Terry Richardson à Paris : le culte du cul

Partout où j’allais, des fanatiques me rappelaient que Jésus m’observait, que ceux qui ne vont pas à l’église sont condamnés à brûler en enfer, que les Dix Commandements sont bien réels et à prendre très au sérieux. Parallèlement, nous sommes cernés de sex-shops, de clubs de striptease et de pornographie.

Cette semaine, direction galerie Perrotin – 76 rue de Turenne, Paris 3ème – pour contempler les oeuvres atypiques du légendaire photographe Terry Richardson, dont le terrain de jeu ne se limite pas à Hugo Boss et Gucci. Légendaire puisque polémique (de par son joli surnom de “prédateur sexuel”) blacklisté et volontiers explicite dans ses démarches esthétiques, l’artiste moderne, suite à ses illustrations du star system (Kate Moss, Lindsay Lohan, Amy Winehouse, Miley Cyrus, Rihanna, Miranda Kerr), délivre avec cette énième virée folklorique des témoignages picturaux pour le moins désabusés sur l’industrie du sexe, et plus largement sur la mythologie contemporaine. Pas de moralisme pesant cependant chez Terry, seulement la purgation par l’humour noir, cette précieuse denrée.

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Intitulée à juste titre The Sacred and the Profane, cette expo, traversée de l’Ouest américain et de ses contradictions intrinsèques, met en parallèle le culte religieux et ce nouvel opium du peuple qu’est le sexe iconographié. En confrontant les slogans outranciers de la Sainte-Eglise (le quasi-parodique “Jesus is watching you”) aux devantures des vidéoclubs X, en entremêlant les slogans des deux camps jusqu’à l’ambigueté la plus totale, Richardson construit un discours ironique sur la croyance spirituelle. Soumission, symbolisme du corps, Passion, amour, dévotion, perdition, fanatisme, quête d’absolu (du tag parfait ?) transcendance, espoir et illusions, autant de thématiques qui ont autant leur place lors d’une messe que dans un cinéma porno. Quelle différence entre Hole et Holy, entre Faith et fesses, bras en l’air ou jambes écartées, messie et vessie, entre le porn  hardcore et le trash apocalyptique, entre les évangiles et le dirty talk, entre une croix et un sex toy ?

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En ces terres de l’image-choc où les mots se mélangent et se brouillent jusqu’au mysticisme, la brebis égarée est incessamment tiraillée entre les tapagesques Hustler en lettres capitales et les portraits grandeur nature du Christ. Mets-toi à genoux, ferme les yeux et mange, ceci est mon corps. Un environnement ultra publicitaire en somme, où le plaisir vendu par barquettes n’est jamais dépourvu d’appel hypocrite à la modération.

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Dans ce monde qu’il capture en images, Richardson, non sans causticité, ne perçoit que l’enfermement, la claustration, la culpabilité. Naviguant dans un territoire où se répondent sans cesse les slogans hyper-sexuels et les invocations divines, où le citoyen est convié au péché tout en étant destiné à la damnation éternelle, le chantre du porno chic démontre les paradoxes d’une société où le vice est à la fois une omniprésence panoramique et le vecteur des jugements arbitraires du puritanisme. Dans ce far west aux airs de Purgatoire, on se marre volontiers du fait que l’eau bénite a souvent des relents de mélasse salace. D’ailleurs, le clip de Wrecking Ball composé par Richardson himself n’a t-il pas tout de l’illumination céleste ? Question rhétorique, évidemment.

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Venez donc traîner vos guêtres, du mardi au samedi, de 11h à 19h. L’expo se tiendra jusqu’au 11 avril. Godes bless you.

Photos : © Terry Richardson / Claire Dorn (Galerie Perrotin)

 

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