Tribute me, I’m famous

Il existe sur certains tubes une mise en abyme saisissante ; un hommage rendu au support masturbatoire, à l’envers du décor, au personal branling dans sa forme la plus primaire. Il s’agit de se filmer en train de jouir, et de cette pratique improbable est née un tag magnifique, le moins excitant qu’on puisse inventer et qui prend une place toujours plus importante sur les tubes : le tag tribute.

Haut de ses 39 000 vidéos, ce tag s’élève dans les airs et grignote la stratosphère, il monte, il grandit, il repousse les limites, et nous tels des Felix Baumgartner du fap, nous allons plonger, respirer un bon coup et sauter dans le vide du haut de cette tour de Babel pour découvrir cet univers où l’hommage se conjugue à la première personne. YOLO !

Philippe Meste, plasticien visionnaire

Le tag tribute n’est pas une lubie récente, déjà en 1995 le plasticien français Philippe Meste jouissait sur des publicités dans sa série Aquarelle ; hommage artistique à l’image glacée comme support masturbatoire ; aux ados entourés de leurs stars accrochées aux murs qui nourrissaient leur imagination jusqu’à la grande éjaculation, physique ou mentale. Le sperme ou les roquettes qu’il propulse sont pour lui “des médiums de communication. Ce sont des médiums entre soi et son objectif, ou son désir” ; avec le sperme comme matériau, fruit du plaisir, finalité du cycle du désir.

Dans son autre oeuvre Miroir le support change, la cible est différente, il s’en expliquait ainsi : “En ce qui concerne les Miroirs, par exemple, la “cible“ devient infinie, futuro-active. Je trouve que cela reflète assez bien la situation actuelle.”

Aquarelle – Philippe Meste

Miroir – Philippe Meste

Peu probable que les amateurs du tag tribute pensent à Philippe Meste en lançant leurs petits missiles sur leurs cibles afin de dédicacer à leur manière leurs copines, mais plus à leur adolescence et aux pages collées des magazines, ces premiers supports masturbatoires qui embaumaient les chambres fermées à clé d’un doux parfum javellisé. Une pensée émue pour la Redoute, les 3 Suisses, New Look, les pages de pub pour les CD-Rom de charme et ces autres reliques du passé, nos faps vous sont dédiés, une minute de silence pour ces disparus. Amen.

Car si une grande majorité des mecs se finissent dans un mouchoir (ou un tenga), combien d’entre eux jouissent de la liberté de jouir dans les airs, de propulser leur semence sur eux, dans leur main, leur bouche, sur le rebord de la cuvette et pourquoi pas sur une feuille ou une tablette ? Tendre sperme, production éphémère du plaisir, on aimerait que tu sois plus souvent en sucre, on pourrait en faire des gâteaux.

Spéciale dédicace

Difficile de dire qui fut le premier à se lancer dans l’aventure de l’hommage, on se rappelle vaguement de tumblr qui montraient il y a quelques années des stars “spermées” (peintes…) à la manière de Philippe Meste, certains ont d’ailleurs continué leur quête vers la peinture parfaite [Tumblr disparu depuis, ndlr]. Nul doute que l’idée fut commune et qu’elle ne résulte de personne, mais surtout qu’elle fut le fruit de l’ennui : photographier ou filmer la création éphémère de son fap est le témoignage de l’imagination galopante des hommes quand ils sont seuls avec leur teub à la main. (Je peux témoigner là-dessus, mais mon père me lit alors on s’en passera)

Ce tag a fait sa première grande apparition sur les tubes gay-friendly comme Xtube et Xhamster au contenu moins hétéro-normé que Xvideos ou Youporn, qui renvoient à des compilations de porn stars oubliées, une autre forme de tribute qui n’est pas le vraiment sujet ici. Ne mélangeons pas les tags, c’est stressant.

Au début simple curiosité, le tribute (ou dédicace) a commencé à devenir envahissant, au point de le croiser à chaque déplacement, un peu comme un mec chelou qu’on voit souvent dans le quartier sans le connaître. Il pointe son petit nez quand on tape des tags obscurs, il se retrouve en homepage, te fait un petit coucou du bout de son gland après une suggestion malheureuse. Il est là, ce mauvais fappeur, gênant mais inoffensif.

