Qui perd gagne : comment Pornhub rafle la mise à chaque coup marketing

Il y a un mois, Pornhub lançait une campagne de financement participatif pour envoyer deux acteurs en orbite autour de la Terre afin de tourner le premier porno de l’histoire dans l’espace. Objectif : récolter 3,4 millions de dollars pour le studio Digital Playground afin qu’il réalise cet exploit. La somme est importante mais n’est pas non plus exceptionnelle pour Indiegogo qui en a vu d’autres et qui a surtout le courage d’accepter les projets en rapport avec le sexe ou le porno.

Pour appuyer leur campagne, le tube a tourné une vidéo à petit budget sur fond vert (vue depuis plus de 2 millions de fois), a réalisé à la va vite quelques graphiques et a apporté une explication crédible et détaillée du projet. Ils omettent au passage un détail : pourquoi ont-ils besoin de s’appuyer sur leur (grosse) communauté pour financer ce projet alors que la maison mère (MindGeek) engendre certainement ce chiffre d’affaires en seulement quelques jours ? La réponse est ailleurs, le projet n’est pas d’envoyer des acteurs dans l’espace, l’idée est de créer un coup marketing qu’ils réalisent d’ailleurs plusieurs fois par an : une campagne de notoriété mondiale à moindre frais.

Qui perd gagne

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Un mois plus tard, seulement 235 000 $ ont été récoltés (soit 7 % de la somme demandée) et il paraît impensable que la campagne atteigne la somme demandée. Mais peu importe pour Pornhub qui savait dès le début qu’ils n’y arriveraient pas. De l’argent, le tube en a beaucoup et si leur campagne s’arrête là, ils auront quand même gagné. En un mois, la campagne a généré plus de 250 articles à travers le monde disponibles via Google Actualités et plus de 20 000 résultats dans Google. Toute la presse en ligne en a parlé : Wired, Techcrunch, Paris Match, CNBC, Yahoo… sans compter les articles dans la presse papier – difficiles à quantifier.

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Si Internet est la nouvelle télé, l’internaute a besoin d’être diverti et se contente souvent de partager un titre ou une image quand il est satisfait. Avec Pornhub, le contrat est toujours rempli : l’histoire est belle, bien écrite et tombe souvent au bon moment (regain d’intérêt du public pour la conquête spatiale, objets connectés, SuperBowl…) et la presse vous mâche le travail : on partage sans réfléchir, on trouve ça drôle et on a bien raison. Quoi de plus marrant que deux acteurs en train de forniquer dans l’espace ?

Difficile d’estimer les retombées économiques pour Pornhub avec un trafic déjà monstrueux de plus 20 millions de visiteurs par jour. Google Trends montre une tendance à la hausse mais pas significative.

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Google Trends

Alexa (outil d’analyse de trafic, à prendre avec quelques pincettes) indique également quelques places grattées dans le top 100 des sites plus visités depuis le 10 juin mais sur une tendance haussière déjà amorcée depuis le printemps et peut-être dûe aux aléas de l’algorithme de Google.

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Alexa

Une campagne de notoriété participative

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Par contre, les retombées en terme de notoriété sont énormes, ce n’est pas Digital Playground qui est mis en avant mais bien Pornhub, l’ancien tube aux vidéos volées devenu plus respectable avec le temps à grand coup de rachat de contenu, de partenariats et de contenu (vraiment) amateur. Si le Pornhub Network – qui regroupe l’ensemble des tubes de la marque (dont Youporn) – génère un trafic démentiel, Pornhub lui, souffre de la concurrence sévère des tubes comme Xvideos, l’ersatz XNXX ou Xhamster dont le contenu souvent moins promotionnel attire encore plus massivement le public.

Pour arriver à conserver leur leadership symbolique, asseoir leur légitimité et se positionner comme le Youtube du porn, ils rivalisent d’ingéniosité pour faire parler d’eux et séduire la presse en ligne – véritable tremplin à buzz dès qu’il s’agit de relayer du porno sans afficher un bout de téton.

Pornhub s’en est fait une spécialité depuis des années et on l’a souvent relayé ici : fausse pub pour le Superbowl, Pornhub RecordsWankband, la recherche d’un DA pour leur pub… La méthode est toujours la même : une bonne idée (souvent légère et drôle), une mise en œuvre simple et graphique qui ne leur coûte rien, quelques infos distillées aux médias copains (Vice, Business Insider, Techcrunch…) et on attend que la sauce prend. Un jeu gagné d’avance.

Quand le porno débarque dans Google News, il n’a pas besoin d’être vérifié, c’est un sujet rigolo qui est traité avec légèreté. Les grosses ficelles de la publicité ? Pas grave, Pornhub vise la notoriété, pas son référencement ou le trafic, ce n’est donc pas un problème si la presse renvoie vers l’opération, une vidéo ou un graphique plutôt que vers le site.

Une stratégie brillante

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Dans un monde qui se sépare en deux – d’un côté le mainstream et de l’autre l’adulte avec très peu de ponts entre les deux, la stratégie de Pornhub est brillante et prouve qu’ils maîtrisent sur le bout des doigts leur environnement et les codes de la communication numérique. De quelle autre manière arriveraient-ils à faire parler d’eux ? La presse mainstream ne parlera jamais du porno en soi, de la dernière vidéo FakeTaxi présente sur le site ou de l’émergence de futurs stars du porno amateur. À chaque coup marketing, le matériel est entièrement SFW, calibré pour être relayé et la presse (un peu naïve) n’a pas toujours pas intégré que Pornhub était une marque comme une autre et pas seulement un tube porno.

L’année prochaine, aucun acteur ne tournera le premier porno spatial mais MindGeek sera toujours là, certainement encore plus puissant que maintenant, avec de nombreux autres coups marketing à l’échelle mondiale à son actif via Pornhub ou une autre de ses marques. Vous avez entendu parler du TwerkingButt, sorti il y a quelques jours ? Il y a déjà 1300 articles dans Google News…

 

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