L’Oculus Rift ou la promesse d’une révolution

Dans un contexte morose, une crise qui n’en finit pas et cet état dépressif qui nous poursuit, rares sont les lueurs qui jaillissent et nous permettent d’y croire vraiment. Si notre lidido tient le coup, qu’en est-il du porno ? A force de naviguer à vue depuis plusieurs années, entre un contenu amateur excitant mais périssable et une industrie du porno qui patauge dans les suites à donner au business model du gratuit, on s’est retrouvés à bander par défaut, faute de véritables perspectives.

C’est parfois en ayant un pied au bord du précipice qu’une révélation nous tend la main. Une idée, une vision, qui au lieu de nous faire vaciller dans le vide construit une première marche vers le futur. C’est ainsi qu’un dimanche de janvier en provenance d’un automne sans fin où la grisaille n’en pouvait plus d’exister j’ai croisé la promesse d’une révolution sous la forme d’un masque noir.

Ainsi naquit l’Oculus Rift

palmer-luckey-oculus-rift-palmertech1

Palmer Luckey, nouveau héros

Cet objet c’est l’Oculus Rift, casque de réalité virtuelle qui a pointé le bout de ses lentilles en 2012. Une histoire récente et passionnante qu’Internet dans sa grande générosité nous a offert sur un plateau d’argent. Tout commence lorsque Palmer Luckey, 19 ans, jeune collectionneur de casques de réalité virtuelle et insatisfait par l’expérience de jeu proposée par ceux-ci, décide un beau matin de construire le sien. Une fois satisfait par son prototype assemblé à partir des autres casques de sa collection, il en parle sur le forum de MTBS3D spécialisé dans la réalité virtuelle où il est admin. C’est alors qu’un certain John Carmack (développeur de Doom, Wolfenstein 3D et Quake) qui passait sa souris par là, repère son projet, le contacte et décide de développer rapidement une version de Quake 3 adaptée au prototype. Puis en vante les mérites lors de l’E3 2012.

« Ce que j’ai entre les mains, est, honnêtement la meilleure démo de réalité virtuelle que le monde n’a jamais vu »
John Carmack, id Software

« Je pense que ça va être la façon la plus cool de jouer aux jeux vidéo dans le futur. Ça va être juste aussi… énorme que ça »
David Helgason, patron d’Unity

L’excitation autour du projet est telle qu’un kickstarter lancé en 2012 et censé rapporter 250k$ pour développer la première version de l’appareil en rapporte dix fois plus et pousse John Carmack à lâcher son taf pour se consacrer avec Palmer Luckey entièrement à l’entreprise Oculus VR tout juste créée. En avril 2013, le kit développeur est disponible pour la modique somme de 300$. En décembre 2013, la société a déjà levé 91 millions de $ et distribué 40 000 kits. Le 15 janvier 2014, lors du CES 2014, est présentée l’Oculus Crystal Cove, la nouvelle version du prototype. La première commercialisation est attendue pour la fin de l’année 2014.

Les casques de réalité virtuelle ce n’est pas vraiment une nouveauté, les plus vieux d’entre vous se rappellent peut-être de la fête de l’internet et de ces publicités pour le casque VFX1 qui nous faisaient pas mal fantasmer, bien que leur réalité virtuelle s’arrêtait à avoir un écran horrible à 5 cm de la tronche et choper un mal de crâne digne des plus belles ramasses. Toujours est-il qu’entre la moitié des 90s et maintenant, faute de marché et de limites techniques, les casques de réalité virtuelle sont restés au placard des bonnes idées.

Mais avec son champ de vision large (110°), ses trois (et maintenant six) axes de mouvement et la volonté de réduire au maximum le délai entre le mouvement de la tête et l’émission d’un photon sur l’écran (qui provoque la cinétose), l’Oculus Rift se démarque de ses anciens camarades par le désir de rendre l’expérience virtuelle la plus proche de notre réalité, c’est-à-dire la plus immersive possible.

