Entretien avec l’abcdrduson : sexe, pouvoir et biftons

Gonzo – Si on avait des billets d’un euro, est-ce qu’on aurait autant de clubs de strip-tease qu’à Miami pour pouvoir y lancer des grosses liasses ?

Nico – La grosse différence, c’est que le rappeur français est fauché. Sinon il ferait ça, mais pas en France. Il irait en Bulgarie.

Gonzo – Au-delà de ça, il n’y a pas vraiment de culture du strip en France, ni dans le rap – c’est assez étonnant.
Mehdi – Non, pas du tout ! Mais ce qui est marrant, c’est qu’aux States il y en a une qui est immense et dans le sud des Etats-Unis, les strip clubs sont des baromètres de la qualité d’un tube. Là-bas, ils ont toujours été assez lents et cette lenteur permet à la meuf de bien danser. Les thèmes ont donc été vachement ralentis pour ça. C’est, entre autres, une influence du strip club, mais ça n’impacte pas pour nous parce que ça n’existe pas ici.

Nico – Ça me fait penser qu’il y a deux ans de ça, j’ai fait une interview de Big K.R.I.T. où le mec expliquait qu’il avait commencé à exposer ses morceaux dans des clubs de strip. Pourquoi ? Parce que c’était une sorte de scène alternative à laquelle il avait accès, dans laquelle il avait un public, et du coup il y testait ses morceaux. Ça fait complètement partie de la culture rap, c’est comme si tu faisais une scène dans une MJC quoi. C’est pas le même public par contre.

Mehdi – Alors qu’en France, les trucs de strip, c’est quand tu vas au Penthouse pour l’anniversaire de ton pote et tu te ruines la gueule.

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Guilhem – A Austin ou Los Angeles, les jeunes y vont tous parce que c’est là que tu peux te bourrer le moins cher.
Mehdi – Ouais voilà, y’a pas du tout ce côté un peu malsain. C’est pas la Thaïlande…

Nico – Ça fait deux-trois ans que j’ai l’idée et l’envie de faire une vidéo ou des photos de rappeurs français dans un strip club. J’ai toujours pas trouvé avec qui je pouvais faire ça. Je me dis que ça collera jamais quoi. Il y en a peut-être quelques-uns…

Gonzo – Booba, Kaaris ou des mecs comme ça, non ?
Nico – Ouais, peut-être, à la limite…mais il y en a finalement très peu parce que c’est pas naturel, ils ont pas envie d’être associés à ça. Tu vas pas amener IAM dans un strip club…

Gonzo – J’ai toujours été marqué par le manque de sensualité dans les prods françaises par rapport aux Etats-Unis, où il y a vraiment une sensualité, une sexualité, une envie de se coller à une fille dans la musique. A mon sens, la France manque terriblement de groove.
Medhi – Je suis pas anti-Français hein mais…je pense que globalement dans la musique française, hormis sur la scène électronique… on n’a jamais été très bons. Historiquement c’est quand même la chanson à texte et c’est pas dans la sensualité qu’elle va puiser sa force, ni dans le divertissement, ni dans plein de choses comme ça. Et du coup, ça se retrouve dans le rap français où la musique a été tout simplement secondaire. C’est d’abord les textes et ce que tu vas dire. Très peu de gens ont cherché à avoir des prods innovantes.

Nico – Je mettrais juste une nuance à ça, pour moi la musique populaire française – effectivement, est un peu naze et dénuée de sensualité. Après, quand tu prends un peu de recul et que tu remontes les années, il y a plein d’artistes français dont on vante la sensualité. L’autre jour il y avait le concert de Deltron, avec Dan The Automator, producteur assez fabuleux qui est un énorme fan de Serge Gainsbourg. On en a parlé longuement avant, quand il a fait Lovage dont la pochette elle-même est inspirée d’une photo de Gainsbourg. Le mec me calait plus que n’importe qui. C’était fascinant.

Gonzo – Les rappeurs français ne se sont pas trop inspirés de Gainsbourg, ils devraient rythmiquement pourtant. Sur Requiem pour un con par exemple, il se pose de manière chirurgicale.

Nico – Aelpeacha l’a repris, il a fait Requiem pour un keuf ! Aelpeacha est sensuel pour le coup. Ce que je voulais apporter, c’est que le rappeur français lambda est pas d’une sensualité absolue, loin de là. Par contre dans la musique française on a des contre-exemples, des choses qui sont aussi vantées à l’étranger.

Gonzo – C’est aussi un autre cliché, mais si on est en voiture avec une fille et qu’on écoute du rap français de base, c’est pas évident pour pécho !
Mehdi – Je vais aller plus loin que toi, si ma meuf était fan de rap français, je pense que ça me poserait un vrai souci. Et ce constat-là me dérange parce que je me dis que c’est abusé et en même temps ça correspond à ce que tu décris…le rap français, je lui trouve plein de qualités, j’en écoute beaucoup, mais s’il y a bien un truc dont il manque c’est de sensualité. T’as pas envie de te rapprocher d’une meuf en écoutant du rap français, hormis quelques morceaux qui peuvent exister.

