui une seule réponse de sa part, ses performances solitaires parlent à sa place et le partage s’arrête aux vidéos.

C’est aussi le cas d’autres stars du réseau, comme Kirk Johnson, plus connu sous le nom de The Goatse Man. Une légende d’Internet pour avoir été l’un des premiers memes de la culture web et une curiosité pour ses capacités de dilatation hors du commun. Actif depuis l’ancêtre d’Internet et sur Xtube depuis 2006, ne comptez pas non plus sur lui pour vous répondre, contentez-vous de vous extasier devant ses performances et de lâcher un pouce en l’air si vous aimez ces œuvres, sinon passez votre chemin.

L’essence du partage

D’un point de vue strictement pornographique, ces vidéos s’apparentent plus à des vidéos témoignages qu’à du porno conçu pour nous exciter. On est de l’ordre de la curiosité de soi, un peu comme d’autres anonymes postent leur sortie sportive du week-end filmée à la GoPro sur Youtube sans prétendre créer une quelconque attractivité. Si les plateformes de streaming sont par essence des lieux de partage, dédiés au plaisir des autres, elles permettent également d’archiver ses propres exploits. On est ici au cœur du porno 2.0 : du savoir, du partage, du don de soi et des pouces en l’air, le tout en plan fixe, sans montage et dépassant rarement les 5 minutes chrono.

Ces créateurs auraient aussi pu se contenter d’explorer leur sexualité dans l’intimité de leur chambre comme des centaines de milliers d’autres au même instant, mais ils ont décidé de passer le pas et d’uploader leurs vidéos sur les tubes. Dans quel but ? Est-ce l’exhibitionnisme qui les pousse à publier ? Sont-ils plus excités par la publication que par leur performance ? Ou atteints par ce virus moderne qui consiste à filmer chaque pas que l’on fait dans la vie ? Sûrement un mélange de tout ça.

Il n’y a dans ces vidéos aucune projection vers le spectateur, aucun semblant d’interactivité, c’est de l’exhibitionnisme puis de la contemplation de soi comme en témoignent ces très nombreuses chaînes Xhamster ou Xtube dédiées au travestissement, ou celles sur les dilatations.

Les reflets sans honte de nos fantasmes

Sautant de vidéo en vidéo, on en apprend autant sur le corps humain que sur le nôtre. Elles laissent la possibilité à chacun de faire ce qu’il entend : se masturber, apprendre, halluciner ou se questionner. Saviez-vous qu’il était possible de jouir plusieurs fois en retardant son orgasme ? Faut-il un bras particulièrement long pour s’autofister ? Les astronautes du fap ont-ils aussi des remords après s’être urinés au visage ? Pourquoi après l’expérience de l’horreur 1 guy 1 jar, les gens s’obstinent-ils encore à s’enfoncer des bouteilles en verre dans le cul ? Sommes-nous vraiment vus si nous restons anonymes ? Toutes ces questions trouvent parfois une réponse dans ces vidéos tournées avec aucun moyen et très peu d’ambition artistique, si ce n’est celle de la performance pure.

Avec le temps, j’ai développé une sympathie sans borne pour ces anonymes qui explorent les limites de leur corps en nous renvoyant à nos propres expériences, parfois mal assumées. Ces fappeurs explorateurs sont le miroir déformé de notre sexualité, les reflets sans honte de nos fantasmes.

Regarder ces vidéos me remplit parfois de joie car passée la barrière de la gêne et des gros plans parfois repoussants, on aperçoit une humanité riche qui s’exprime à travers ses orgasmes. Les héros discrets du porno sont les pornographes les plus sincères que vous trouverez sur Internet. Ils ne sont pas là spécialement pour vous, ils sont là avant tout pour eux.

La prochaine fois que vous en croiserez, prenez le temps de fapper avec eux, laissez leur un pouce en l’air, lâchez un petit commentaire, ils sont les moteurs anonymes de la culture porn, aussi précieux que les producteurs dont c’est le métier.

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