Immersion et monde parallèle

La première fois que j’ai entendu parler de l’Oculus Rift c’était à l’automne dernier, quand un petit malin a relié un Oculus Rift à un Tenga lui-même attaché à un Novint Falcon (accessoire de retour de force), pour fapper sans les mains dans un Eroge. N’étant pas vraiment un gamer, j’ai rangé ça au rayon des curiosités en saluant le fait que les trois grosses industries du divertissement pour adulte : le porno, les sextoys et les jeux vidéo devraient rapidement s’allier pour créer une machine à orgasme s’ils voulaient conquérir un nouveau marché, mais j’étais loin de m’imaginer que l’Oculus possédait un potentiel si puissant.

https://vimeo.com/71011267

La seconde fois c’était donc début janvier, quand Sylvain Paley, internaute et voyageur du temps, se retrouva chez lui avec la bête entre les mains. Curieux d’approcher une nouveauté qui ressemblait au futur en 1995 – celui qu’imaginait le film Strange Days pour le passage vers le nouveau millénaire, ou dans eXistenZ – je me retrouvais un dimanche grisâtre avec quelques autres badauds, à tester pour la première fois ce curieux engin.

Encore au stade de développement, il existe pour le moment sur le marché essentiellement des démos et des bouts de jeu développés par des types dans leur grenier pour tester les capacités de la machine (ainsi que quelques jeux entiers portés pour s’adapter à l’Oculus, Half Life 2 par exemple). Une des démos les plus spectaculaires est le Rift Coaster 3D qui n’est rien d’autre qu’un petit tour de grand huit. Une fois l’Oculus sur la tête, l’immersion est immédiate puisque vous n’avez plus de notion de l’environnement naturel que vous aviez auparavant, si bien que si vous tournez votre tête vers le bas, vous voyez le sol qui s’éloigne pendant que vous montez sur votre wagon, à droite pareil, en haut, en bas… Physiquement vous restez les deux pieds sur Terre, mais votre cerveau troublé pense qu’il est vraiment dans le wagon d’un grand huit en partance pour le sommet avant son inexorable chute en avant.

Si on se tient debout, difficile de ne pas avoir le vertige, c’est impressionnant, autant pour celui qui en fait l’expérience que pour les spectateurs qui voient un type pousser des petits cris avec seulement un casque sur la tête. Il se passe quelque chose qu’on pensait cantonner à l’utopie, c’est d’avoir des sensations physiques juste avec les yeux. C’est ça le principe de l’immersion, tromper le cerveau et l’amener dans une autre dimension. Cette fois-ci, pas avec une machine qui coûte un bras, mais en visant directement le grand public.

Il existe tout un paquet d’autres démos, plus ou moins réussies, on va de la dérive contemplative aux jeux d’horreur en passant par des mondes ouverts à explorer (en volant, en sautant…). Bien sûr le monde de l’adulte a fait une entrée, mais très timide pour le moment. Il n’existe que quelques jeux pétés, des champions du porn interactif en train d’intégrer la technologie et un peu de contenu chez OculusRealPorn.

girl_oculus

Nous sommes au début d’une nouvelle ère, un futur qui n’a jamais été aussi proche, celui dont on rêvait quand on était gosse, de pouvoir se balader dans un nouveau monde et d’oublier notre corps, notre environnement, notre quotidien. Mais en attendant que l’industrie du jeu vidéo investisse des centaines de millions et que celle du porn comprenne les enjeux d’une telle avancée technologique pour se sortir du bourbier, imaginons les applications possibles pour le porno. Prospective qui nous amène pas très loin, c’est-à-dire demain à l’échelle du temps moderne.

Maintenant tu peux tourner la page, vers le futur

L’expérience porno immersive

Si pour le moment l’expérience que propose l’Oculus Rift dans sa version kit développeur (DK1) possède d’énormes défauts (mal de mer, qualité d’écran dégueulasse, temps de latence encore significatif), les sensations éprouvées lors des tests restent tout de même spectaculaires. Le cerveau est bluffé, le corps se demande ce qu’il doit faire (autant une qualité qu’un défaut) et globalement on sort de là en se demandant si notre réalité (la “vraie”) n’est pas finalement qu’une réalité simulée. Sensation étrange pour ceux qui ont peur de devenir schizophrènes, frisson de l’interdit pour ceux qui n’ont rien contre la drogue, nouvelle expérience de jeu pour les autres.