Nico – C’est fabuleux d’avoir une meuf qui n’aime pas le rap. Je préfère encore ça à une meuf qui soit complètement baisée au rap et qui me dise « Ho c’est génial, il a passé ça et ça ! » On s’en fout, t’es pas obligée d’aimer le rap, c’est pas grave ! Au contraire, si tu comprends pas je préfère encore que tu ne me dises rien plutôt que tu ne me dises « Ha ouais, il y a un message social derrière le rap, ces jeunes peuvent parler… » J’ai juste envie de me barrer !

Guilhem – Encore une fois, c’est l’inverse des Etats-Unis. J’ai plein de potes meufs qui écoutent du rap…
Mehdi – Mais ça revient aussi à ce que disait Stephen, le rap aux States a un côté sensuel, les meufs ont pas de problèmes pour danser là-dessus. Mais sur n’importe quoi, sur du Ja Rule ou sur du Chief Keef tu vois, parce que la musique s’y prête. J’aime beaucoup Niro, mais une meuf qui danse sur du Niro ça ne doit pas exister !

Nico – Je pense qu’il y a une espèce d’embarras à passer du rap français dans un club.

Mehdi – A part deux-trois rappeurs qui peuvent s’y prêter, mais c’est très rare.

Nico – Voilà. Sinon, globalement, le rap français c’est pas une musique festive. Evidemment il y a des exceptions…

Gonzo – Ou alors il y a un côté Patrick Sébastien…
Nico – Fatal Bazooka !

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Guilhem – Et sinon Liza Monet, vous en pensez quoi ?
Nico – Ça nous fait rire.

Mehdi – En terme de meufs récentes dans le rap je kiffe bien Shay, la meuf qui a rappé avec Booba. Bon, clairement c’était ghostwrité par lui, mais je trouvais qu’il y avait un côté un peu marrant et assez différent. Liza Monet…c’est un parcours intéressant. Elle a pas fait le centre de formation classique dans le rap.

Gonzo – Elle a fait celui de French Bukkake !
Mehdi – J’ai aucun problème avec une meuf qui vient du porno et qui découpe tu vois. Au contraire, c’est mortel. Mais bon…je trouve ce qu’elle fait très mauvais. C’est dommage, parce qu’à chaque fois que tu as des gens comme ça, qui sont un peu différents, ça reste des sortes de spécimens. C’est juste une posture qui va marcher sur deux-trois morceaux – mais tu n’auras jamais un bon album de Liza Monet, on le sait très bien. C’est comme quand, à l’époque, le rappeur D-Abuz, vu que sa carrière solo marchait pas vraiment, a essayé de créer un personnage : Ricardo Malone. Je trouvais ça mortel comme idée, ça aurait pu être super marrant ! Sauf que c’était qu’une posture…

Nico – Je pense que c’était pas la bonne époque aussi. Un peu au même moment il y avait une nana qui s’appelait Roll-K…

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Gonzo – Les affiches dans le métro qui disaient « Je m’en bats le clit ! » ?
Nico – Ouais ! Franchement je suis chef de projet marketing en maison de disques, je me dis que le concept est génial. Mais dans les faits, c’est justement que du marketing, il n’y a rien derrière… C’est vide.

Mehdi – C’est juste une transposition. Il n’y a pas de démarche un minimum sincère derrière. Si la meuf est sincère, qu’elle a fait du porno, qu’elle kiffe ça et qu’elle fait des morceaux dessus, moi ça me pose pas de problème. Le problème c’est que c’est souvent mal fait.

Guilhem – Dans le rap, les meufs font souvent des trucs de « mecs ». A part peut-être Nicki Minaj.
Nico – Oui. Après il y a Rah Digga qui rappait super bien. Mais après effectivement, il n’y a pas une once de féminité quoi.

Mehdi – Après des meufs qui rappent bien dans l’histoire il y en a eu quand même. Mais en revanche c’est vrai que des meufs qui rappaient bien et qui assumaient leur féminité y’en a un peu moins quoi. Mais parce que c’est un nouveau game je pense.

Nico – Regarde Lil’Kim.

Gonzo – Tu as vu ce qu’elle est devenue aussi ?
Nico – Ouais, c’est le bordel là.

Mehdi – Mais par contre Nicki Minaj pour moi c’est une des meilleurs rappeuses actuelles. J’aime pas forcément ce qu’elle fait, musicalement il y a des choses qui me dérangent, mais elle a fait un morceau qui s’appelle I Am Your Leader, avec Rick Ross et Cam’ron. Elle les explose, même sur le morceau Monster de Kanye. Kanye, qui a d’ailleurs dit récemment qu’il avait failli retirer le couplet de Nicki Minaj parce qu’il pensait que…

Nico – Qu’elle était trop forte !

Mehdi – Bon après, c’est Kanye… L’album était tellement grand, c’était tellement le plus grand album de tous les temps que du coup les gens allaient uniquement rester sur le couplet de Nicki Minaj et pas sur l’immensité de son disque. Ça veut dire plein de choses, ça veut dire qu’elle est extrêmement forte. Je suis pas fan d’elle, je suis pas fan de sa discographie mais en tant que rappeuse, elle couche n’importe qui.

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