Tribute band ? I can’t fap on this

Souvent classé dans la catégorie fourre-tout “men” – qu’il s’agit de dissocier du terme gay (on est plus dans l’exhib, le tag homemade y est maître, de plus beaucoup sont rangés dans gay alors qu’ils honorent des femmes…) – il côtoie ses copains qui s’enfoncent des objets de plus ou moins grande taille dans le boule, les masturbateurs solitaires, les aventuriers de la prostate et les exhibitionnistes en mal de sensations fortes. Bien que ces vidéos aient toujours existé, elles prennent de l’ampleur à mesure que les tubes deviennent sociaux. Fini le temps où on uploadait sa petite vidéo de performance anale dans l’anonymat le plus complet (avant de récolter les foudres des fappeurs), place maintenant aux profils, au partage, au wall, aux messages privés, aux stars des tubes et à leur communauté.

Notez qu’aucune fille ne rend hommage à nos bites dans un déluge de squirt, et c’est fort dommage même si je doute que cela soit finalement excitant. Enfin, vous pouvez toujours imaginer la scène en tapant “squirting” et “solo” (ou “cam”).

Tribute me, I’m famous

Le tag tribute est plus qu’une dédicace narcissique à sa propre bite ou un hommage involontaire à la mise en abyme de son action, il est avant tout une preuve d’amour et de respect envers l’autre. Car si le tributeur (inventons des mots) se plaît à jouir sur des porn stars, des chattes anonymes, ou des souvenirs de plans culs, il est également là pour rendre hommage au narcissisme des autres — les dédicacer.  C’est ainsi qu’est née l’expression “tribute me” ou “tribute on my…” lâchée sur les walls de ces stars dont on ne connaît que l’unique (belle) teub.

Poke

Le sperme devient offrande, preuve d’amour, plus fort qu’un RT ou un fav sur Twitter, il est la preuve que oui, Sonia, homme ou femme du Kansas – on ne sait pas très bien qui tu es (les faux profils sont légion) -, ton image est suffisamment excitante pour satisfaire un homme qui tenant son portable d’un main, sa bite de l’autre, exécute dans un temps record de moins de deux minutes un power fap nonchalant qui fera luire le sperme au hasard de sa chute, sur ta joue, tes cheveux ou hors cadre (tristesse). Héros du porn moderne, tributeur, tu jouis sur des visages de personnes qui vont jouir de ton acte, enfin peut-être, on n’ose y croire mais il semble que ce soit le but de ces hommages.

L’onanisme comme bannière triomphante

Sorti de l’anonymat par sa prolifération et non par son audience souvent rikiki, le tributeur est un soldat, il jouit sur tout, il a le coeur sur la bite, et la bite sur la main. Poupée russe du fap, mème infernal, il est le miroir de notre masturbation, sauf qu’il en est suffisamment fier pour se filmer et nous offrir le résultat de son acte solitaire en vidéos, certainement les moins excitantes que les tubes aient pu produire. Un bon fappeur peut donner un mauvais fappeur, on s’approche ainsi progressivement du porn quantique et de cette solitude glorifiée jaillit d’immenses questions, dont la première est sans doute un grand : pourquoi ?

Seul sur le sable, les yeux dans l’eau…

Performance physique ? artistique ? Témoignage de sa capacité à se concentrer sur n’importe quel support, hommage sincère ? Ennui profond ? Le tag tribute est un curieux petit îlot qui aimerait se rattacher à la rive du grand porn. Il est la solitude glorifiée dans l’espace infini d’internet, cette mise en abyme à deux coups de poignet d’un immense trou noir.

Creep show, freak show, cum show, cam show… on ne sait plus très bien sur quel tag danser, mais à notre tour de proposer des nouveaux supports sur lesquels jouir, des amis, des ennemis, Jean-François Copé, des défis à relever, des fap impossibles, improbables. Soldat du sperme, lève-toi et pars au combat, des millions d’orgasmes t’attendent. Go-Pro sur la tronche, surf des litres de sperme sur des kilomètres de papier ou des milliers d’écrans, le tag tribute est ton territoire, ta liberté. Passe à travers les pouces rouges (qui sont souvent des étoiles), rebondis sur les coms, sors ta teub, fap un grand coup dans l’immensité des possibles, balance la sauce mon petit bonhomme, vise bien haut, sky is the limit — que jaillisse la lumière !

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