Maud Bambou : “Avec le Festival du Film de Fesses, nous souhaitons remystifier le sexe”

Du 25 au 29 juin, le premier Festival du Film de Fesses transforme le Nouveau Latina en cabinet de curiosités. Créé par Maud Bambou, Anastasia Rachman et Antoine Héraly, cet événement unique en son genre s’adresse aux cinéphiles qui n’ont pas froid aux yeux. Il entend [re]définir l’érotisme à travers un discours libéré autour du sexe et de la sexualité, et de sa place dans l’art. Le cul peut-il être élégant ? Maud Bambou pense même qu’il est drôle.

D’où t’est venue l’idée du Festival du Film de Fesses ?
Le sexe est partout, mais mal placé. Je me rappelle d’un voyage en bus, au retour d’un festival de télévision, pendant lequel l’un des passagers n’avait pas réussi à capter l’attention de son auditoire en évoquant le super film qu’il venait de voir. En revanche, tout le monde l’avait écouté quand il avait expliqué qu’il venait de recoucher avec son ex ! Pourquoi se passionne-t-on tant pour la sexualité des autres ? Je m’interroge beaucoup sur l’aspect transgressif du sexe, à l’heure où tout semble à portée de main avec Internet.

L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie incarne bien cette réflexion : par exemple, pourquoi les plans sur les pénis ne me paraissent pas pornographiques ? J’ai donc eu envie de créer un événement où l’on pourrait réfléchir à la place de la sexualité dans nos vies et à ses représentations. Par ailleurs, j’avais le fantasme d’organiser un festival de nuit. Regarder des films après le coucher du soleil, puis aller faire la fête jusqu’au lever du jour !

Pourquoi ce nom ludique ?
On aurait pu l’appeler le Festival de l’Érotisme, mais ça sonnait trop années 80, trop éducatif, trop “on va vous apprendre le sexe et organiser des partouzes”. Le Festival du Film de Fesses incarnait mieux notre état d’esprit : réfléchir ensemble tout en rigolant. Nous souhaitons remystifier le sexe, l’aborder avec une forme de romantisme franc, de simplicité, de respect et d’humour.

A-t-il été difficile de trouver une salle pour accueillir le FFF ?
En fait, non. Les gens ont envie de parler d’érotisme. On a assez vite pensé au Nouveau Latina. L’équipe a été séduite car au final, c’est un genre un peu délaissé. Il n’y a jamais eu de rétrospective Jean-François Davy, alors qu’il a fait des films extraordinaires ! Par contre, si elle nous fait confiance, la co-directrice du Nouveau Latina, Virginie Mercier, veille à la qualité de sa communication. Il s’agit de maintenir l’équilibre entre légèreté et sérieux. Notre propos pourrait facilement être mal compris.

Comment le festival a-t-il été financé ?
On a lancé le projet en février dernier et, comme on a tous du travail à côté, il était impossible de s’occuper des demandes de subventions dans les temps.On a tout de même noué quelques partenariats intéressants, notamment avec les éditions La Musardine. Côté sponsoring, on a contacté Manix, qui n’a jamais donné suite… On a surtout des amis extras qui nous aident beaucoup.

Quels sont les grands rendez-vous du FFF ?
Il y aura à la fois une rétrospective, un panorama du cinéma érotique contemporain, une fête secrète le mercredi soir, une performance aux Souffleurs le jeudi, une conférence sur l’érotisme dans l’art au Lapin Blanc le samedi, une lecture au Jardin du Luxembourg et une rencontre avec le réalisateur Jean-François Davy le dimanche.

Et ton coup de cœur dans la programmation ?
Je peux en donner trois ? Q de Jean-François Davy met en scène un garagiste en faillite qui monte un bordel pour femmes. C’est très beau, très drôle et très cinématographique. Sinon Boro in the Box et Living still Life de Bertrand Mandico sera présenté en avant-première. Il s’agit du portrait fantasmé du cinéast e polonais Walerian Borowczyk. Là aussi, c’est magnifique et loin d’être prude. Enfin, j’aime beaucoup le court-métrage Taprobana de Gabriel Abrantes : l’histoire de Camões, un poète à la sexualité débridée, où se mêlent délires cochons et poésie.

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>> Découvrez le programme détaillé

Quelle est ta vision de l’industrie du X actuelle ?
Je regarde très peu de porno. Mais dans ce que je vois, la majorité des vidéos réduit le sexe au sexe, et je trouve ça pauvre. Au-delà d’un besoin, une rencontre sexuelle c’est une rencontre entre deux personnes, qui est plus forte qu’une simple pénétration anale ou vaginale ! Ce qui me fascine, c’est la complexité du désir et la volonté humaine d’être toujours comblé. Cette dimension m’excite bien plus qu’un gros plan sur un coup de bite.

Où se situe la frontière entre érotisme et pornographie ?
C’est une question dont on va débattre lors du festival. Jean-François Davy affirme qu’il n’y a pas de différence entre érotisme et pornographie. Cette idée me plaît, mais notre festival penche plutôt du côté de l’érotisme. J’aime qu’il y ait une histoire, un contexte, que ce soit poétique et stimulant. L’érotisme, pour moi, c’est ça, du sexe avec de l’esprit. La pornographie semble en manquer. Mais je suis demandeuse de conseils ! J’aimerais découvrir des films X qui excitent autant mon âme que mon clitoris.

Quel avenir pour le FFF ?
Nous avons d’excellents retours, ça donne vraiment envie de continuer. L’an prochain, on espère que les retombées presse nous auront aidés à convaincre des financeurs. Et dans un mois, le site “De la fesse” sera mis en ligne. Une partie sera réservée à l’actualité du festival, l’autre consistera en un patchwork d’extraits littéraires, de sextos, de photos, de réflexions sociologiques et philosophiques sur la sexualité. Pour nous, le FFF ne doit pas être qu’un événement ponctuel.

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  • Au final, un festival qui semble réalisé ce qu’il critique : tout sexualisé sans vraiment parler de sexe. C’est doux, c’est chic, un brin intello et libertin ; mais à aucun moment ne semble vouloir aborder des choses qui questionne le sexe dans sa marginalité.

  • La prog est vraiment pas mal pour une première (j’irai y faire un tour) mais ce discours sur le fait de parler de sexe sans le montrer, ça donne l’impression de revenir des décenies en arrière !
    J’espérais naïvement un reboot du Paris Porn Film Fest et suis assez triste de lire leurs interviews où ils réduisent le porn au gonzo, avec au mieux une certaine maladresse (comme la fille le dit, elle n’y connait rien…), au pire un certain mépris.

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