Philippe Katerine : Magnum

Ça fait déjà quatre ans qu’on chantonne « Bonjouw je suis la weine d’angletewe et je vous chie à la waie » et « J’aime tes fesses, pourquoi j’aime tes fesses, parce que j’aime tes fesses«  dans nos moments d’absence, notre inconscient à tout jamais prisonnier de ces morceaux excessifs et entêtants. Il a coulé pas mal d’eau sous les ponts depuis le dernier album éponyme du punk vendéen qu’on appelle Philippe Katerine. Il a eu deux enfants avec Julie Depardieu, par exemple. Ça vous change. On l’avait un peu perdu au fil de ses précédentes aventures picturales et plastiques ; aujourd’hui, il est enfin de retour dans la musique et dans le cinéma avec le diptyque Magnum, qui marque clairement une nouvelle étape dans sa carrière. Katerine a changé.

Le film commence fort : sans aucune explication, Katerine échappe de peu à la noyade et s’échoue sur une île déserte avec un flingue, un saxophone et un réfrigérateur rempli de glaces et de bouteilles de champagne. D’où Magnum. Au début, nu sous sa robe de chambre en soie et bourré, Katerine frétille sur le sable, heureux. Parfois il s’essouffle dans son saxophone multicolore, récoltant les applaudissements d’une foule immense et invisible, dissimulée dans la jungle de l’île. Bien vite, Katerine devient fou. Il flingue la lune et s’enfonce dans la végétation ; on ne vous racontera pas la suite, mais on peut vous garantir que Magnum est complètement imprévisible.

Magnum a été tourné en trois semaines entre la France et la Thaïlande. Pour mener son projet à bien, Katerine a fait appel à ses proches, à ses amis : Julie Depardieu et Arielle Dombasle sont là. Si vous suivez Katerine sur Facebook, vous savez que les fans ont eux aussi été invités à participer au tournage. Le film est entrecoupé de séquences d’animation hallucinatoires et volontairement douteuses ; Katerine grimpe jusqu’à la cime d’un arbre peuplé de créatures grotesques et inquiétantes, avant de trouver la vérité auprès d’un escargot. Debout sur un bâtonnet de glace, il file sur l’océan pendant que des pilons et des verres de whisky-coca tombent du ciel. Un paquebot de croisière navigue à l’intérieur de ce qui semble être un gigantesque côlon.

Les douze chansons de l’album Magnum sont clipées dans le film. On retrouve Sexy Cool, Efféminé et Patouseul, déjà disponibles sur YouTube depuis plusieurs mois, et l’on découvre le reste de l’album au fil des pérégrinations hallucinées de Katerine ; pour réaliser Magnum, le chanteur a fait appel à Gaëtan Chataigner, un metteur en scène qui s’était déjà occupé de plusieurs clips pour lui. L’album et le film suivent une progression identique : de la solitude enragée et du culte de la personnalité à la célébration du bonheur simple et partagé. Magnum est un diptyque habile et cohérent, mais pas forcément accessible ; si vous êtes déjà hermétique au style Philippe Katerine, vous allez vraisemblablement au devant d’une grosse frustration.

L’album Magnum a été produit par SebastiAn, qui a allègrement samplé ses disques de disco, de funk et de R&B à l’ancienne pour l’occasion. Saint-Tropez, The Controllers, Starpoint ; c’est violemment 80’s, ça scintille comme dans un vieux feuilleton, il y a des chœurs et des cuivres, de la reverb, des nappes de synthé au torse poilu. Pas vraiment le genre de son sur lequel on attend Katerine, qui ne se démonte pas pour autant et oscille comme à son habitude entre litanies dadaïstes entêtantes, fausse naïveté et vrai talent d’écriture. Il parle surtout des rapports humains, d’amour, des filles et du bonheur. Comme le film, l’album suit une progression très claire : il gonfle et atteint l’acmé avant de s’apaiser doucement, jusqu’à atteindre un dénouement simple et doux.

Katerine parle de sexe, encore et toujours. Il utilise le mot juste, quitte à être cru, mais l’époque grosse angoisse façon Marine Le Pen ou Excuse-moi est révolue : dans la chanson Miami, il parle de « [baiser] tous les après-midi » pour figurer l’insouciance et le bonheur. Dans Le Trouvère de Verdi, il compare les pleurs à l’éjaculation. « Vous êtes durs parce que vous êtes sensibles, vous êtes sensibles parce que vous êtes durs » répète-t-il sans relâche dans Sensibles, on ne vous fait pas l’affront d’expliciter. Dans le film, on retrouve son obsession de l’orifice – et plus particulièrement de l’anus – telle qu’il nous l’avait déjà montrée dans son journal graphique Doublez votre mémoire. Magnum, c’est ça : Katerine continue d’explorer les thèmes qui lui sont familiers, mais il a changé de regard.

katerine

Après la projection, Katerine nous a parlé de Magnum : « C’est très biographique. » Ça se sent. Le film et l’album semblent marquer une étape décisive, comme si Katerine avait enfin trouvé le bonheur et s’était trouvé désarmé par sa simplicité, son évidence. Magnum ressemble à un regard en arrière, à une longue expiration de soulagement après un périple difficile. Katerine est moins absurde, mais il est clairement plus heureux ; la famille qu’il forme avec Julie Depardieu et leurs deux enfants y est clairement pour quelque chose. Katerine a découvert le clan, le nous. Faire Tourner, l’outro de l’album, est un appel incantatoire au partage : « Ce que je sais, c’est je sais qu’il faut faire tourner » répète-t-il inlassablement, comme pour nous dire que c’est tout ce qu’il y a à savoir.

L’album Magnum sort le 7 avril et le film sera diffusé sur Canal+ le 12. Au cas où le message ne serait pas encore passé, on vous recommande très chaudement de vous jeter dessus. 

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  • Merci de l’info ! Je me jeterai sur le film dès que je pourrai.

    Et je confirme : Katerine arrive à lier (surtout dans son album de 2011) fausse naïveté, absurdité, plaisir simple, le toutt dans un vrai talent d’écriture. Talent qu’il cache sous un style faussement enfantin.
    Un génie des chansonnettes qui ont le coté marrant et défoulant des chansons connes, sans la superficialité.

    Je l’écoute encore quand j’ai besoin de me destresser et de redevenir un gosse (un gosse qui aime les fesses).

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