Quickies in New York

La lecture est le meilleur des aphrodisiaques. Bien avant les images, avant les films, les tubes, les webcam, bien avant Internet, l’érotisme (et par extension l’auto-érotisme) est étroitement lié à la littérature. De la scène de cul isolée et fugace d’un vieux Stephen King aux Cent-vingt journées… de Sade, de la littérature érotique à la pornographie écrite la plus crue, tout le monde peut y trouver son compte, tout le monde peut trouver son livre à lire à une main, et si tu n’en es pas encore sûr, le TAG va se démener pour te le prouver. Mets ton masque et sors ta plume, on se lance.

On pourrait commencer par Sade. Ou même se faire un petit récapitulatif des rapports consentis entre sexualité et littérature depuis l’Antiquité. Mais pour pas vous faire fuir, toi et l’iPad tout neuf que tu as eu à Noël, on va plutôt rester en terrain connu avec un blog, Quickies in New York. Ce tumblr s’est fait un petit nom sur le net en publiant régulièrement depuis 2009 des billets et des photographies érotiques. Le fondateur, Guy in New-York est à l’origine de tous les textes, parfois mis en valeur par les clichés du bien nommé The Dirty Gentleman.

Les textes distillent et dissèquent par petites touches les tropismes de l’amour, du sexe et des relations en suivant le narrateur dans ses errances new-yorkaises. L’objectif premier du tumblr était avant tout un défi personnel. Bloqué sur un de ses romans, Guy in New-York décide de s’échapper un peu en écrivant toutes les « dirty stories » qu’il a en tête. Avec le temps cependant, les ambitions de l’auteur se sont affinées. Dans une interview il précise un peu l’enjeu de QiNY :

« I’d like [the reader] to think about sex as a real part of their lives that’s fun, scary, silly, exciting, tiring, overwhelming, and completely wonderful. But mostly I want them to get a sense that sex isn’t always difficult. »

« Je veux [que les lecteurs] envisagent le sexe comme quelque chose d’important dans leur vie, à la fois amusant, effrayant, stupide, excitant, fatiguant, irresistible, et vraiment merveilleux. Je veux surtout qu’ils comprennent que le sexe n’est pas toujours compliqué. »

Intentions tout à fait louables qui prennent la forme de billets d’autofiction, inspirés par sa propre vie, par ses fantasmes, par les histoires qu’il entend, celles que lui racontent ses amis etc. Le but n’est finalement pas de savoir qui parle, ni d’où il parle. Hétéro, gay, lesbiens, narrateur masculin ou féminin, on comprend vite que la règle ici est qu’il n’y en a pas. Deux constantes peuvent être mises au jour : d’une part cet attachement à la ville, aux rues de New York, à la vibration de cet immense terrier que l’auteur considère comme le personnage récurrent de ses textes. De l’autre, une attention particulière portée aux relations de soumission/domination, et à la manière dont ces rapports s’installent entre deux personnes.

Quickies New York

© 2011 The Dirty Gentleman (#257)

Souvent les détails sont tus et c’est in medias res que le texte débute (le taulier m’oblige à caler du latin). Dans un bar, dans une rue, sous une fenêtre, sur un lit, sous la table d’un restaurant, on se retrouve plongés au coeur d’un monologue, d’une conversation, d’un quicky dans un bureau, et c’est au lecteur de glaner les détails, d’imaginer un contexte, de faire travailler son imagination. C’est le principal intérêt d’une telle entreprise : aux surcharges graphiques du porno, qui ne laissent au spectateur qu’un espace très limité de fantasme, l’écriture elle (en tout cas celle de QiNY) ne propose qu’une ossature de récit, dont les descriptions sont souvent limitées au strict minimum.

Il ne faudrait pas se méprendre sur le rôle que peuvent tenir ces textes. Ils ne peuvent pas forcément être lus comme purs supports masturbatoires, au même titre qu’un film ou même un roman érotique, mais plutôt comme des accroches, des aphrodisiaques, un moteur à fantasme. La brièveté des billets ne fait que renforcer la puissance d’évocation des mots, qui, sans efforts stylistiques et sans manières ampoulées remplissent parfaitement leur rôle. On se retrouve souvent surpris par la puissance d’évocation d’une simple phrase. Direct, moderne, simple, QiNY est un bon moyen de se réhabituer au FAP littéraire de qualité.

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