Safia Bahmed-Schwartz : « Parfois je fais l’amour, ça donne des masterpieces »

Safia Bahmed-Schwartz est une enfant d’Internet, une slasheuse qui accumule les étiquettes. Dans une de ses nombreuses vies, elle vient de sortir le clip SWARD avec le rappeur Jorrdee. Comme c’était trop simple de poster la vidéo ici en ajoutant juste une petite bafouille, on en a profité pour lui poser quelques questions.

Tu es morte l’année dernière. Que se passe-t-il dans la vie d’après ?
Effectivement, j’avais déjà oublié. C’est comme dans Sliders, t’as une télécommande et tu slides de monde en monde, de vie en vie, certaines se ressemblent, d’autres sont étranges, différentes, t’es toujours toi, sauf si tu veux être quelqu’un d’autre… Enfin je ne peux pas rester longtemps j’ai rendez-vous avec un cheval qui vient de gagner une course.

MORTUAIRE

Est-ce que tu peux nous parler de ton titre SWARD en feat avec Jorrdee dont tu viens de sortir le clip ?
Une de mes plus belles rencontres, fluide, simple, évidente, liquide.

On m’avait fait découvrir un de ses tracks il y a environ un an, je n’avais rien trouvé d’autre, c’était assez mystérieux. Et frustrant.

Alors que j’étais en voyage à l’autre bout du monde, j’ai découvert qu’il venait de sortir une mixtape, d’une rare finesse, il m’évoquait un mélange de Gainsbourg, Doc Gynéco, Booba et Van Gogh. On s’est retrouvé sur Internet, Ô Internet, une nuit, celle avant le jour. On s’est échangé quelques mots et url, il a commencé à pianoter et m’a envoyé une prod dans la foulée, entêtante, soundtrack de cette nuit, on a continué à s’échanger des mots, puis à y ajouter nos textes respectifs, jusqu’à l’aube. Puis il a pris un train, je suis allée le chercher à la gare, en fourrure et gamos, on s’est étreints, enregistrés, posés, reconnus, échangés, mélangés, SWARD était fini.

Ensuite je l’ai clipé. J’ai réalisé, cadré, monté seule, mais toujours avec Jorrdee pas très loin.

On a passé un accord silencieux pour le faire ensemble du début jusqu’à la fin, en n’ayant aucune limite.

Es-tu plutôt obsédée ou seulement fascinée par « le sexe et la monnaie » ?
Ah maintenant que tu me poses la question… Peut-être.

Je ne suis pas obsédée juste obsessionnelle…

J’ai toujours considéré le sexe comme un langage universel, bien avant l’anglais ou la langue des signes.
C’est la langue que tout le monde parle, à tout âge, qui unit et réunit, parfois divise. Pour l’argent c’est pareil, avec encore d’autres enjeux.

Parfois l’une des deux langues est le sous-titre de l’autre, parfois tu parles les deux en même temps, de la même manière qu’au Liban on parle français-arabe-anglais dans une même phrase.

J’aime dire des choses dans ces langues-là, de façons différentes, les dessiner, les peindre, les susurrer parce qu’il me semble qu’elles touchent simultanément différentes parties du corps.

En jetant un œil à toutes tes créations, j’ai l’impression de te voir enfermée dans ta chambre depuis très longtemps, seulement éclairée par l’écran de ton ordi avec une connexion Internet. C’est plutôt une vision positive pour moi. Cependant, est-ce que tu t’y reconnais ?
Oui, c’est une des personnes qui me compose, mais la nuit. Seulement la nuit, les rideaux n’ont pas besoin d’être tirés, d’ailleurs ça fait un moment que je n’ai pas été elle, ça me manque, Internet <3. Mon ordinateur, immense écran, fenêtre géante, enfoncée sur une autre réalité, celle que tu peux plus facilement manier, manipuler, celle où presque tout est aboli, tout est possible en plus grand et plus brillant. Je l’aime mon ordinateur, je suis en relation avec lui depuis que je suis prépubère, mais comme je te disais plus tôt, en ce moment je ne passe pas trop de temps avec lui, je lui suis infidèle, il me manque un peu. C’est lui mon real thug love.

Si Booba lâchait Chris Macari et ses plans à la National Geographic, ça donnerait quoi si tu lui faisais un clip ?
Une sextape, un Disney, une saison complète de The Wire condensée en 3 minutes 20, un film de science-fiction à la Terry Gilliam où il serait un super-héros mi-aigle royal, mi-machine en or 24K qui défendrait et vengerait les peuples bafoués.

Voir même un ensemble cohérent de tout ça.

Mais rien qui ne ressemble à ce qui existe, c’est certain. Ces deux seuls clips, dans toute sa carrière, que j’aime vraiment, c’est Strass et Paillettes -mais ça commence à dater- et celui de Bakel City Gang. Il y a aussi la vidéo, faite comme le clip ALL IN réalisé par mon ami Mohamed Bourouissa qui illustre le morceau Foetus, en montrant la fabrication d’une monnaie à son effigie dans l’usine de la Monnaie de Paris qui fabrique habituellement les euros.

Est-ce que le porno est une source d’inspiration pour toi ?
Pas le porno à proprement parler, dans un premier temps c’est la « vraie » sexualité qui m’inspire, mes souvenirs, mes fantasmes, ceux de mes amis, de mes connaissances, les tiens… Puis il y a l’imagerie érotique, de la Renaissance à Tumblr, des statues grecques au porno gay en passant par George Michael et les pin-up des 50’s avec Bettie Page en #1.

tatouage-safia

Quand tu ne créées pas, tu regardes quoi comme porn ?
Je ne regarde pas de porno. Je baise, quand je dessine je baise, quand je tatoue, je baise, quand j’écris, chante, peins, photographie, photoshop, danse, édite, réalise, je baise, quand je lis, je me laisse baiser, et quand je ne fais pas tout ça, je baise. Parfois je fais l’amour, ça donne des masterpieces.

On te retrouvera où à la prochaine création ?
Un livre best of de mes photomontages, une expo à Paris, plusieurs sessions de tatouages prévues un peu partout dans le monde, une d’ailleurs dans un strip club à Atlanta… Grâce à cette interview, un clip de Booba…

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