Momification, le retour du cocon protecteur

Les fétichistes c’est comme les squelettes, ça peut paraître inquiétant mais on en a tous un à l’intérieur. Voyez plutôt : comment avez-vous procédé la dernière fois que vous avez tenté de mettre un peu de momentum dans votre vie sexuelle ? Que vous ayez essayé la fessée, les mots vilains ou la cire chaude, vous avez trempé les petons dans le pédiluve de la vaste piscine du fétichisme. 

Vous avez côtoyé un instant les nageurs du grand bain, ceux qui se mettent des coups de paddle jusqu’à l’hématome, les amateurs d’humiliation érotique, les wax players hardcore. L’idée est la même, tout est une question d’intensité ; si vous avez utilisé des menottes et un bâillon, vous êtes dans le même couloir que ceux qui pratiquent la momification.

S’attacher les poignets et se couvrir les yeux, c’est restreindre sa capacité à se déplacer et à percevoir, se laisser à la merci d’une personne tierce. En s’enrobant des pieds à la tête dans divers matériaux, du film plastique au papier journal, les fétichistes de la momification poussent ce fantasme de vulnérabilité bien au-delà de ce que permettent les menottes et les cordes.

Cellophane, chaînes et plâtre

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« Quand je suis attaché avec des cordes, j’ai toujours la certitude que je peux me libérer si j’y mets assez d’efforts et d’astuce, explique Pleasewrap sur mummified.net. Je peux tirer sur une boucle, défaire un noeud, trouver un objet tranchant ». Avec la momification, il affirme que rien de tout cela n’est possible. « Momifié, je doute complètement de mon aptitude à m’en sortir ». Et justement, c’est le but.

Tout est bon pour s’assurer que le momifié ne puisse pas s’échapper. Quoi qu’amplement suffisant, le cellophane est parfois remplacé par du plâtre médical ou des chaînes. Certains vont jusqu’à se laisser emprisonner sous des couches de scotch blindé, d’autres s’essayent au wetpack, une pratique qui consiste à se faire enrober de draps qui seront ensuite mouillés. Jadis, on utilisait cette technique dans les hôpitaux psychiatriques pour calmer les patients agités.

La momification facile

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Les techniques de momification dépendent du matériau utilisé et de la position de départ du futur momifié. Dans le cas du scénario le plus classique, le film plastique alimentaire sur un volontaire allongé, on commencera par dérouler un « V » dont les branches partent des épaules pour se rejoindre sur le sexe. Avant d’être empaquetées ensemble, les jambes seront plastifiées individuellement. On enrobera ensuite le ventre, puis le torse à l’aide d’un « X » qui chevauche le sternum.

Comme les jambes, les bras seront d’abord emballés individuellement. Ils pourront  ensuite être placés le long du corps, au-dessus de la tête, croisés sur le torse… Reste la tête. Evidemment, elle doit être emballée avec précaution ; le but n’est pas de tuer le momifié, ses voies respiratoires ne doivent pas être encombrées. Recouvrez le tout de duct tape, c’est prêt !

La série B du porno

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Comme tout bon fétichisme de pointe, la momification a trouvé un terrain d’expression inespéré sur Internet. Le site Clips4sale recense ainsi plus de 6 000 vidéos de momies. Il y a de quoi contenter tout le monde : des positions compliquées, des matériaux variés, d’innombrables nationalités. Quoi qu’assez confidentielle, la momification a même réussi à se frayer un chemin jusqu’au fameux studio Kink. Ce n’est qu’une scène, mais tout de même.

La momification s’est même installée sur les tubes. Quoi qu’assez discrète, elle y vivote bel et bien : sur Xvideos, le tag « mummification » rend pas moins de 117 résultats, 84 sur PornHub. C’est peu face à l’océan du porn, mais c’est toujours mieux que l’unique vidéo proposée par YouPorn à nos amies les momies.

A l’intérieur de la momie

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A l’intérieur de sa gangue, le momifié va ressentir un très fort sentiment de vulnérabilité et perdre ses repères, tant spatiaux que temporels. Libre au momificateur d’entamer le cocon pour accéder à n’importe quelle partie du corps de son cobaye ou de le laisser en plan, aux prises avec sa peur de ne jamais sortir de sa camisole. Certaines séances de momification relèvent de la performance : sur le site Mummification Please!, un certain LockMeUp427 affirme être resté prisonnier 74 heures d’une combinaison de plastique renforcé aux fibres de verre.

La momification est une pratique dangereuse. Le momifié est menacé de suffocation s’il est trop à l’étroit dans son cocon, qui le met également à la merci d’une vilaine déshydratation. Si sa bouche est couverte, il ne pourra prononcer aucun safe word pour mettre un terme à l’expérience. Malgré les appels à la prudence insistants des habitués de la momification, ça tourne parfois mal. En décembre 2014, un anglais de 47 ans a été emporté par une crise cardiaque après avoir été momifié sous l’influence de plusieurs drogues.

Bien sûr, l’attrait pour la momification tient justement à son caractère extrême. A en croire ses aficionados, c’est un exercice de lâcher-prise total qui se mérite : « Nous pouvons tous avoir de soi-disants safe words ou de prétendues limites mais quand tu es ligoté, tu ne peux plus rien dire, affirme Jenny sur Mummified. C’est là que la confiance entre en jeu ». La dépendance du momifié au momificateur est totale. Il va être nourri, abreuvé, manipulé, libéré par lui. Les menottes, puissance mille.

Aux confins du bondage

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Evidemment, il y a tout un monde entre les bracelets de métal et le film plastique. Comment en vient-on à la momification ? Beaucoup de ses adeptes affirment avoir toujours aimé ça, au point de pratiquer seul avant de trouver un partenaire ou un dominateur prêt à s’en charger. Si vous aimez vous enrouler bien serré dans votre couette avant de dormir, vous avez peut-être déjà le truc.

D’autres ont eu le déclic au contact de momies véritables. « Mon intérêt (pour la momification) est apparu après une visite de la salle des momies du musée du Caire, en Egypte, explique Jenny. C’était une expérience fantastique, je ne l’oublierai jamais ». Le site compte aussi bon nombre d’histoires érotiques basées sur l’Egypte antique et ses familles royales. Sa catégorie « Techniques » renvoie même vers summum.org, un site qui propose de véritables services d’embaumement. Une fois de plus, les amateurs de momification fricotent avec la mort.

Malgré la dangerosité et la morbidité de la momification, ses adeptes vivent souvent leurs moments emballés comme des expériences spirituelles d’une grande plénitude. L’idée de cocon protecteur est récurrente, la sensation de calme et de sécurité également. En poussant  la perte de contrôle à l’extrême, ils parviennent à retourner comme un gant son caractère angoissant. Pourquoi se faire du souci, si absolument tout est hors de mon contrôle, même mes sens ? Loin, très, très loin des vagues inquiétudes qui surgissent sous le bâillon du menotté. 

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