memeoculus

Une des particularités du porno est de pouvoir jouer avec la réalité pour proposer une expérience sexuelle par procuration ou substitution, cette industrie a donc tout a gagner à investir dans cette technologie dont l’atout numéro un est l’immersion. Même si pour moment la vidéo n’est pas la technique la plus facilement transposable vers l’Oculus Rift contrairement aux jeux vidéo et aux environnements virtuels (dont la gestion de la 3D est bien plus simple à mettre en place), la vidéo et donc le porno pourrait bien à moyen terme y trouver une application. Il existe d’ores et déjà des caméras qui filment à 360° (mais sans 3D, ce qui rend l’immersion moins intéressante), des essais ont déjà commencé pour le porno et on annonce un premier film (mainstream) tourné en 3D à 360°. La rencontre de ces mondes n’est donc qu’une question de patience.

Il est difficilement envisageable de pouvoir un jour se déplacer librement à l’intérieur d’une vidéo, nous sommes toujours condamnés à suivre le déplacement de la caméra, mais pouvoir orienter son champ de vision à 360° devrait rendre l’expérience porno beaucoup plus intégrante par rapport à la 3D actuelle, même la meilleure du marché. L’idée d’amener la 3D dans un environnement vidéo à 360° pourrait faire exploser les frontières du POV, si chère aux fappeurs.

Le porno a toujours fantasmé de pouvoir sortir de l’écran, d’être sur nos genoux. Stagliano en embarquant sa caméra sous les culs a inventé le style POV et a amené un nouveau champ visuel, la 3D (dans les 70s puis dans les 00s) tente d’amener les sujets près de nous mais se heurte à des problèmes techniques (et d’équipement des foyers), l’hologramme pourrait y parvenir un jour mais pas sûr qu’on soit encore là pour en témoigner. N’est-il pas plus simple d’entrer dans l’écran que de le faire jaillir ? C’est en tout cas l’espoir qu’on porte dans l’Oculus Rift quand la technologie sera aboutie, c’est à dire quand elle pourra gérer la 4K avec une production 3D de qualité.

Applications possibles : POV, soumission (imaginez Maitresse Madeline qui vous attache et vous colle son cul à 2 cm du visage), strip-tease, porn interactif. Globalement, toute production qui implique le spectacteur.

Dans la peau d’un voyeur

virtual_sssh010

Mettons de côté la vidéo et revenons à ce que propose déjà l’Oculus : l’immersion dans des mondes virtuels. Il existe une démo assez simple d’un appartement modélisé qui ne propose rien d’autre (pour le moment) que le fait de pouvoir l’explorer librement. Plutôt bien foutue, elle suffit à imaginer l’application qu’on pourrait en faire dans le porn. Il faut savoir penser au-delà des tags et réfléchir à ce que cherche concrètement un fappeur quand il lance un porn. Veut-il être acteur, spectateur ou voyeur ? Cherche-t-il à être en danger, rassuré ou frustré ? Si on oriente notre curseur des fantasmes vers le fait d’être voyeur, alors l’industrie du porn pourrait très rapidement y trouver une application concrète.

Imaginons le même appartement mais qui serait alors le théâtre d’une orgie d’humains modélisés ou de créatures imaginaires. On pourrait facilement se déplacer à l’intérieur, se rapprocher, scruter les corps, observer sans prendre le risque d’être vu. Un voyeur numérique ne cherche pas d’interaction, il se pose là, omniscient dans cet univers virtuel, pour se rincer l’oeil ou s’exciter. On pourrait aussi imaginer le même traitement dans un monde ouvert à explorer, où on irait chercher les recoins sales à observer selon nos désirs.

Applications possibles : The Upper Floor en 3D, visite virtuelle de lieux dédiés au libertinage, soumission et immersion (femmes géantes, mondes ouverts à explorer…)

Second Life du porn

Si on pense monde virtuel et interactions, on pense évidemment à Second Life puis à Redlight District ou Kink Virtual mais l’intégration dans ces mondes virtuels pour le joueur lambda est souvent limitée à cause de la distance physique entre notre moi et notre moi virtuel. L’immersion complète procurée par l’Oculus règle alors ce problème, on ne regarde plus notre avatar, on devient physiquement notre avatar. Suffit alors de connecter les différents Oculus à un réseau, de s’y connecter, et de récréer une double vie sexuelle numérique.

Applications possibles : Kink Virtual, une nouvelle vie pour Second Life, des réseaux communautaires comme Fetlife.

