Angie Rowntree et le « porno pour femmes »

Angie Rowntree s’est récemment entretenue avec Cosmopolitan, dans le cadre de leur rubrique hebdomadaire « Sex Work » (les femmes qui font le porno). L’occasion parfaite pour revenir sur la carrière de ladite entrepreneuse, au look de post soixante-huitarde.

En 1994, Angie fonde avec son mari Colin le website Wasteland.com, déclaration d’amour à l’esthétique BDSM. Femme intégrée au milieu, Angie devient une consommatrice intéressée de fictions explicites et déplore rapidement le gros souci de la création pornographique, en reliant la qualité de jeu des acteurs à la capacité d’immersion du spectateur : « à travers les productions que je visionnais (conçues par des hommes), il n’y avait pas le moindre sentiment de connexion entre les gens. Je ne percevais aucune passion. Dans certains cas, on se demandait si les acteurs voulaient vraiment être là ou en étaient contraints. « . C’est ce manque de conviction dans la captation des passions qui fait le mauvais porno car tout n’est finalement qu’une question de communion. Si les acteurs n’ont pas l’air excités, les spectateurs ne le seront pas.

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En créant Sssh.com en 1999 (« Everything you desire and more »), Angie Rowntree va donc faire une pierre deux coups, en proposant au web des productions bien plus stimulantes d’une part, et, d’autre part, en prenant le pari de développer de l’ « érotisme pour femmes ». Le succès de ladite plateforme en cette fin de millénaire fait d’elle une véritable pionnière du genre, allant à contre-courant de la pensée populaire en prenant conscience de l’intérêt que voue ce public à la pornographie. Visionnaire, car l’apogée des tubes quelques années plus tard ne fera que confirmer son opinion. Bien placée pour le savoir, Angie Rowntree ne se pose qu’une seule question : « Que veulent donc les femmes ? ». De cette interrogation découlera le choix des jeux coquins volontiers hardcore et la direction des acteurs, le tout porté par une envie spécifique, à savoir proposer du « real sex » entre « real couples ». De la vidéo-vérité au pays du Q.

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Pour satisfaire son public, l’artiste n’hésite pas à aller au-delà des terrains trop explorés du porn lesbien contemplatif, en exploitant des recettes diversifiées et bien plus crues : « Les femmes veulent tout ce qui se rapproche du BDSM, être soumises ou dominatrices, se faire tirer les cheveux, elles désirent toujours plus de cuir. Elles veulent du sexe violent, elles veulent êtres séduites, elles veulent un scénario où elles seraient prises par un étranger dans un bar. La plupart d’entre elles exigent des expériences comme le girl on girl ou le voyeurisme ». Pour Angie, il y autant de tags potentiels qu’il y a de femmes ou de corps de femmes (taille de la poitrine, tatouages, Ssssh.com prône l’éclectisme), et les fantaisies féminines dépassent de très loin celles, plus limitées, du public mâle, vrillant même au spanking movie.

Si on se concentre régulièrement sur les évolutions technologiques de la porn culture – ou ses déviances volontiers fustigées – Angie souhaite quant à elle appuyer la dimension thérapeutique du porno. Les deux films – en moyenne – balancés par mois chez Sssh.com ont des vertus psychologiques et permettent aux femmes de se sentir mieux dans leur peau en assumant leurs désirs et leur corps. « Plus que toute autre chose mon but est qu’elles se sentent vraiment bien avec Sssh et avec elles-mêmes. Je veux qu’elles apprécient l’intimité et la passion, ressentent ce sentiment de plaisir mutuel, je souhaite que les femmes occupent un rôle déterminant et soient maîtresses de leurs propres émois sexuels ». Une vision à la fois médicinale, romantique et féministe de la pornographie.

Si on a le droit parfois d’être circonspect face à la qualité esthétique toute relative des productions Ssssh., on peut difficilement nier l’intégrité de la pornographe, qui, avant toute chose, se déclare femme. Ses « passionate love scenes », équilibrage constant entre douceur et fermeté, témoignent de cet état d’esprit et de l’importance de la perception féminine sur l’industrie.

 

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