Rammstein bourre Bercy

Ceux qui me connaissent savent que j’ai le cœur sur la main. Ils savent aussi que j’ai deux chambres de libre dans mon appart, alors quand un pote m’annonce qu’il va devoir revendre sa place pour le concert best-of de Rammstein au POPB car il a peur de rater son train de banlieue, je lui propose évidemment de venir dormir chez moi pour qu’il ne loupe pas cette occase.

Rammstein, la franche Kamaraderie

Je commence par me moquer gentiment de lui. Rammstein dans l’inconscient collectif, ça reste un quand même un peu limite. L’âpreté de la langue allemande, les rythmiques martiales, l’homo érotisme kitsch, les Indochine du metal contemporain. Au-delà de l’image sulfureuse du groupe, toute relative,  je suis dubitatif quant à l’intérêt que ces Teutons peuvent encore susciter. À ce moment-là,  j’avais juste oublié qu’à une époque, moi aussi j’aimais bien ce groupe. Je l’ai aimé comme on peut aimer une séance de fap sur des vidéos d’Elodie Chérie ou comme le McDo du dimanche soir, des trucs qui puent la défaite mais qui font tellement de bien, et ce malgré la culpabilité engendrée. Un oubli qui confine au déni. Celui du plaisir coupable.

Je m’appelle Karl, je suis un expert

J’arrête donc de le charrier et je glisse doucement vers la nostalgie. Je retrouve mes compacts disques qui ont depuis longtemps d’autres usages que celui d’égayer mes oreilles abîmées par trop de saturation. J’enlève les miettes de tabac et d’autres substances bizarres du revers de la main, je sors le skeud (« Herzeleid » et sa pochette lolesque pour commencer), l’enfourne dans mon simili ghettoblaster. Là où je vais, on n’a pas besoin d’autobahn, juste d’un bon sens de l’humour et d’une certaine connaissance de la langue de Goethe. Une cure de Rammstein, voilà ce qui m’attendait pour les jours qui allaient suivre. L’intégralité de leur discographie y est passée, + une soirée à gober sur leurs performances live. J’avais oublié à quel point ce que proposaient les Est-Allemands était hors-norme. Musicalement, je reste abasourdi par l’efficacité de compositions aussi pauvres et caricaturales, quant au show, à mi-chemin entre la performance S/M, le cirque Pinder et l’éruption du Vésuve, ça touche au divin. Un mauvais goût tellement assumé qu’il en devient preuve de sincérité. Bilan de cette aventure proustienne : Il faut que je vois ça IN REAL LIFE !

Bitch Boyz

Les deux concerts à Bercy sont sold-out, pas de problème, un tour sur le deep web et je chope une place. Rammstein, ça suinte les tags interdits. Ca fera toujours un papier pour le site, tâché de sang, de sueur et de sperme.

Le 3ème sexe

Bercy est prêt à exploser, jamais je n’ai vu une telle affluence, ça fleure bon les squats berlinois, les crêtes, le cuir. Des styles improbables qui confinent parfois au freak show. On se croirait dans un salon du tatouage et du piercing slovaque. Quelques bouts de nichons proposés par les moins frileuses. Esthétique choc mais pas chic, à l’image du groupe. Malgré les vidéos dantesques, je suis encore dubitatif. Les feux d’artifice m’ont toujours blasé, petit moment de doute vu que j’ai besoin d’un peu plus que ça pour kiffer, surtout que je suis à peine bourré… Les Teutons vont me rassurer d’emblée. Mise en scène millimétrée pour leur arrivée en scène. Ils viennent des tribunes, portent l’étendard français pour flatter une de leurs plus grosses fanbases au monde. Tout ça est très solennel. Les infrastructures du POPB ont rarement été aussi bien exploitées. Dès les premières notes de « Sonne »,  les enfers se déchaînent. Les Teutons sont de grands enfants qui aiment jouer avec le feu. On va être servi. Apocalypse maintenant.

Des noobs en quasi asphyxie refluent de façon continue vers le fond de la salle tout au long du concert. Entre les pogos et les flammes qui jaillissent à intervalles réguliers, j’ai l’impression de voir la fosse bouillir. Sur « Mein Teil », dédié à leur concitoyen Armin Meiwes, cannibale gastronome devant l’éternel dont la spécialité d’un soir fut le pénis de son amant (consentant), aillé et frit à la poêle, Till Lindemann, chanteur ultra expressif au physique de catcheur sensible et sosie de Karl Hungus, revet un costume de boucher et balance sa panoplie de grimaces. Ça flambe de partout.

Le temps de 3 morceaux, la passerelle descend, le groupe passe de la scène principal à un espace très restreint au milieu de la foule pour gratifier ceux qui comme moi avaient préféré écluser des pintes de rousses tout en sachant pertinemment qu’ils allaient être en retard (aka avoir une place de merde). C’est tenus en laisse qu’ils rejoignent cette estrade. Ambiance cuir et S/M sur « Bück dich » (baisse toi), un classique, le chanteur vient soumettre les autres membres du groupe, sort sa fausse teub et envoie la purée dans le public. Rammstein, plus fort que GGG ? Non, car on reste soft et puis ça va faire 15 ans qu’on y a le droit à cette séance de zizi bâton, on s’habitue mais c’est comme les 42 volumes de Dragon Ball, on finit toujours par se farcir l’intégral comme au premier jour. Après la violence vient l’amour, « Mann gegen Mann » puis « Ohne dich », deux hymnes aux embrassades viriles viennent conclure cet aparté intimiste.

Les paillettes sont de sortie pour le 1er rappel. D’immenses turbines mises en valeur par un travail d’éclairage hallucinant d’efficacité viennent s’ajouter au décor industriel qui sied si bien au groupe. On se croirait dans la banlieue de Liège, mais en plus propre et sans l’odeur de coke brulé des hauts fourneaux, Dieu merci. Là c’est plus la sueur qui domine.

On atteint le summum sur « Pussy », peut-être le morceau le plus basique (qui a dit banal ?) de la discographie de Rammstein. Le clip avait défrayé la chronique, on y voyait les membres du groupes (ou du moins leur doublure) en pleine fornication, pas étonnant, le refrain de la chanson en dit long sur la thématique abordée :

You’ve got a pussy
I got a dick
so what’s the problem
let’s do it quick 

Démerde toi avec ça et touche de près le WTF suprême, Till enfourche un canon à mousse maquillé en bite géante pour l’occasion et envoie le jizz. C’est le bukkake de l’extrême, la fosse en redemande, on n’est plus à Paris mais dans le cerveau malade d’un Japonais obscène. À califourchon sur son tromblon à semence monté sur rail, Till éructe, les fans aussi. C’est la fête au (Bercy) village.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=nMWGVn7A_Z4[/youtube]

Große rigolade

Craquage total. Je commence à craindre que ce show se termine sur une note aussi triviale. Le groupe reviendra finalement toutes lights allumées  pour nous offrir un « Frühling in Paris » très émouvant, chanson mineure (mais à-propos vu la situation) du dernier album où l’on nous gratifie de quelques lignes en français.

Non, rien de rien, non je ne regrette rien, car il n’existe pas de plaisir coupable, juste du love. Liebe ist für alle da.

 

(Crédits photos live: Thomas Fritz)

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