Sexe augmenté : le Disneyland du Fap

VR_VStroker

Voici enfin la grande aventure qu’on attendait tous, la collusion entre les trois mastodontes de l’entertainment pour adultes : l’industrie du sextoy, des jeux vidéo et du porno, enfin réunis pour proposer ce qui ne se piratera jamais : un rapport sexuel virtuel mais avec toute l’excentricité et le terrain infini des fantasmes que peut apporter le porno.

Il existe déjà du sexe interactif dont on est le héros, même relié avec un sextoy qui devrait également intégrer prochainement l’Oculus Rift dans sa version 3D – mais on attend enfin le grand choc des titans qui nous amènera à une vie sexuelle virtuelle et totale. Sextoys connectés qui réagissent à l’image, immersion dans la scène avec le casque, une production qui nous regarde droit dans les yeux et nous, emportés dans le tourbillon des sensations, scotchés au siège à jouir comme dans un jeu, à jouir comme si on y était, à s’en mettre partout sur nos sièges vibrants comme à Disneyland.

On peut aussi imaginer le reste des applications citées plus haut s’intégrer aux sextoys connectés, que ce soit seul devant un ordi ou à plusieurs à travers un univers virtuel. Tout dépendra de l’expérience qu’on souhaitera intégrer. On parle de plus en plus de robots sexuels mais avant d’arriver à faire l’amour avec une machine, le chemin le plus court et le plus lucratif (pour les producteurs de contenus) reste celui du service sexuel augmenté, multi-connecté avec la connivence des futurs alliés de l’entertainment. Un futur aussi terrifiant qu’excitant.

Applications possibles : toutes celles citées précédemment et donc le porno et le sexe virtuel dans sa globalité. La promesse d’une révolution sexuelle.

Un point de non-retour

oculus-small

Sans vouloir surjouer l’excitation, l’Oculus Rift a clairement ouvert une grosse brèche dans les capacités immersives de l’image. Il suffit de regarder l’enthousiasme et l’accueil qu’a reçu le casque qui n’est – encore une fois – qu’au stade de développement, autant dans l’industrie du jeu que chez les gamers, pour s’en convaincre. Cette avancée amène déjà de nombreux questionnements sur notre présence sur Terre, sur l’utilité des rapports humains, on peut rapidement imaginer que cette réalité virtuelle amènera ses détracteurs et ses défenseurs, que certains en l’envisageant comme une drogue développeront une dépendance, que d’autres préféreront notre réalité.

Si le porno peine à se renouveler, à trouver un nouveau business model, il ferait bien de se pencher rapidement sur le cas de la réalité virtuelle et de s’allier avec les autres acteurs de l’entertainment pour y tirer profit. Nous sommes à l’aube d’une révolution, celle du sexe virtuel réaliste où les sensations ne se limitent plus qu’à des vains plaisirs visuels mais bien à une imbrication du corps et du cerveau dans l’espace virtuel. Palmer ne parle déjà plus d’immersion mais bien de présence, l’utopie dangereuse mais excitante proposée dans Strange Days n’est plus un fantasme intouchable, elle arrive enfin.

« Have you ever jacked in? Have you ever wire tripped? No? A virgin brain. Well, we’re gonna start you off right. This isn’t like « TV only better », this is life. Yeah, this is a piece of somebody’s life. Pure and uncut, straight from the cerebral cortex. You’re there! You’re doing it, seeing it, hearing-hearing it. You’re feeling it. » — Strange Days.

Difficile de prédire concrètement quel producteur ou quel fabricant saura adapter au mieux son offre et réussira à créer un produit spécialement conçu pour l’immersion porno, mais une chose est sûre, depuis cette première rencontre un triste dimanche de janvier, je n’ai jamais été aussi excité que par demain.

Aucun commentaire. Laisser un commentaire

  • Merci pour ce super article !

    Je savais qu’en étant patient nous aurions un jour la possibilité d’avoir du sexe virtuel. Et ce n’est que les prémices…

    Quoi de plus excitant que d’avoir chez soi une machine à fantasmes.

    Il va falloir être fort mentalement pour ne pas devenir addict.

    Congrat pour le travail que vous faites tous.

    Take care

Laisser un commentaire